L’annonce de la tenue d’une élection présidentielle anticipée pour le 7 septembre laisse les Algériens dans l’interrogation et le trou noir. Pistes de lecture.
Faut-il y voir un renoncement à un second mandat de Tebboune ? Telle la première question qui s’invite à l’esprit de ceux qui suivent les luttes dans le marigot politique algérien. Non ! Rien à priori ne le laisse croire. Le très débonnaire Tebboune sera là en septembre. Donc a priori seulement. Mais alors pourquoi bon Dieu rapprocher la tenue de la présidentielle de trois mois et la tenir à quelques jours de la fin de l’été ? Vaste énigme, comme tout ce qui se passe au sommet.
Il y a quelques jours seulement, un communiqué de la présidentielle annonçait une visite d’Etat de Tebboune en France pour octobre ou novembre. «Les deux présidents ont, enfin, convenu, de la visite officielle du président de la République en France, qui aura lieu à la fin septembre, début octobre, la date officielle de la visite devant être fixée ultérieurement», concluait le communiqué datant du 12 mars. Que s’est-il passé entretemps ?
En effet, la décision rendue publique ce jeudi soir ne pouvait être, à notre humble sens, antérieure à cette annonce de visite en France. Car, dans une république normale, un président ne peut prévoir une visite d’Etat après la date de son mandat. Auquel cas, cela pourrait suggérer que cette présidentielle rapprochée ne sera qu’une simple formalité pour Tebboune. Ce qui est fort possible quand on sait qu’il n’y a pas d’élection libre en Algérie. Ce qui n’est plus un secret mais qui ne se dit pas en public.
Pas seulement, une visite de cette importance se prépare bien en amont. Des commissions mixtes sont mises en place pour baliser le terrain, travailler sur le déroulement de la visite. Les ministres plénipotentiaires font des aller-retour pour tout caler…
Bref. Une candidature de Tebboune pour l’élection du 7 septembre voudra dire qu’un consensus existe dans les cercles de décision afin d’octroyer à reconduire Tebboune pour un second mandat. Le jeu aura été fermé. Là encore rien n’est sûr. Un vrai pataquès donc !
Ce mandat est sur tous les plans particulièrement catastrophique. A l’intérieur du pays d’abord, la chappe de plomb, la terreur et la criminalisation de la pratique politique laissent la balbutiante démocratie exsangue. Jamais pouvoir n’aura été aussi impopulaire. Avec des centaines de prisonniers d’opinion, une presse avilie et obligée à avaler les couleuvres officielles, il ne peut se prévaloir de quelques valeurs démocratiques.
En clair, pour filer la métaphore, Tebboune médite des jarres et prisuit des marmites.
Le désespoir a gagné toutes les couches sociales. Il n’y a qu’à voir le nombre impressionnant d’Algériens qui quittent le pays. A l’étranger, Tebboune sèche systématiquement toutes les sommets internationaux et notre diplomatie a perdu de sa superbe tant et si bien que même le Mali nous nargue aux frontières sud. Au niveau économique, le pays pédale dans la farine. Et plus personne ne croit l’enfumage médiatique orchestré autour d’une relance sous les « ordres avisés » d’Abdelmadjid Tebboune.
Rappelons-nous par ailleurs, il y a quelques semaines, une information distillée dans la presse suggérait que la présidentielle allait être annulée. C’était la bronca ! Ce qui a eu le mérite de susciter une mise au point officielle assurant que la présidentielle aura bien lieu en temps et en heure. Voilà qu’aujourd’hui Tebboune prend tout le monde de court.
Cette annonce rappelle étrangement celle de Liamine Zeroual qui a dû écouter son mandat en 2008 suite à de graves différends avec d’autres puissants généraux. Cela nous a donné 20 ans de Bouteflika qui a, lui aussi, été débarqué par le général Gaïd Salah à la faveur des manifestations du Hirak. Résultat : le défunt général a adoubé Abdelmadjid Tebboune avant de rendre l’âme. C’était son dernier fait « d’armes ».
En vrai, aucun président n’a achevé normalement son mandat depuis 1962. Ben Bella a été débarqué le 19 juin 1965 pour être jeté en prison pendant 14 ans. Boumediene est mort au pouvoir. Chadli Bendjedid, choisi par l’armée, a été viré en janvier 1992 avant le terme de son mandat. Mohamed Boudiaf qui l’avait remplacé a été assassiné six mois à peine après son installation à la tête du Haut comité de l’Etat. Ali Kafi ne fera pas long feu. Il sera remplacé par le général Liamine Zeroual qui vit aujourd’hui retiré chez lui à Batna. Quant à Bouteflika,vil à signé sa démission en pyjama devant les caméras de l’Entv. C’est dire combien les coups de Jarnac sont une tradition
Sur le plan pratique maintenant. Un scrutin le 7 septembre voudra dire une campagne électorale en plein cagnard du mois d’août. Et y a-t-il de potentiels candidats crédibles ? Une sacrée poilade en perspective.
Quel homme ou femme politique avec le sens de l’Etat peut-il se présenter en septembre quand on sait l’œuvre de démantèlement de la scène politique qu’ont entrepris Tebboune et son équipe depuis décembre 2019 ? Tout le mal de ce mandat est là aussi. Comme si, après eux, c’est le déluge.
Pour conclure, seule l’annonce d’une candidature ou pas de Tebboune nous donnera un début d’éclairage de la suite. Pour autant, sortirons-nous de l’ornière ?
Sofiane Ayache