Mardi 30 juin 2020
Pourquoi Attar fait fausse route dans son analyse sur l’avenir du gaz (II)
La plupart des statistiques sur les réserves, la production et la consommation sont, reconnaissons-le, la base de toute une analyse perspective de ce genre. Trop de statistiques tuent la statistique, en créant plus de confusion, c’est l’objectif même des organisations internationales pour inonder et intimider les pays pauvres comme ceux africains ou sud-américains.
1- De la deuxième hypothèse sur les statistiques en question
C’est uniquement pour cette raison et afin d’éviter un débat stérile que nous nous limiterons dans notre décryptage des chiffres de l’Algérie pour laquelle, l’auteur vient de prendre en charge le secteur en question. Ainsi lit-on dans cette contribution (04) « L’Afrique renferme encore des réserves développées ou en cours d’au moins 17 300 mrd m3 de gaz conventionnel. Elle est dominée pour le moment par les productions algérienne et nigériane qui sont stables, à partir de réserves (3P) qui sont équivalentes, avec 5 345 mrd m3 pour le Nigeria et 4 500 mrd m3 pour l’Algérie. Cette dernière renferme cependant quelque 22 000 mrd m3 en gaz non conventionnel dont le développement n’est pas encore envisagé, du moins à moyen terme ».
Or, l’auteur lui-même ne croit pas à ces chiffres puisque dans le cadre d’un exposé qu’il a fait le 6 octobre 2016 (05) pour le compte du Forum des Chefs d’Entreprises (FCE) pour leur rencontre dédiée à la transition énergétique en Algérie, il situe les réserves de gaz en place, ce qu’il a appelé, à supposer bien entendu « découverts », à 7300 milliards de m3 dont 4500 qui restent jusqu’en 2012 avec un volume prouvé de 2385 milliards de m3 qu’il compare à celui donné lors du conseil des ministre du 06/10/2015 à 2745 milliards de m3, donc deux chiffres très proches. Rappelons pour éviter toute confusion que le volume de 4500 milliards de m3 est apparu dans la Statiscal revue of world depuis plusieurs années sauf les trois dernières. Cette revue crédite l’Algérie de 4300 milliards de m3 de réserves de gaz naturel « prouvées » ce qui discrédite ses chiffres de l’avis même de plusieurs experts. Quant aux 22 000 milliards de m3 de gaz non conventionnel, aucune de ces revues ne les a évoqués car le potentiel de gaz de schiste n’est pas encore évalué en Algérie, des contrats sont en cours d’exécution pour ce faire.
La question des « gaz de schiste » est venue dans le débat public dans le monde en général et l’Algérie en particulier avec la publication par l’Agence Américaine d’Information sur l’énergie (EIA), en avril 2011, de chiffres tendant à démontrer que l’Algérie occuperait la 3e place dans les réserves de gaz de schiste et serait l’un des pays les mieux dotés dans cette ressource. Bien que ces chiffres aient été, depuis lors, révisés parfois à la baisse une dernière fois à la hausse, ils font état de ressources extrêmement importantes. Ce n’est qu’à partir de la publication d’une cartographie complète mondiale que les communications scientifiques ont commencé à pleuvoir sur le sujet.
À la différence de l’Algérie qui n’a pas visiblement réussi à surmonter une contestation sociétale sur le sujet, plusieurs pays ont décidé de procéder à des estimations nationales de leurs ressources, afin de préciser les informations publiées aux États-Unis, notamment la Chine, la Pologne, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et l’Argentine.
Les estimations de l’agence américaine EIA pour le monde et, en particulier, pour l’Algérie, sont des estimations sommaires. Seuls les bassins des États-Unis sont suffisamment bien connus pour faire l’objet d’évaluations crédibles, en raison des nombreux travaux d’exploration et d’exploitation qui y ont été réalisés.
Elles ont été établies par un consultant extérieur, Advanced Resources International (ARI), qui est une entreprise dédiée à la fourniture de services de consultation et de recherche dans les domaines des hydrocarbures non conventionnels et de la séquestration du CO2, à l’intention d’organismes publics américains de compagnies gazières et pétrolières et d’autres entreprises du secteur de l’énergie. Elles sont fondées sur des paramètres incertains (proportion de matière organique, épaisseur de la couche, étendue du bassin, taux de récupération…). Compte tenu des incertitudes sur l’ensemble des paramètres pour le bassin sud-est, les estimations de gaz récupérable peuvent varier de 1 à 1 000. Il s’agit d’informations publiques, de littérature technique et de données publiées par les entreprises. Elles se fondent aussi sur de précédents travaux non confidentiels d’ARI.
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Elles portent sur les ressources techniquement récupérables, étant considéré que celles-ci représentent généralement 20 à 30 % des ressources en place.
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Elles n’intègrent pas de variables économiques (coûts de production, prix du gaz) et ne portent donc pas sur les réserves.
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Elles ne prennent pas en compte de données de surface (urbanisation des bassins, régime de propriété des sols et sous-sols, disponibilité d’eau pour la fracturation…).
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Elles n’incluent ni le pétrole et le gaz dits de réservoirs compacts, ni le gaz de houille, ni les hydrocarbures de roche-mère offshore.
Elles restent donc des estimations sommaires réalisées par extrapolation de données de teneur en hydrocarbures issues de quelques sondages à l’ensemble de la superficie des bassins supposés, sans tenir compte de leur variabilité géologique. Les auteurs de ces estimations sont eux-mêmes très circonspects sur la portée de ce travail, qualifié en toute modestie en avril 2011, de « premiers pas vers des évaluations à venir plus exhaustives des ressources en gaz de roche-mère » dans ce rapport qui a enflammé les dirigeants algériens pour plusieurs raisons sauf celles économiques, l’EIA passe en 2011 de 230 Trillon Cubic Feet (TCF) à 707 TCF en 2013 depuis lors, on parle de 20 000 à 22 000 milliards de m3 sans pour autant parvenir à une évaluation du potentiel exacte et encore moins une étude économique ou environnementale crédible qui permettent d’en juger de son exploitation.
2- Ce qui est rassurant dans cette analyse pour le moment
Ce qui est rassurant dans ce passage de Monsieur Attar d’analyste consultant à un premier responsable d’un secteur névralgique pour l’économie nationale, c’est qu’il n’est pas emballé (06) pour les mégaprojets renouvelables comme l’a été son prédécesseur dans cette histoire des 4000 MW que la précipitation aurait pu nous mener vers un échec à la Bouterfa. Il est justement pour des petits projets régionaux totalement en phase avec les orientations du président de la république de marquer cette entrée vers une réelle volonté politique en débutant progressivement par reconvertir au solaire l’éclairage public.
Au conseil des ministres de dimanche 28 juin 2020, le président de la république justement a exhorté son staff ministériel à plus de pragmatisme et de ne pas berner les citoyens par des effets d’annonces irréalisables car, dit-il, « le peuple vous jugera sur le terrain à partir de la conformité de votre parole et vos actes, alors soyez un exemple de sincérité de propos, de dévouement et d’abnégation dans le travail.» Il est aussi convaincu comme il le déclare dans cette vidéo que le rythme de la consommation énergétique nationale ne cesse d’augmenter et le pays est confronté à un inévitable épuisement des ressources fossiles.
Ce sont autant d’arguments qui plaident pour la mise en place d’une véritable politique de promotion de ce secteur désormais stratégique mais constate-t-il, « les réserves des hydrocarbures ne sont pas suffisante pour l’échéance arrêtée.»
Fort de cette position (s’il ne change pas de teinte sous l’influence lobbyiste), il orientera logiquement les entreprises énergétiques vers une stratégie sectorielle et non éclatée par l’objectif de chacune d’elle par donner priorité d’abord au respect des profils de production des gisements existants pour ne pas les surexploiter tout en réévaluant leurs réserves par des techniques de stimulation modernes. Réorienter la prospection et la recherche partenariale dans la zone frontalière d’un domaine minier libre à plus de 53% de sa surface.
Rappelons que de l’indépendance à ce jour prés de 80% des investissements d’exploration sont consentis dans la zone mature soit près des champs existants soit des infrastructures, pourquoi doit-il faire tout cela ? Pour pallier au déclin naturel de cette « dégringolade de la production » et augmenter les réserves fossiles qui sont pour le moment et en attendant le décollage effectif de cette transition énergétique : la seule richesse du pays qu’on le veuille ou pas. Il semble aussi fortement imprégné par «la crise géopolitique entre l’Union européenne et les États-Unis, d’une part, et la Russie, d’autre part, liée à l’annexion de la Crimée par la Russie et le transit du gaz russe à travers l’Ukraine, a entraîné des sanctions économiques contre la Russie qui durent depuis des années, et surtout des politiques énergétiques européennes dont la principale préoccupation est la sécurité énergétique » Tant mieux pour l’Algérie !
A quelque chose malheur est bon car plus cette crise dure plus l’Europe se retourne vers l’approvisionnement en gaz algérien et lui permettra grâce à un effort énergético-diplomatique de reconquérir en toute confiance son marché traditionnel au lieu de changer sa stratégie en Europe comme le suggère son prédécesseur. Enfin cette analyse fait l’éloge du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) que ce soit dans sa production géographique que son large utilisation. N’est-il pas temps de reconsidérer ce que l’Algérie a capitalisé dans ce domaine étant le lanceur de la première unité de liquéfaction dans le monde la fameuse Camel et « maîtrisait » les 4 procèdes de liquéfaction. La Russie qui ambitionne de doubler sa capacité de liquéfaction n’a-t-elle souhaité un partenariat pour bénéficier de l’expérience algérienne ?
Rabah Reghis
Renvois
(05)http://www.fce.dz/wp-content/uploads/2016/11/presentation-du-1er-volet-energies-conventionnelles-de-letude-par-mr-abdelmadjid-attar-consultant.pdf (06)https://l.facebook.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fwww.youtube.com%2Fwatch%3Fv%3D2SLLY7DqDTs%26t%3D359s