Un mythe, il faut le vivre, pas y croire. Les Jeux olympiques vont nous accaparer au mois de juillet et la terre entière sera une fervente spectatrice. C’est pourtant sur une grande fiction que le rêve sera bâti. Au fond, le rêve est justement la mise en scène d’une fiction. La magie est douce lorsque ce n’est pas un cauchemar mais il faut se réveiller et revenir à la réalité.
L’événement, il faut le reconnaître, est exceptionnel et très attendu. Cette chronique ne le remet certainement pas en cause mais elle se propose de rappeler la vigilance qu’il faut toujours avoir avec les mythes et les légendes.
Le XIXème siècle en a ressuscité dans des proportions industrielles. Ce siècle a voulu reproduire le prestigieux siècle de la Renaissance en remettant à jour les arts, coutumes et architectures de l’antiquité ainsi que d’autres grandes cultures. Seulement, il l’a fait en scénario hollywoodien comme ce fut également le cas pour la mode de l’orientalisme, plus en pièce de boulevard qu’en une reconnaissance digne de la grandeur de la culture de l’Orient.
Pierre de Coubertin, le créateur des Jeux olympiques modernes, est né dans ce siècle et en a donc été imprégné même si une grande partie de sa vie déborda sur le XXème siècle. Son idée première était très honorable et respectable.
Tout le monde connaît l’objectif de sa création, soit le surpassement de soi et la compétition créatrice d’une fraternité entre les peuples et les nations. Tout cela est symbolisé par le drapeau des Jeux avec cinq anneaux représentant les cinq continents. Cinq anneaux enchevêtrés pour imager la grande fraternité des nations dans la confrontation de leur jeunesse rayonnante.
Il fallait un slogan à la hauteur du projet, ce sera « Plus vite, plus haut, plus fort, ensemble » reproduit de la citation latine d’une Rome qui était héritière de la civilisation grecque, « Citius, Altius, Fortius – Communiter » .
Ce grand dessein humaniste et universaliste avait justement été puisé dans le mythe des Jeux de la Grèce antique. Tous les bons professeurs faisaient la pédagogie du mythe et en expliquaient le sens. Ils n’étaient pas la réalité mais c’est à partir de ces mythes que l’humanité va imager ses propres projections dans la littérature, la psychologie et les valeurs humaines. Pierre de Coubertin nous les a « vendus » comme une réalité historique, c’est en cela que réside le mensonge.
Commençons par Philippidès dont la légende est racontée différemment selon les versions qu’il nous est permis de connaître. Celle qui a été retenue par Pierre de Coubertin est celle qui l’arrangeait. Il l’a puisée dans la version de Lucien de Samosate au 2ème siècle après J.-C. Le soldat Philippidès aurait couru de la plaine de Marathon jusqu’aux portes d’Athènes pour annoncer la victoire des Grecs sur les armées perses dirigées par Darius. Il mourut d’épuisement au bout des 40 km (environ) qui séparent Marathon et Athènes.
Cependant, Hérodote dont la version remonte à six siècles auparavent, donc plus proche de l’époque mythique, raconte une toute autre histoire. Philippidès aurait couru pour demander de l’aide à Sparte pour éviter une déroute des armées grecques en grande difficulté.
L’épreuve du marathon clos les Jeux olympiques car elle est la plus symbolique pour annoncer la victoire des Jeux. Pierre de Coubertin s’est donc appuyé sur la seule version racontée aux collégiens du monde entier. Elle est tronquée et orientée pour une image de la gloire et de la victoire.
Venons-en maintenant à plus grave que la légende de Philippidès car c’est au cœur du mensonge, les Jeux en eux-mêmes. Le choix de la mythologie des Jeux antiques est radicalement contraire aux valeurs annoncées par Pierre de Coubertin pour les Jeux modernes.
La société grecque était d’une violence inouïe, le culte de la force était considéré comme une vertu portant gloire et honneur. La civilisation grecque ne considérait l’universalisme que par les conquêtes territoriales victorieuses et la soumission des autres peuples. Les Jeux, nous raconte la mythologie, sont la marque du culte de dévotion à Zeus.
Ils avaient comme signification de relater la puissance du combat glorieux que ce dernier a mené pour se venger de son père, Ouranos, et le tuer. Toute la mythologie grecque tourne autour des valeureux combats pour la puissance, le pouvoir et la gloire du plus fort.
Le marathon termine les jeux, le symbole de la flamme olympique les débutte. Elle est pourtant la flamme que portaient en relais les messagers pour annoncer le début des jeux antiques. Elle est la représentation de la puissance de Zeus qui en avait été doté en même temps qu’il eut la foudre comme symbole de sa puissance.
Ce feu que Prométhée avait dérobé à Zeus pour sauver l’humanité en voulant lui apporter la chaleur et la possibilité de cuir les aliments (feu qui lui avait été donné puis retiré) et qui lui a coûté très cher. Ce feu dont elle fut privée et qui aujourd’hui est le symbole d’ouverture des Jeux modernes. Pierre de Coubertin a ressuscité les Jeux à la sauce du XIXème siècle, il les fait inaugurer, les fait dérouler et les terminer avec un vaste détournement du mythe.
Mais la réalité des Jeux, au fil des décennies, a rétabli la vérité car ils sont devenus la résonance de tous les conflits du monde. Le drapeau, l’esprit de revanche, l’image de la force nationale, les boycotts et les exclusions ont égrené leur histoire. On sait combien Hitler en avait fait l’image de la gloire de la race arienne. C’est ce qu’ils feront encore en juillet car on nous annonce tant de litiges dans ce sens, comme toujours, depuis le début de cette histoire à la Walt Disney.
Tout est mensonge dans cette belle fable. Pourtant, les Jeux doivent être préservés si on veut bien supprimer les références aux pays mais préserver seulement la prise en compte des performances individuelles des magnifiques sportifs du monde. C’est une ancienne proposition qui n’est pas de moi mais partagée de longue date par beaucoup.
Les sélections se font de toute façon déjà par les minimas requis pour les performances des athlètes. Cela ne changerait rien sinon de revenir au véritable message du sport, celui du dépassement de soi et de la confrontation cordiale et universelle.
Le mythe est le rêve indispensable à l’être humain. Le détournement du mythe est par contre un mensonge qui insulte l’intelligence humaine.
Sid Lakhdar Boumediene
Peut importe la version qu’on choisit, celle où il rapporte la victoire ou pour celle où il va chercher du renfort ou encore celle où il va annoncer une défaite imminene, le plus important c’est que Philippidès a bien couru et en est devenu une légende; et de cette légende Pierre de Coubertin en a fait un rêve et de ce rêve en a fait une réalité qui fait rêver a son tour des générations de jeunes à travers le monde entier quelque soit leur couleur, leur religion, leur statut social,…N’est-ce-pas tout comme par un rêve?
Ce n’est pas sous prétexte qu’on ne rêve plus nous, qu’on va empêcher les autres de rêver et même d’essayer d’en transformer quelques-uns en réalité. Mais, aulieu de s’en réjouir et de se contenter de jouer aux jeux puisqu’ils nous profitent aussi, ou de ne pas jouer du tout, sachant que personne nous y oblige ni même ne remarquerait notre absence, si tel est notre désir ou notre jugement que les jeux sont une insulte à notre intelligence extraordinaire, mais au lieu de ça on préfère, comme d’habitude, s’adonner à notre jeu préféré, le seul jeu que notre intelligence accepte de jouer volontier: jouer les rabat-joie.
Les jeux, il y’en avait dans chaque cité grecque, mais aussi en Italie d’avant l’emprise romaine.
L’usage le plus courant était d’organiser des jeux conformément à une promesse faite au/x dieu/x déesses en cas de victoire.
Ce n’est sans rappeler les promesses que nous faisons aux dieux domestiques et/aux saints (c’est selon) si telle prière est exhaussée ou si tel vœu ou projet venait à se concrétiser. Tislit n wAnzar est la cérémonie (pas tout à fait des jeux) la plus connue.
Les écrits antiques nous rappelle que des princes numides de l’époque de Masinissa et de Micipsa participaient à certains de ces jeux.
Chercher dans les jeux olympiques quelques principes célestes, transcendants la réalité, en dehors des contingences de la vie est un exercice propre aux enseignements orientaux. Ceux-ci mettent en avant des modèles inatteignables, parfaits car création de Dieu – lui même la perfection incarnée-, au final, stériles car inapplicables sinon à recourir à l’hypocrisie pour feindre approcher cette perfection. C’est tout le contraire des dieux grecs qui sont, eux, de loin, plus vraisemblables, plus terre à terre, plus facile à imiter et leurs vices (car ils en ont tous), à éviter.
J’aime cette opposition entre des dieux orientaux parfaits mais ennuyeux, stériles dans la bonification des humains et des dieux grecques et romains à visage humain , plus proches auxquels chacun peut s’identifier, se comparer, s’en servir de modèle.