Mardi 18 juin 2019
Pourquoi le hirak et le code pétrolier ne découragent les investisseurs
De nombreux spécialistes défilent dans les plateaux télé et les autres médias pour alerter les citoyens sur les perspectives économiques qu’ils jugent sombres notamment dans le domaine pétrolier en les imputant à la crise actuelle qui non seulement est dans l’impasse mais aussi empêche les institutions de fonctionner normalement pour par exemple permettre au gouvernement actuel de formaliser la loi sur les hydrocarbures que les investisseurs attendent depuis bientôt deux ans.
Cette alarme anxiogène, désormais, se base souvent sur les rapports habituels et périodiques du Fonds monétaire international de prédire une baisse du taux de croissance comme il l’a toujours fait. Il est rare où cette organisation, dans ses analyses, donne de bonnes nouvelles.
Certains experts « s’ennuient » dans leurs laboratoires et certainement ne trouvent rien à dire, ils viennent appuyer ces prédictions au moment même où l’Algérie fait face à un tournant de son histoire pour une rupture définitive avec l’ancien système. Est-ce pour casser l’élan ? Ou le font-ils par ignorance ?
Il est vrai que le déficit algérien se creuse à cause de sa forte dépendance au prix du baril de pétrole mais comme par hasard, il lui est très favorable ces derniers mois et probablement jusqu’à l’automne prochain selon les experts.
En effet, de 22 février 2019 à ce jour, le prix du baril du Brent proche de Sahara Blend algérien était en moyenne 68,28 dollars avec un pic haut de 75,60 et le plus bas de 59,45 dollars le baril. Il faut ajouter pour le brut algérien une prime de légèreté et d’un taux de soufre réduit de 2 dollars.
En perspective, la reprise de la croissance chinoise après la guerre commerciale que lui a imposée Donald Trump, les événements en Libye, les dérogations iraniennes, les turbulences financières dans le secteur du gaz de schiste aux Etats-Unis, cette réglementation maritime qu’on annonce pour 2020, la réduction de la production programmée par les pays OPEP et hors OPEP le 25 juin prochain vont certainement booster la demande pour un maintien du prix du baril dans la fourchette de 60 à 70 dollars du moins sur le court terme pour permettre à cette transition de se mettre sur la voie au bout de quelque mois à une année.
En ce qui concerne, le dollar, monnaie de notre facture pétrolière, les économistes anticipent une plus forte érosion, notamment en raison d’une baisse de la croissance américaine et des tensions commerciales entre les USA et la Chine. Si ce scénario se confirme, l’Algérie, a déjà limité ces exportations vers ce pays à cause de l’offensive du pétrole de schiste, elle pourrait donc couvrir ses exportations vers l’Europe en euro prévu atteindre 1,22 dollar d’ici à la fin de l’année 2019.
La banque la plus optimiste, la canadienne National Bank Financial, voit même l’euro à 1,23 dollar. Il y a eu aussi d’importantes quantités de pluie qui ont été enregistrées à travers le territoire national depuis début janvier, avec des précipitations record dans certaines régions du pays, particulièrement l’Est, confirmant les prévisions hivernales annonçant des cumuls au-dessus de la normale, avec plus de 85% de probabilité, si l’on croit le Centre climatologique national (CCN).
Normalement, une année durant laquelle le rendement des terres agricoles notamment céréalières sera potentiellement appréciable pour alléger la facture alimentaire.
Excédent
L’autre bonne nouvelle économique est cette balance de l’Algérie qui a enregistré un excédent de 313 millions de dollars au cours des 5 premiers mois de 2019, contre un déficit commercial de 671 millions durant la même période de 2018, selon les chiffres de la Direction des Etudes et de la Prospective des Douanes.
Entre janvier et février 2019, les exportations algériennes ont atteint 7,635 milliards de dollars , contre 6,870 seulement à la même période de 2018, soit une hausse de 11,14%. Concernant les importations, elles ont reculé à 7,322 milliards de dollars, contre 7,541 juste un an plus tôt (-2,90%). Les exportations ont, quant à elles, assuré la couverture des importations à hauteur de 104% durant les deux premiers mois de 2019, contre 91% à la même période de l’année d’avant. On pourrait ainsi poursuivre dans ces exemples extrêmement favorables depuis que le mouvement de dissidence populaire comme cette image pacifique que le hirak donne au monde pour les inciter à visiter l’Algérie, etc.
Devrons-nous continuer à chercher des alibis pour nous éloigner des vraies solutions stratégiques ? En général, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Les sages qui se disent experts, prônent la sagesse et ce qu’ils appellent le bon sens en faisant peur aux manifestants en brandissant les problèmes économiques que connaît actuellement le pays, n’ont jamais pris le temps de comprendre ce que vivent les générations futures par cette angoisse de perspectives fermées dans leur propres pays. Il s’agit de leur révolution, alors, laissez-les faire !
Ce n’est pas la loi sur les hydrocarbures qui intéresse les investisseurs pétroliers
C’est se leurrer que de continuer de croire qu’un petit bonus d’entrée ou une taxe superficiaire qui varie en fonction des zones et des périodes de recherche à moins de 40 à 160 dollars le km², encore moins la taxe sur les revenus pétroliers qui permet à l’investisseur de souffler comme il veut pour gonfler ses dépenses et diminuer ainsi la base fiscale de son calcul, qui décourageraient les capitaux dans le domaine de l’amont pétrolier et ce, pour au moins deux raisons.
La première revient à l’envergure des sociétés qui viennent en Algérie. Ce ne sont pas des PME mais très souvent ramifiées aux multinationales dotées d’une assise financière appréciable et d’une expérience avérée dans la prospection, la recherche, l’exploitation, le transport et la commercialisation des hydrocarbures.
La deuxième est sans aucun doute l’avantage d’un risque géologique qui leur est très favorable : une probabilité de succès de 0,55 contre une moyenne mondiale qui se situe à moins de 0,2. Par contre, la bureaucratie qui nourrit les circuits de la corruption que le mouvement de dissidence populaire dénonce aujourd’hui, non seulement les « irrite » mais aussi alourdit leur coût de transaction de départ souvent pour un résultat nul.
Cette configuration du climat des affaires arrange les Italiens par exemple, les affaires de corruption qui ont touché les sociétés de ce pays ces dernières années sont édifiants. Les Chinois s’adaptent et la présence de près 40 000 Chinois en est une preuve irréfutable, viennent ensuite, dans une moindre mesure, les autres pays avec à leur tête la France qui connaît très bien les rouages des affaires en Algérie par avoir fréquenté les Algériens depuis de longues années.
Les autres pays à tendance anglo-saxonne en général et les Américains en particulier n’ont pas cette patience car ces pays évaluent le temps en argent. C’est malheureusement eux qui investissent beaucoup dans le pétrole et le gaz.
Avant de quitter le pays, l’ancienne ambassadrice des Etats-Unis, Mme Joan A. Polaschik avait accordé une interview au journal Liberté. Elle avait déclaré que la bureaucratie reste très lourde en Algérie. C’est difficile d’enregistrer une société en Algérie. Le système bancaire est compliqué. Les entreprises américaines constatent des limitations dans le libre-échange notamment commercial et pour le transfert des bénéfices des sociétés américaines implantées en Algérie, le fait que le dinar ne soit pas convertible constitue une difficulté pour ces investisseurs.
En ce qui concerne la règle 51/49, elle cite l’exemple de General Electric qui semble à l’aise car elle ramène un savoir-faire et détient le pouvoir par sa compétence qui ne gêne en rien qui d’elle ou de Sonelgaz détienne dans l’association des parts majoritaires.
Par contre, les autres sociétés notamment de taille de PME viennent en Algérie seules ou en consortium pour mettre sur le tapis une mise risquée et d’insinuer indirectement que les obliger à s’associer avec une organisation qui fait un pas en avant et trois en arrière les dérange beaucoup. Il se trouve justement que la bureaucratie et ceci est de l’avis aussi bien des investisseurs résidents que ceux qui ne le sont pas, n’est pas spécifique aux hydrocarbures mais touche tous les secteurs de l’économie nationale. C’est désormais un sport national.
La bureaucratie se développe en créant dans le rouage de gestion des niches de corruption qui sont devenues avec le temps le ciment d’un ordre établi où chacun trouve son compte. Il est le résultat d’un noyautage des institutions de l’Etat à travers le recrutement familial et le copinage.
Aujourd’hui, si un responsable touche à ce dossier pour tenter de remédier à la situation, tout le monde se sentira touché et lui tomberont dessus. Si on déclare la guerre à un fléau social comme compte le faire le pouvoir judiciaire aujourd’hui, c’est que les règles et les lois qui régissent ce fléau ne sont plus valides et insuffisantes. On est donc contraint de les outrepasser.
En général, la guerre gèle les procédures ordinaires pour passer à la casse. Un des critères majeurs pour qu’un général mène un tel combat : il faut qu’il soit lui-même blanc comme neige, ne traîne pas des casseroles et surtout n’a aucun caillou dans le soulier qui entrave sa démarche. Si la justice justement le fait aujourd’hui, c’est parce qu’elle juge que son appui est solide à travers une cohésion fortement populaire.