Mardi 27 août 2019
Présidentielle tunisienne : une démocratie naissante ébranlée
Depuis le printemps qui a chassé Ben Ali de la présidence, la Tunisie n’arrête pas de comptabiliser des avancées considérables dans la démocratisation de son système politique voilà maintenant huit ans.
Cependant le consensus sur la constitution a pris plus de deux ans de discussions sans étoffer l’ensemble des questions nécessaires. Cette période de formation du fœtus d’une démocratie naissante n’a pas permis, selon les rapports des différents partis politiques, d’avancer en parallèle dans le domaine socio-économique pour améliorer le quotidien des Tunisiens devenu plus difficile ; bien au contraire, il a engendré leur paupérisation.
Cette situation économique, au demeurant typique chez nos voisins, a créé une certaine fragilité de l’Etat pour permettre à l’ancien système de revenir pour occuper le terrain par l’engrenage de l’encanaillement et la corruption qui sont redevenus un fléau social qui gangrène la société.
L’échéance présidentielle bien avant le décès de Béji Caïd Essebsi était considérée comme une promesse d’espoir pour élire un président qui s’appuiera sur cette nouvelle constitution, élaborée grâce à la sueur des Tunisiens pour représenter le symbole de son unité et garant de son indépendance et sa continuité.
Avancée suite au décès de l’ancien président le 25 juillet dernier et à l’ouverture des inscriptions à ce scrutin pour ce poste suprême, plus de 98 candidats ont été enregistrés. Ceci a donné un peu plus d’espoir aux Tunisiens sur ce premier test pour valider ce travail de titans auquel ils se sont consacrés pendant toute cette période qui a suivi la révolution.
La déception n’a pas commencé avec cette arrestation d’un candidat
Les Tunisiens ont constaté que dans moins d’une semaine commence la campagne électorale qui prendra fin le 13 septembre au soir pour que le 15 du même mois ait lieu l’élection présidentielle. Les candidats dont la liste sera dévoilée officiellement dans 3 jours, soit le 31 août, n’ont non seulement présenté aucun axe de leur programme mais bien au contraire se tirent les uns sur les autres sur des sujets qui rappellent les anciennes pratiques : la vie privée , le terrorisme, la fraude fiscale etc. Le climat a été aggravé le week-end dernier avec l’arrestation, vendredi 23 août, de Nabil Karoui, propriétaire de Nessma TV et lui-même candidat à cette présidentielle.
La classe politique a crié au scandale et au règlement de comptes avec Youssef Chahed (premier ministre). Ce dernier veut évincer de la course Karoui qui braconne sur le même électorat entre autres.
Une affaire purement judiciaire mais pas que ? Les avocats de ce magnat de la finance ont dénoncé une manœuvre pour empêcher ce candidat d’aller plus loin car il était donné favori par tous les sondages.
Pour lui barrer la route de la présidentielle, on a donc ravivé un dossier financier de 2016, pris en charge par une instruction depuis le 7 juillet dernier, il sort subitement vendredi 23 août non seulement pour un traitement mais aussi une mise en détention du prévenu dont l’objectif manifeste est d’entraver la campagne électorale du candidat.
Le journal L’Economiste maghrébin du 26 août a rapporté qu’un des avocats de Nabil Karoui, Kamel Benmessaoud, vient de déposer une plainte pour avoir découvert que la chambre de mise en accusation qui avait émis cet arrêt de détention avait changé sa composition à la dernière minute pour mettre deux juges qui n’ont rien avoir avec le pôle financier.
Ensuite cet arrêt a été appliqué à peine deux heures après. Ce qui est unique dans les annales judiciaires. C’est dire que la campagne est à couteaux tirés chez nos voisins et la justice un instrument de pression.