9 novembre 2024
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Pour une transition pacifique et intelligente vers une renaissance de l’Algérie

TRIBUNE

Pour une transition pacifique et intelligente vers une renaissance de l’Algérie

L’insurrection du peuple algérien un certain 22 février 2019, désormais une date inscrite dans l’histoire de l’Algérie contemporaine dont on espère qu’elle sera un point d’inflexion qui projetterait l’Algérie et toute la région de l’Afrique du Nord dont elle est le cœur palpitant dans une dynamique historique et dans le sens d’une trajectoire ascendante.
 

Que cette graine qui vient de bourgeonner en ce début de printemps soit préservée et nourrie pour donner d’autres graines qui préluderaient à la profusion d’une culture nouvelle de l’esprit pacifique. Que cette flamme qui vient de se rallumer au milieu de cette longue nuit glaciale que nous venons de traverser soit entretenue par l’énergie d’une jeunesse nombreuse et redoutable. Elle resterait à jamais une date phare qui éclairerait l’avenir des générations futures. L’éclosion de cette précieuse graine n’est pas spontanée, elle est le résultat d’un enfantement long et douloureux, suite à tout ce qu’a enduré le peuple algérien comme souffrances et des luttes exsangues qui ont parsemé son histoire à la fois ancienne et récente. L’espoir lointain d’hier est devenu réalité vécue aujourd’hui. espérons que l’esprit pacifique naîtrait comme une fleur qui naît d’un tas de fumier, écrivais-je dans un article consacré à la corruption publié dans le journal Le Soir d’Algérie, il y a plus d’une année, le 04 septembre et le 18 septembre 2017. Pour éviter de reproduire les échecs subis dans le passé, tirons les leçons que nous prodigue notre histoire. 

A propos de l’islamisme 

La révolte sociale d’Octobre 1988 a été totalement déviée de ses aspirations premières. Une révolte purement sociale contre la dégradation excessive des conditions sociales et contre l’étouffement de la vie politique et culturelle interdisant toute forme d’organisation sociale et associations politiques en dehors des carcans des constantes nationales. l’ouverture démocratique a profité plutôt à l’islamisme qui était en vogue, la fin de la guerre en Afghanistan coïncidait avec le multipartisme en Algérie, tous ses combattants algériens étaient accueillis en héros. Ils multipliaient conférences, meetings, organisations, non pas dans le cadre de l’Etat mais en dehors. Ils mettaient déjà en place l’organisation d’un Etat parallèle. Ils opposaient une oreille sourde contre toutes les mises en garde aux dépassements qu’ils commettent au grand jour.

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Ils ont déjà institué une police islamique qui imposait sa loi et ses caprices devant la police officielle, ils ont leurs marchés, ils occupaient les mosquées et tous les lieux de culte, ils s’en servaient comme sièges, ils interdisaient tout parti d’organiser des rencontres avec les citoyens, quant aux galas, ils sont frappés d’anathème et gare à celui qui enfreint la règle. Des agressions physiques se multipliaient et les provocations de toutes natures se profilaient, l’usage de la sonorisation des mosquées au milieu des centres urbains à haute fréquence et l’Etat laissait faire dans l’intention de revenir au système FLN. C’était au temps où Mouloud Hamrouche était chef de gouvernement. 

Sans vouloir chercher dans les causes de l’intégrisme, ce n’est pas l’objet de ce modeste article, mais c’est un phénomène qui a toujours accompagné les périodes de crises économiques, sociales et intellectuelles et religieuses mêmes. La dégradation des conditions économiques a toujours été un prélude à l’insécurité et à l’apparition des violences multiformes. De nature, l’être humain dès qu’il a faim, a tendance à devenir agressif. 

Le niveau religieux joue également un rôle primordial dans le combat contre l’intégrisme. Tous ces jeunes et moins jeunes qui ont versé dans le terrorisme sont à l’origine des néophytes dans le domaine religieux. Ce sont des gens plutôt enthousiasmés mais pas convaincus, la religion a conquis leurs cœurs, mais pas encore les esprits; elle a subjugué leurs sentiments mais pas la raison. Ils y adhèrent plus par sensibilité que par raison. On voit d’ailleurs dans ces sociétés sous-développées, la profusion de la religiosité. C’est la religiosité comme phénomène de société qui est apparue et non pas du fait religieux saint dans son essence. La preuve, c’est qu’on voit une forme d’hypocrisie se répandant dans la société où des religieux pratiquants ne se gênaient nullement à se comporter en jésuites, contrairement aux préceptes de la religion même dont ils se revendiquent. Ils commettent des péchés publiquement que les non religieux mêmes ont des scrupules à perpétrer. Profitant de ces conditions dégradantes et du climat social délétère, les intégristes ont tenté de faire le hold-up de la démocratie en usant des outils mêmes que leur offrait la démocratie. 

A propos de l’opposition démocratique 

Les événements d’Octobre 1988 n’ont pas fait l’objet de récupération de la part de l’islamisme uniquement, l’opposition démocratique également fait une tentative de monopolisation de la vie publique, chacune usant de ses moyens. Ce n’est pas pour faire le procès des démocrates aujourd’hui, mais ils n’ont pas le droit également de nous empêcher de leur reprocher leurs erreurs, leurs fautes, et pour d’autres leurs trahisons. 

En effets, certains ont failli et d’autres ont carrément trahi et sans vergognes. Qu’on s’entende bien sur les mots, j’entends par opposition démocratique, ces partis créés au lendemain des événements d’Octobre 1988, ou bien les dissidents de ceux-ci, j’exclus de fait, tous ces anciens chefs de gouvernement, sans exception aucune, qui se découvrent l’âme d’opposants une fois éjectés du sérail. 

La non émergence d’une opposition capable de canaliser les foules et de gagner la confiance du peuple après trente ans d’exercice, en dépit de la déliquescence du pouvoir en place et nonobstant toutes ses aberrations, est preuve des plus tangibles de l’infirmité congénitale d’une telle opposition. Malgré le vomissement du pouvoir en place par le peuple, on ne lui préfère pas pour autant son concurrent. Le peuple se trouve ainsi désemparé, il ne sait à quel saint se vouer. C’est une preuve irrévocable de la faillite de l’opposition dans sa méthode, dans sa stratégie et dans ses objectifs mêmes. Le projet de société qu’elle propose n’intéresse pas le peuple et ne suscite pas son adhésion.

Même si ce qu’elle dénonce est juste, mais ce qu’elle propose comme solution de rechange n’est pas juste non plus ou du moins n’est pas admis par la majorité. On peut pronostiquer que si les élections seraient honnêtes et transparentes, cette opposition ne serait pas plus grande qu’elle ne l’est actuellement. Ne pouvant pas se remettre en cause et s’auto-dissoudre, elle s’est contentée de tirer quelques bribes à la périphérie du pouvoir et s’occuper le reste du temps dans les palabres pour venir à bout de l’oisiveté.

Les sièges des partis politiques qui auraient dû servir de lieux de doléances pour les citoyens en détresse, écrasés par la bureaucratie et les injustices qu’ils subissent au quotidien, sont désertés par leurs propres adhérents. Le peuple est en désarroi. Tous les problèmes auxquels sont confrontés les citoyens à titre individuel auraient dû servir de socle de revendications de manière collective par ces formations politiques. La détresse des citoyens broyés par la misère et laminés par les injustices de toutes sortes devenues son lot quotidien auraient dû servir d’essence pour animer le mouvement de ces partis s’ils avaient trouvé une oreille attentive ou une âme sensible chez eux. Ces citoyens mêmes finiraient par être mobilisés comme militants politiques si ces partis avaient fait l’effort de leur régler leurs problèmes ou manifester la moindre petite volonté de le faire quitte à ne pas y arriver. 

Le pire n’est pas là, non seulement ils ne font pas l’effort d’aider le citoyen, mais ils tentent d’accaparer la place publique et se sont mobilisés à monopoliser la parole et les activités relevant de la collectivité. Dès qu’un parti politique nouveau cherche à animer une action publique, il est perturbé par des autocrates autoproclamés. Dès qu’une association à caractère culturelle ou sociale naît, elle est vite phagocytée par ces militants politiques. Ils ne travaillent pas, ils ne prennent pas des initiatives, ils ne se donnent pas la peine construire, leur seule activité s’est limitée à récupérer le travail des autres et à saborder les actions qui ne les arrangent pas ou qui ne rentrent pas dans leurs lignes. On se spécialise dans la casse. Casser les assemblées générales, casser les démarches des autres, casser, casser,… il reste toujours quelque chose qu’il faut casser.

Après être assuré que plus rien ne bouge, on rentre dans la période d’hibernation, jusqu’au jour où des échéances électorales arrivent, alors des candidatures commencent à pousser comme des champignons de couche. On déterre la hache de guerre en jouant sur les fibres les plus sensibles, les discours sur la modernité s’estompent le temps de l’orage électoral pour céder la place au tribalisme primaire, les débats constructifs sont remplacés par des polémiques, les alliances contre nature deviennent nécessité pour faire barrage au danger imminent, la sollicitation de l’argent sale pour financer la propagande devient inévitable pour survivre.

Les partis politiques censés moraliser la société et assainir la vie publique ont fini par la dépraver. Les militants politiques censés donner l’exemple et servir de modèle de référence par leurs comportements sont devenus des vecteurs du mal. Ce faisant, ils ont reproduit les schémas qu’ils subissaient eux-mêmes de la part du pouvoir. 

Attention ! Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, les partis d’opposition, en dépit de leurs erreurs et nonobstant leurs tiraillements face à un pouvoir uni avec ses alliés, ils ont tout de même empêché le pire de se produire. En soutenant la presse indépendante dans les pressions multiformes qu’elle subissait, ils avaient ainsi sauvé le dernier rempart de la démocratie. Cette presse qui n’avait pas abdiqué dans sa diversité et face à l’adversité à la fois du terrorisme et de la dictature. Malgré tous les déboires, ils ont (presse et partis politiques) semé les graines d’une conscience politique et sauvegarder la lucidité collective dans un brouillard politique des plus épais. Même les militants politiques dispersés, souvent à titre individuel, n’ont pas abdiqué, ils militaient dans l’ombre et dans l’anonymat et ont fait face aux harcèlements et défendu les causes justes et se sont lancés à corps perdus dans des batailles contre la corruption qui gangrénait la société. 

Ce sont des critiques que je formule, pas des reproches, je ne le fais pas dans l’intention de culpabiliser, mais c’est un examen de conscience nécessaire que nous devons faire tous face à nous-mêmes pour ne pas persévérer dans l’erreur à l’avenir. En effet, quand quelqu’un se propose de s’occuper de la chose publique, sans contrepartie certes, de manière sincère et désintéressée, le public se réserve le droit de critiquer, de faire des reproches et de condamner celui qui n’a pas réussi, mais sans pour autant le mépriser. 

Ce sont les démocrates qui assument le plus le poids de la critique parce que la démocratie étant la seule voie de sortie de crise, mais qui a été mal exploitée, mal utilisée, elle est également mal et sous représentée. Quant à l’islamisme politique, il est le prolongement naturel du système, il est son fils biologique et idéologique; il est la face rajeunie du système. 

La déception politique du peuple algérien n’était pas venue de la part du pouvoir en place dans la mesure où on le connaissait déjà, mais elle émane surtout des partis d’opposition sur lesquels étaient accrochés tous les espoirs. L’erreur stratégique qu’avait commise ces derniers c’est d’avoir tourné leurs visions vers le pouvoir qu’ils étaient censés déconstruire pour tirer leur propre légitimité. Plutôt que de puiser leurs forces du peuple, ils ont cédé à la politique des quotas qui leur a été offerte par le pouvoir pour les amadouer quelques fois et les apprivoiser d’autres fois. En réussissant à les immiscer dans ses affaires, du coup le pouvoir a réussi à émousser leur agressivité et à les discréditer vis-à-vis de leurs bases. Il a profité de leurs moments de faiblesse durant les échecs électoraux qu’ils avaient subis suite justement au trafic des élections avant et après le scrutin. Biaisées d’avance par des lois électorales conçues sur mesure et truquées après le vote par le bourrage des urnes. 

Ces partis s’ils étaient restés dévoués envers leur peuple et avaient montré leurs prédispositions à se sacrifier pour le peuple, même s’ils n’avaient pas remporté les élections, ils auraient gardé leur crédibilité, tôt ou tard ils finiraient par immerger. le peuple finirait par leur offrir énergie, financement et protection devant les exactions juridiques et sécuritaires auxquelles ils se seraient exposés. Les tests du peuple à l’égard des hommes publics qui se proposent de les diriger ont toujours été de véritables perquisitions politiques, économiques, sociales et psychologiques, mais quand il découvre l’honnêteté d’un homme, il l’aurait investi d’un charisme inébranlable. Le peuple rendra toujours au centuple ce qu’il reçoit. c’est pourquoi, pour reconquérir sa confiance il faut beaucoup de patience. Cette stratégie d’entrisme adoptée par les chefs des partis est vite saisie par les militants de base, alors les plus sincères et les plus dévoués qui les animaient par leurs énergies et leurs temps et servaient d’immunité des partis se retiraient en silence et les plus opportunistes menaient des guéguerres souterraines pour gravir les échelons, accéder aux privilèges et occuper des postes qu’ils n’ont jamais mérités.

Avec le temps, ces partis sont restés comme des coquilles vides. Sans le savoir, ils ont contribué à la longévité du pouvoir et écourté la leur. Le pouvoir égal à lui-même n’a jamais cédé la moindre parcelle de son territoire, il n’a jamais eu l’intention de se réformer, la moindre concession qu’il fait aux partis sous la pression des événements à un certain moment, revient ensuite sur ses pas pour récupérer ses prérogatives une fois le creux de la vague surmonté, désavouant ainsi une opposition qui n’a ni la force de drainer les foules ni celui d’imposer ses options au pouvoir pourtant honni et agonisant. C’est par désespoir de cause qu’ils se sont tournés vers le pouvoir, pressés de réaliser des résultats dans les plus brefs délais, ils n’ont pu supporter trop longtemps la vie ascète qu’impose le militantisme, ils voulaient coûte que coûte le partage du pouvoir, finalement ils n’ont eu ni pouvoir ni n’ont gardé leur crédibilité auprès de la base. «Vous vouliez avoir la paix et les honneurs, finalement vous avez eu la guerre et le déshonneur», disait Winston Churchill au maréchal Pétain. 

Comment procèdent les dictatures ? 

D’emblé, je risque peut-être de brusquer le lecteur et de paraître comme étant insolite, j’affirme que ce pouvoir a engendré le pire, mais il a tout de même les «qualités de ses défauts». Les détenteurs du pouvoir étaient prêts à toutes les concessions pourvu qu’ils conservent leur trône, ils étaient prêts à lâcher du lest pour conserver le pouvoir et tout le pouvoir, quant aux opposants conservateurs notamment qu’il avait engendrés, ils étaient prêts à perdre toute la partie et mettre en péril la patrie plutôt que de se réformer et s’inscrire dans le sens de l’histoire qui se dessine devant eux. 

Comme quoi, les petits dictateurs qui rêvent du pouvoir sont plus dangereux que les dictateurs en exercice. Frustrés qu’ils étaient, tous leurs raisonnements étaient tirés du passé et orientés à reproduire le passé en l’état dans l’avenir. En effet, une dictature quand elle s’installe dans un pays et tarde à être ébranlée, elle engendre des formes de dictatures plus pernicieuses et des dictateurs plus dangereux mais qui montrent un visage humain. Ils se croient même qu’ils sont plus visionnaires. C’est le fils qui dépasse le père. Il le dépasse dans tous ses défauts sans avoir la moindre des «ses qualités». Je pense particulièrement à ces conservateurs de tous bords qui reprochent au pouvoir d’avoir inscrit tamazight comme langue nationale et officielle. C’est justement le règlement du problème identitaire qui a été à l’origine de l’unité du peuple algérien aujourd’hui et dans le civisme épatant. 

Toutes les dictatures de par l’histoire se ressemblent dans les méthodes. S’ils parviennent à maintenir leur monde dans l’obéissance pour les uns et la passivité pour les autres, c’est qu’ils se sont dotés d’un artifice efficace dont nous tenterons de schématiser les contours: 

– Les dictateurs sont tous narcissiques, leur ego n’a pas de limites, ils s’élèvent au point où ils se prennent pour des dieux et tout le reste n’est qu’esclave; 

– Les dictateurs ne sont jamais seuls, ils sont toujours secondés par des experts techniciens qui leurs balisent la route et réalisent toutes les sales besognes et même plus, ces derniers tentent de devancer les désirs de leurs maîtres pour qu’ils soient toujours dans de bonnes grâces. ce faisant, ils réalisent toujours leurs tâches avec excès de zèle. Ils se dotent également d’une armée de fidèles qui n’ont ni foi ni loi autre que la fidélité au maître. Ils sont dressés à n’écouter que leur maître; 

– Quant au peuple, ils le subdivisent en catégories et en classes antagonistes de telle manière à se neutraliser mutuellement, mais tout en prenant le soin de donner un petit avantage relatif pour une partie de sorte à s’assurer de l’anéantissement et de la soumission totale de la première (partie dominée) et l’étouffement de la révolte et de la prise de l’ampleur de la seconde (partie dominante). Cette dernière, le fait qu’elle se fait prévaloir de rapprochement du centre la corrompe déjà spirituellement et l’exempte ainsi de toute tentative de retournement contre le maître. 

Aujourd’hui, on accablait le chef d’Etat de tous les maux y compris par ses alliés les plus proches, je n’ai pas l’intention de défendre une personne dont le bilan est catastrophique sur tous les plans. personnellement, il ne m’a jamais inspiré ni sympathie ni confiance. Depuis 1999, lorsqu’il était présenté comme candidat du consensus, de tous les partis et de toutes les organisations satellitaires et des personnalités influentes, ironie du sort, vingt ans après un consensus dans le sens inverse se fait contre lui, mais c’est un consensus du peuple. Pour les plus réticents, ils ont fini par revenir à de meilleurs sentiments, une fois installé au trône, surtout qu’il leur a tendu la perche en leur offrant quelques sièges au gouvernement qu’ils n’auraient jamais espérés auparavant. Je pense particulièrement à ces ministres issus du RCD, du Parti des travailleurs (PT) qui a fini par soutenir le quatrième mandat, je pense aussi à tous ces chefs de gouvernements qui ont travaillé sous sa responsabilité.

Avant même qu’il ne les désigne comme chef de gouvernement, ils ont montré du «professionnalisme» dans sa campagne électorale. Monsieur Benbitour lui a conçu le programme économique en sa qualité «d’expert» en sciences économiques, Monsieur Benflis également en sa qualité de juriste et «d’éminent spécialiste» l’a disculpé de tous ses déboires avec la justice durant les années 1980. Aujourd’hui, que le peuple s’est soulevé seul, si ce n’est sous l’effet des fautes cumulées et des dépassements multipliés au grand jour, sans soupçons et pris en flagrant délit sous les images partagées en grand nombre par les moyens de télécommunication qu’offre la technologie moderne, on nous miroite l’image de l’ancien chef d’Etat comme messie et homme providentiel. 

Lui qui n’a réussi aucune mission quand il avait les reines du pouvoir. Rappelons au passage quelques ratages seulement : d’abord on l’avait sorti de l’ombre pour gérer une situation de transition, l’appétit vient en mangeant, il s’est succédé à lui-même par des élections qui n’étaient ni plus propres ni plus honnêtes que les précédentes. Présenté lui aussi comme candidat du consensus, il était président d’un parti politique qui a raflé la mise en trois mois d’existence, c’était un miracle politique. Venu régler la situation sécuritaire, il n’avait réussi sur aucun plan. C’est en son temps que la corruption a bourgeonné, rappelons-nous de l’affaire Khalifa, l’escroquerie du siècle comme l’a nommée son chef de gouvernement Ouyahia ensuite, en pleine période d’insécurité et en pleine misère, les ouvriers des entreprises nationales étaient renvoyés après vingt-cinq ans de service, le «patriote» Khalifa recrutait par milliers, histoire de résorber le chômage, encore un miracle économique qui se rajoutait au miracle politique.

L’opération «mains propres» menée par son chef de gouvernement dont il assume en premier la responsabilité a vu des milliers de cadres jetés en prison sans procès pour pénaliser l’acte de gestion. La presse a été muselée, des dizaines de procès intentés contre des journalistes; Les partis politiques, pourtant agréés et luttant, mains nues et avec un courage inégalable contre le terrorisme, étaient interdits d’activités, les associations sociales et culturelles, leurs militants étaient jetés en prison. Menacés par les terroristes islamistes d’une part et par le pouvoir d’autre part. Une année de boycott scolaire de toute une région pour revendiquer un droit plus que légitime a été débrayée sans aucun résultat, ce qui préludait aux événements de 2001. Finalement, on voit bien que l’officialisation de tamazight n’a fait que renforcer la cohésion nationale. On avait géré un pays comme une caserne. 

Alors de grâce ! Ne justifions pas le mal par le pire. Après vingt ans de destruction massive de l’Algérie, il observe un silence radio, exception d’une lettre indécodable envoyée à la presse rédigée avec un style de langue de bois dont il est difficile de l’interpréter au risque de s’aventurer à lui donner un sens qu’elle n’en a pas. Quand on exerce des responsabilités aussi hautes et qu’on se tait devant de tels dépassements, le moindre des méfaits est alors de se taire pour préserver davantage sa réputation. La politique n’est pas un jeu de dominos pour refaire indéfiniment la partie, toutes les fois que l’on perd. Avec tous mes respects pour son sens de l’honneur. C’est à plaindre pas à blâmer. C’était une situation qui le dépassait, et celle d’aujourd’hui n’est pas moins difficile. Elle nécessite beaucoup de tacts et de prudence. Il s’agit de jeter les BASES D’UNE ALGÉRIE NOUVELLE. Il faudrait alors des têtes nouvelles qui ont des visions qui sont à la hauteur des aspirations de cette nouvelle génération. 

Les vertus de la démocratie et le rôle du militaire 

S’il y a bien une vertu de la démocratie, c’est qu’elle porte en son sein ses propres moyens d’autodestruction des valeurs négatives. Ces moyens sont : l’alternance, la critique, la transparence, la presse libre et l’équilibre des pouvoirs. 

L’alternance : permet d’y aller à la limite de l’opportunisme avant même qu’il ne se produise. Dès qu’une personne commence à prendre le goût du luxe, et dès qu’elle commence à atteindre le stade d’incompétence, il y a du sang neuf qui vient animer l’institution pour la maintenir constamment en vie. En effet, comme le stipulait bien Peter : «Toute personne a tendance à évoluer et à demeurer au stade d’incompétence». 

La critique : la plus grande invention de l’Occident n’est pas la technique mais la critique. La révolution matérielle est venue après la révolution sociale. L’apparition de la révolution industrielle en Angleterre, pas dans un tout autre pays européen, est due à une différence de taille qu’avait acquise l’Angleterre avant les autres, c’est bien la révolution politique qui s’est produite dans ce pays. Un siècle avant la révolution française de 1789. La révolution anglaise s’est produite en 1688, alors que tous les ingrédients et tous les éléments féconds nécessaires pour une révolution industrielle existaient davantage en France qu’en Angleterre. 

La révolution anglaise a pour la première fois dans l’histoire replacé la loi au-dessus de tout le monde, y compris le gouverneur, y compris le roi. Ce faisant, l’Occident a désacralisé le politique. Désormais, critiquer une option ou un responsable politique, un ministre ou un président n’est plus un sacrilège. Un ministre n’est pas un chef, un président n’est plus un guide, au contraire il n’est qu’un élément d’une structure. Même s’il est au sommet de la pyramide, mais dans son imaginaire, son chef c’est le petit citoyen qui se situe à la base de la pyramide qui lui doit de l’avoir élu à ce poste. C’est de lui que dépend sa longévité au poste. Dans sa conscience, il est tenu de lui rendre des comptes quotidiennement et à chaque instant, y compris sur sa vie privée et ses dépenses individuelles. 

La transparence : dans les affaires publiques, un responsable peut accéder aux informations collectives que ne possèdent pas les citoyens. Ce faisant il aurait des moyens de les interpréter de manière tendancieuse ou biaisée. L’exercice de responsabilité de manière opaque risque de donner un «pouvoir discrétionnaire» à ses agents au détriment des citoyens qui eux ignorent les rouages de l’administration et la complexité du système de jurisprudence. Ce faisant, ils risquent de les utiliser à leurs propres comptes au détriment des ayants droit. La transparence permet justement d’éviter ce problème. 

La presse libre : vient compenser cette insuffisance et jeter la lumière sur ce qui se fait et se dit dans ces sphères pour permettre au citoyen de se positionner vis-à-vis des événements et des responsables et de participer de loin à la chose publique. L’information est le quatrième pouvoir dit-on. Sans information viable et fiable, toute analyse serait biaisée et même dangereuse dans certains cas. Cette information ne peut gagner en crédibilité que lorsqu’elle est libre. Elle sert d’interface entre l’Etat et la société civile, c’est pourquoi elle est tenue d’être rapide, actualisée, juste et responsable. 

L’équilibre des pouvoirs : l’équilibre des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est une condition sine qua non pour garantir la pérennité de l’Etat. Selon Montesquieu : «c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser… pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par des dispositions des choses, le pouvoir arrête le pouvoir». Il faut donc une interdépendance équilibrée entre ces institutions, dès qu’il y a une sorte de dépendance asymétrique d’une institution envers l’autre, c’est l’abus du pouvoir. Pour ce faire, l’indépendance de la justice est une parade idéale à tout abus et un frein à toutes sortes de dépassements. Un juge doit obéir à la loi et à sa conscience et non à un ordre venant d’une personne de quelque niveau qu’il soit. 

Ceci étant valable dans le cas des Etats civils tels que pensés par Montesquieu où la primauté du civil sur le militaire est déjà enracinée et avérée comme chose acquise, mais dans le cas des Etats en formation où le militaire possède une influence, voire une main basse sur la politique, il faut d’abord définir le rôle qui échoit à l’institution militaire. 

Le rôle de l’armée 

Dire qu’il faut que les militaires soient dans les casernes et n’auront aucun rôle politique à jouer est une assertion trop simpliste à mon avis, toute proportion gardée. L’histoire de notre pays l’a déjà montré et à plusieurs reprises. C’était déjà l’un des premiers principes inscrit nettement, clairement et sans aucune équivoque dans le congrès de la Soummam, signé et approuvé à l’unanimité par les congressistes pourtant militaires de leur état. Cependant dans la réalité du terrain, on observe bien que ce principe bute sur des difficultés de son application en dépit de sa clarté et même du prestige qu’il porte. En effet, c’est un principe séducteur, mais il n’empêche que sur le terrain c’était toujours la voix du militaire qui triomphait face au politique en cas de contradiction d’intérêts ou de différence de visions. Alors, passons des théories justes aux théories vraies. 

Une théorie pour qu’elle soit vraie doit être la synthèse d’une réalité et non pas l’inverse c.à.d. poser des postulats pour aboutir à une théorie, écrivait le sociologue allemand Max Weber. 

Pour ce faire, rappelons le contexte social et historique de notre pays pour donner à ce principe directeur sûrement appris et inspiré des autres nations, pour lui donner une assise sociale et culturelle de telle sorte qu’il suscite adhésion psychologique et automatique des acteurs devant la difficulté du terrain. Un principe, aussi populaire soit-il, adopté à l’unanimité ne peut avoir des chances d’être appliqué que si on le dote d’un mécanisme objectif de son application. et le mécanisme le plus fort est à mon sens le mécanisme culturel, plus que le mécanisme juridique ou politique. C’est la culture qui façonne et forge les principes et en font des réflexes face aux situations nouvelles et face aux ambiguïtés que nous réserve la marche de l’histoire. Qu’on le veuille ou non, consciemment ou inconsciemment c’est par des réflexes culturels qu’on réagit face aux événements. Les réflexes culturels sont plus déterminants que les expériences individuelles dans la prise des décisions. Lesquels réflexes culturels trouvent leurs origines dans la psychosociologie des individus qui composent le groupe social. 

Dans notre pays, étant donné l’histoire mais aussi la culture, dans le subconscient collectif c’est l’armée qui a libéré le pays, il lui revient de droit et le devoir de préserver une liberté chèrement acquise. Dans l’histoire de notre révolution, les porteurs d’armes gravissaient plus rapidement les échelons que ceux chargés de l’organisation et de la logistique. Ce n’était pas les intellectuels de l’ALN qui étaient des meneurs, mais les baroudeurs. Le sort même de la révolution est accaparé par le chef d’état-major, pourtant sans charisme à l’époque sans palmarès militaire face à des ténors du GPRA constitués par des vétérans de la politique et les initiateurs de la révolution. Pendant la guerre de libération, le peuple vénérait davantage les porteurs d’armes automatiques que leurs chefs politiques et les moussebiline qui courent pourtant des risques non moins importants. Mais l’appréciation de la masse répondait à d’autres critères. Ce sont des critères qui relèvent plus de l’émotion que de la raison. 

Ce pouvoir des militaires n’est pas dicté uniquement par les conditions d’une révolution armée ou imposée par des circonstances atténuantes, il tire son autorité de la tradition. Cet état d’esprit continue à régner dans la société. Les gens montrent plus de marques de respect aux gradés de l’armée qu’aux universitaires et aux intellectuels, la société montre plus de déférence à un vulgaire bagarreur qu’à un sage. Au sein même des partis politiques, il faut davantage d’agressivité pour espérer gravir les échelons que de production d’idées. Le pouvoir d’expert compte peu face au pouvoir militaire, le courage physique prime sur le courage de dire, le courage militaire l’emporte sur le courage civil. (1re partie)

A suivre 

Akkal Azedine*, enseignant à l’université Akli Mohand Oulhadj, Bouira

Auteur
Akkal Azedine (*)

 




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