Depuis le 15 août 2025, l’archipel espagnol des Baléares a connu l’un des épisodes migratoires les plus intenses de ces dernières années. En l’espace de trois jours seulement, plus de 600 harragas, venus pour la plupart d’Algérie, ont atteint les côtes de Majorque et de Formentera à bord d’une trentaine d’embarcations de fortune.
Selon le délégué du gouvernement espagnol dans la région, Alfonso Rodríguez, il s’agit de « l’une des arrivées clandestines les plus intenses jamais enregistrées en si peu de temps ». La plupart des bateaux sont arrivés de nuit, profitant de conditions météorologiques favorables et des failles persistantes dans le contrôle maritime de cette zone très fréquentée par les passeurs.
Les chiffres confirment l’ampleur du phénomène : au cours du premier semestre 2025, les arrivées illégales dans les Baléares ont bondi de 170 % par rapport à l’année précédente. Une progression fulgurante qui illustre le rôle croissant de ces îles comme porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe.
Cet afflux massif met à rude épreuve les capacités d’accueil et de prise en charge des autorités locales, déjà débordées par une vague migratoire en hausse constante depuis le début de l’année. Les centres de rétention des Baléares fonctionnent au-delà de leurs capacités, obligeant les autorités à transférer une partie des migrants vers d’autres régions d’Espagne.
Derrière ces chiffres, un même drame se répète : celui de jeunes Algériens, souvent diplômés et sans perspectives, qui prennent la mer au péril de leur vie pour fuir la crise économique et sociale qui frappe durement leur pays. Dans certaines embarcations, des familles entières avec enfants en bas âge ont été recensées, témoignant d’un désespoir grandissant.
Les ONG de défense des migrants rappellent que la Méditerranée reste l’une des routes les plus meurtrières du monde, et appellent à une réponse humanitaire urgente. Elles dénoncent également la politique répressive qui criminalise les harragas sans jamais s’attaquer aux causes profondes du phénomène.
Du côté d’Alger, le silence des autorités contraste avec l’ampleur du drame humain. La harraga continue d’être traitée comme un simple problème sécuritaire et judiciaire, alors qu’elle traduit un malaise plus profond, lié au chômage massif des jeunes, à la fermeture politique et à l’absence de perspectives sociales.
Ce nouvel épisode illustre l’enracinement d’un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Pour les centaines de jeunes Algériens qui ont touché les côtes espagnoles à la mi-août, la traversée est avant tout un acte de survie et de désespoir — une fuite vers l’inconnu, au prix du bannissement et de la stigmatisation.
Mourad Benyahia