4 mai 2025
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Presse : les hommages officiels et les muselières officieuses

Comme chaque année, le 3 mai, le pouvoir ressort ses antiennes sur les libertés de la presse et les beaux discours sur les formidables réalisations de l’Algérie sous ammou Abdelmadjid Tebboune.

Oraison funèbre

Les ministres montent à la tribune pour chanter la liberté de la presse, comme on irait déposer une gerbe de fleurs sur une tombe qu’on a soi-même creusée. Leurs hommages sont des oraisons funèbres, un ramassis de slogans pompeux qui transpirent la propagande la plus mal fagotée.

Cette année encore, le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, nous a apporté la bonne nouvelle. Il n’a pas dérogé à la tradition de ses prédécesseurs. L’homme s’est taillé depuis quelques semaines le costume de donneur de leçons. Et en l’espèce son patron, Tebboune, ne supporte que la presse des louanges et des tresses.

À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, il a réaffirmé l’« intérêt majeur » que porterait le « président » Tebboune aux médias. N’était l’état déplorable de la presse on aurait presque envie d’y croire. Presque.

Parce qu’à force de répéter que le pouvoir « promeut une presse libre, responsable, plurielle et indépendante », on finit par se demander : si tout cela était vrai, aurait-on besoin de le marteler à chaque discours ? Une presse libre n’a pas besoin qu’on la déclare comme telle. Elle l’est dans les faits, ou elle ne l’est pas. Car le miroir renvoie une image peu enviable de la liberté de la presse. Au risque de se répéter, les médias sont devenus de simples courroies de transmission, des outils d’une propagande officielle ronflante, menteuse et maladroite.

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N’est-ce pas ce même ministre qui somme à longueur de journée les journalistes pour apporter la bonne nouvelle du gouvernement ? M. Meziane oublie ou fin d’oublier la différence entre presse et communication !

Derrière la rhétorique apaisante, non sans quelques oukases, la réalité est autrement plus rugueuse. Prosaïque. La presse algérienne évolue dans un climat où l’autocensure est devenue un réflexe de survie. Où le chantage à la publicité étatique a fini par défaire les lignes éditoriales d’une presse jadis courageuse et pertinente. Où les enquêtes gênantes n’aboutissent jamais, sauf au tribunal. Ne nous voilons pas le regard : le régime actuel a démantelé tous les droits de la presse arrachés au lendemain de la sanglante répression d’octobre 1988.

Et pendant ce temps, le « Fonds d’aide à la presse » est présenté comme un levier de soutien, alors qu’il fonctionne souvent comme un robinet à double commande : un peu d’argent pour ceux qui jouent le jeu, pas un centime pour ceux qui osent sortir du rang. Ces derniers sont quasiment inexistent. Au risque de disparaître, toute la presse s’est alignée derrière les desiderata du pouvoir

Mohamed Meziane a aussi vanté la création d’une plateforme numérique pour dialoguer avec les médias. Une bonne idée, sur le papier ! Mais on connaît les dessous de ces « dialogues » : une surveillance en creux, des consignes déguisées en recommandations fermes et non négociables, et une ligne rouge qu’il vaut mieux ne pas franchir, sous peine de sanctions économiques, administratives… ou judiciaires.

Silence des cimetières

Et comme il fallait bien désigner un ennemi, M. Meziane a pointé du doigt la fameuse « guerre médiatique » menée contre l’Algérie. Un refrain rance, usé, destiné à discréditer toute critique, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur. On somme donc la presse de faire bloc dans un « front médiatique uni ». Traduction : alignez-vous, rentrez dans le rang, défendez la version officielle. Le pluralisme ? Oui, mais en uniforme.

L’ironie de la situation est mordante : on célèbre la liberté de la presse en uniforme dans un cadre institutionnel verrouillé, pendant que des journalistes sont poursuivis pour avoir fait leur travail.

Pendant que des médias indépendants ferment ou survivent sous perfusion. Pendant que la parole critique est systématiquement suspectée de connivence avec des « agendas étrangers ». Par instinct de survie, plus aucune critique ne transpire des médias. Un silence de cimetière est imposé aux journalistes.

Alors oui bien entendu, célébrons la liberté de la presse. Mais pour ce qu’elle est réellement aujourd’hui : une idée en sursis, un droit théorique, un mot prononcé à la tribune officielle pour être piétiné cyniquement dans les couloirs et les prétoires.

Une démocratie digne de ce nom comme la liberté de la presse ne se décrète pas : elle se vit. Elle garantit, se protège et surtout… elle s’accepte, même quand elle dérange. On en est bien loin malheureusement.

Yacine K.

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