L’arrestation et l’emprisonnement de Boualem Sansal continue de faire verser beaucoup d’encre…à mesure que le temps passe, deux blocs irréconciliables se sont formés autour de la question : ceux qui le défendent et ceux qui le condamnent avec virulence, sans le moindre état d’âme ni quelconque ménagement.
Régulièrement, j’insère sur ma page Facebook un encart demandant sa libération. Celui d’hier a été l’objet de plus d’une centaine de commentaires …voici, résumées, les positions et les arguments des uns et des autres.
De but en blanc, le premier commentaire annonce la couleur :
– De quel Boualem Sansal s’agit-il, de l’écrivain ou du politique ?
S’ensuit une avalanche de questions et réponses insérées tambour battant :
– Ce n’est pas un politique, mais un écrivain âgé, emprisonné pour ses idées
– L’écrivain est apprécié, lu et respecté encore aujourd’hui en Algérie. Le politique a eu des propos menaçants pour le pays. Il est retenu pour cela. Essayez de comprendre et c’est un Algérien, une question interne algérienne et ça ne regarde que les Algériens.
– Il n’a pas eu de propos menaçants contre l’Algérie, on défend ses propos et idées en tant qu’esprit libre. Et, non, cela ne regarde pas que les Algériens, mais toute personne soucieuse des droits humains et pensant qu’emprisonner un écrivain exige de le soutenir. Où qu’il soit.
– Chère madame, les droits humains ont été honteusement bafoués à Gaza ou plus de 45000 enfants ont été assassinés et le reste des Gazaouis affamés, assoiffés, privés de soins et d’abris. Je vous invite à défendre plutôt ces malheureux. Quant à Boualem Sansal, c’est cette ingérence qui l’enfonce un peu plus. L’Algérie est souveraine et elle peut tout se permettre.
Un autre commentaire a suscité d’autres réactions :
-Depuis quand les traîtres doivent-ils avoir des privilèges ?
-Traître ? En quoi ? Pour avoir évoqué des faits historiques sans pour autant désirer un retour au passé… Ses livres révèlent, au contraire, un immense amour pour l’Algérie.
-Immense amour pour l’Algérie comme tous les Algériens. Il s’est ingéré dans les affaires intérieures au sujet du Sahara occidental. Il n’aurait pas dû se prononcer en faveur du Maroc, sachant qu’il y a des tensions entre l’Algérie et le Maroc concernant le Polisario. Par ailleurs, de quels faits historiques parlez-vous ? Il y a plusieurs versions, nous avons la nôtre…
-Ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a parlé de faits historiques, il n’a pas pris de position sur l’actualité. Les faits n’ont pas de « versions », mais des cartographies et textes historiques. Histoire, rien d’autre.
-Le Sahara occidental était colonisé par l’Espagne, la Libye et l’Algérie ont combattu avec le peuple sahraoui pour libérer le pays. De ce fait, le pays appartient aux Sahraouis, un pays libre et à personne d’autre.
Les choses s’emballent davantage :
– Si on le libère, c’est qu’il a raison, l’Algérie doit donner la partie Ouest de son territoire au pays voisin !
– Boualem n’a jamais dit ça, ses propos ont été déformés … Il a juste rappelé l’histoire des frontières qui évoluent partout selon les rapports de force…Il n’a fait que rappeler l’histoire de la région et de ses frontières sous protectorat Ottoman, Britannique, Français, les conflits avec les Sahraouis et leur autonomie vis à vis du Maroc et de l’Algérie. Ce qui est grave, c’est que vous trouviez normal de mettre un prison un écrivain, simplement parce qu’il ne pense pas comme vous. Vous ne sortirez jamais de votre médiocrité.
– Médiocrité ! ? Renseignez-vous sur moi avant d’écrire des âneries !
Ces deux derniers commentaires dénotent la fracture et les positions irréconciliables entre les défenseurs et les adversaires de notre Boualem national. En attendant, il croupit en prison, malade et certainement dévasté moralement. Libérez-le bon sang !
Kacem Madani