Lundi 16 novembre 2020
Quand Mahdjoubi Aherdan rencontrait Mammeri et Aït Ahmed
Après toute une vie consacrée à son pays et à sa culture tamazight, le grand militant Mahdjoubi Aherdan nous a quittés dimanche 15 novembre 2020 à l’âge de 98 ans. Il a marqué les 20ème et 21ème siècles que sa longue vie de combat a pu chevaucher malgré tous les dangers qu’il a affrontés.
Il est parti mais il nous laisse un riche héritage : publications poétiques, politiques et culturelles, conférences, vidéos, tableaux artistiques, discours, revues, ses mémoires mais aussi des disciples et toute une symbolique du combat.
J’ai eu l’honneur de le rencontrer au Maroc et en France et j’ai pu mesurer l’importance de son charisme, de sa grandeur d’âme, de ses valeurs et convictions. J’ai eu même l’immense chance de le rencontrer en compagnie de nos géants qui incarnaient la pensée politique et culturelle nord-africaine contemporaine, à savoir Hocine Aït Ahmed et Mouloud Mammeri.
L’échange avec Mouloud Mammeri avait trait essentiellement à la promotion de la culture amazigh. Mouloud Mammeri avait insisté sur l’histoire et les grands personnages d’Afrique du Nord. L’échange entre ces deux sommités avait tout naturellement tourné autour de l’écriture de tamazight, sa promotion et sa généralisation.
La rencontre entre Aït Ahmed et Mahdjoubi Aherdan avait, elle, un caractère plus politique, ils ont parlé énormément de l’espoir de l’instauration d’une Union Nord-Africaine, mais aussi de ce qui se passait à l’époque, en Algérie et au Maroc.
Ils étaient ses grands amis. Il était aussi ami et compagnon de Mohand-Arab Bessaoud et comme lui, il fut membre fondateur de la célèbre Académie Berbère de Paris. Selon plusieurs militants de cette organisation, c’est sous l’influence de Mahdjoubi Aherdan que l’alphabet tifinagh a été adopté par l’Académie.
Mahdjoubi Aherdan et ses compagnons cités plus haut voulaient tous une Union Nord-Africaine comme l’a rêvée Amar Imache et les militants qui avaient créé avec lui l’ENA (Etoile Nord-Africaine) en 1926 dans le sillage d’Abdelkrim Al-Khatabi qui venait de poser les fondations de la République du Rif (1921-26) qui devait être aussi le fer de lance de l’émancipation du peuple nord-africain.
L’histoire dominée par nos adversaires d’hier et qui sont toujours les mêmes aujourd’hui en ont voulu autrement. Ces va-t-en-guerre ont exploité et exploitent toujours les angoisses des familles séparées, les peurs des plus fragiles, le malaise collectif pour briser les alliances en gestation. Ils attisent les rancunes et tentent de nous dresser les uns contre les autres. Ces groupes malfaisants nourris de dogmes sectaires ne doivent plus avoir le dernier mot.
Ensemble, armés des valeurs de nos aînés, créons un espace de fraternité, édifions une force pacifique, regénérons la culture amazighe pour les générations futures.
C’était tout cela aussi le message de feu Mahdjoubi Aherdan, hissons-nous à sa hauteur d’autant plus que le flambeau des Unionistes est désormais repris par des millions de jeunes de Rabat à Tripoli. Les frontières d’aujourd’hui seront alors les autoroutes de demain.
Que son fils Ouzzin, que toute sa famille naturelle, politique et culturelle trouvent dans ce modeste hommage, l’expression de toute ma solidarité et l’expression de mes condoléances les plus sincères et les plus attristées.