C’est durant l’année 2016 que Brahim Saci publie son premier recueil de poésie, Fleurs aux épines, une allusion à peine voilée au chef-d’œuvre de Baudelaire, les Fleurs du mal.
Il y a quelques semaines, l’enfant de Tifrit At Umalek fait sortir son neuvième livre de poésies, Le Crépuscule du bon sens, toujours chez le même éditeur parisien, les éditions du Net. En relativement peu de temps, Brahim Saci a noirci des pages, saisi l’inspiration et confectionné beaucoup d’ouvrages.
C’est carrément un homme habité par la poésie qui se balade dans les rues de Paris, qui scribouille dans ces estaminets au charme légendaire qui l’accueillent. Ces scribouillages se transforment en un délicieux et captivant voyage poétique. Dans le Crépuscule du bon sens*, Brahim Saci continue ses thèmes de prédilection, la passion amoureuse contrariée, les quêtes spirituelles, les exils, la révolte devant tant d’injustice du monde d’aujourd’hui.
«Le bon sens esseulé essaie de fuir, un pouvoir qui ne sait que nuire, le pays des ogres triomphants, où seule compte la loi des méchants », le poète plante ainsi le décor. C’est, à bien des égards, une description minutieuse d’un monde où le capitalisme fait ravage que le poète offre à son lecteur.
Un capitalisme qui sait profiter des crises, de toutes les crises, y compris de la crise sanitaire qui déferle sur tous les pays depuis deux ans. « Je t’attends en vain, le fût est encore plein, je n’arrive pas à m’y faire à cette solitude, même si s’installe l’habitude », reconnaît le poète. Oui, on s’habitue à tout, pour paraphraser le grand poète du plat pays, Jacques Brel.
Mais au fil des habitudes, le temps s’enfuit, et l’on se transforme. La vie est une éternelle transformation qui garde jalousement ses mystères. Le temps s’enfuit et semble ignorer les douleurs de l’Homme, le temps est complètement indifférent au chagrin des uns et des autres. L’Homme préfèrera pourtant le chagrin au néant pour paraphraser un grand conteur du Mississipi, William Faulkner. « Le ciel est obscurci, aucune éclaircie, les colombes les ailes repliées, essaient de se cacher », écrit Brahim Saci dans un moment où le brouillard se fait dense et pesant.
Mais aucun brouillard n’est éternel, aucun malaise ne résiste au soleil qu’on peut avoir dans le cœur ; les jours hérités de cette rotation de la Terre continuent leur voyage céleste, ils poursuivent leur progression en spirale. La poésie de Brahim Saci observe cette énigmatique montée en spirale, elle accumule des mots pour poser des questions et se souvenir. Car le souvenir peut, parfois, sans grands efforts, apporter du soleil dans l’existence de l’homme. Oui, la poésie est ensoleillée même quand elle raconte la douleur et la séparation. C’est ainsi qu’elle est un mystère qui aide les femmes et les hommes à espérer.
Youcef Zirem
*Le Crépuscule du bon sens, de Brahim Saci, éditions du Net, 2021