10 mai 2024
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L’intelligentsia : l’éternelle « chien de garde » du système (II)

TRIBUNE

L’intelligentsia : l’éternelle « chien de garde » du système (II)

Par-delà leurs divergences idéologiques, tous ces écrivains avaient trempé leurs plumes venimeuses dans l’encrier sanguinolent versaillais pour éructer leur belliqueuse hostilité assassine contre la Commune, pour appeler au massacre des communards.

Ils avaient transformé symboliquement leurs plumes en baïonnettes prêtes à écrire en lettres rouge sang leurs œuvres criminellement bourgeoises.

Toutes obédiences politiques confondues, depuis les écrivains conservateurs à l’instar de Maxime Du Camp et Gustave Flaubert, en passant par les royalistes comme Alphonse Daudet, le comte de Gobineau, Ernest Renan, la comtesse de Ségur, Taine et bien d’autres, jusqu’aux réactionnaires Leconte de Lisle et Théophile Gautier, tous ces écrivains avaient troqué leur costume de salon contre l’uniforme de mercenaire au service de Versailles.

Outre ces écrivains de l’Ancien régime, étaient venus s’agréger à la canonnade contre la Commune les plumitifs de sensibilité républicaine, comme François Coppée, Anatole France, George Sand, Émile Zola (oui, cet écrivain encensé comme un progressiste était en vrai un partisan de la nouvelle République bourgeoise génocidaire et colonialiste, autrement dit la Troisième République née sur le massacre de masse de la Commune de Paris et la théorisation pédagogique de la politique colonialiste exterminatrice enseignée par l’école de Jules Ferry), pour ne citer que les plus célèbres.

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En dépit de quelques nuances dans leurs diatribes hystériques anti-communardes, la dénonciation des communards était unanimement partagée par l’ensemble de ces écrivains (aujourd’hui encore édités, publiés, enseignés à l’école ; alors que de célèbres écrivains des années 1900 -1940 ont été bannis du système scolaire et des librairies en raison de leur collaboration avec le régime de Vichy). Parmi les plus virulents propagandistes zélés, d’aucuns avaient décidé de rejoindre le chef du pouvoir exécutif, Thiers, à Versailles, le boucher de la Commune, pour le seconder dans ses préparatifs de la répression.

Dans leurs violentes campagnes anti-communardes, ces écrivains avaient versé dans une outrance verbale haineusement meurtrière, emplie de préjugés de classe. Toute cette engeance littéraire communiait dans une aversion aristocratique des classes laborieuses. Pour ces parasites intellectuels, les classes laborieuses étaient avant tout des classes dangereuses. Aux yeux injectés de haine de ces plumitifs réactionnaires, la Commune était l’œuvre de la « canaille », de la « populace », « mue par l’envie » (Macron est allé à bonne école en usant de termes avilissants contre les Gilets jaunes, qualifiés de “foule haineuse”).

Au reste, ils comparaient le prolétariat à une « race nuisible », les travailleurs à des « bêtes enragés », à des « nouveaux barbares » menaçant la « civilisation ». Les Communards avaient été affublés de tous les qualificatifs effrayants :« brigands », « barbares », « Peaux-rouges », « cannibales ». Aujourd’hui, sous la plume des chiens de garde de l’ordre établi, reviennent fréquemment les termes de « racailles », « ensauvagement » pour qualifier les classes populaires remuantes.

Indubitablement, il est de la plus importance historique de rappeler l’issue sanglante de la Commune de Paris. En effet, du 22 au 28 mai 1871, la Commune avait été réprimée dans le sang par les troupes de Versailles. Bilan de cette « semaine sanglante » : près de 30 000 personnes massacrées, 42 000 arrestations, 10 000 déportations (parmi les déportés expédiés dans les bagnes de la Nouvelle-Calédonie figure la célèbre révolutionnaire Louise Michel, qui se liera d’amitié avec beaucoup d’Algériens kabyles internés également dans ces bagnes calédoniens à la suite de la révolte des El-Mokrani, monumentale insurrection contre le pouvoir colonial français, survenue en Algérie le 16 mars 1871, deux jours avant le déclenchement de la Commune de Paris : les grands esprits révolutionnaires se rejoignent).

La bourgeoisie, éprouvée par la frayeur de sa probable disparition, scandalisée par l’audace du peuple d’avoir pris les commandes du pouvoir, d’avoir tenté de briser les bases du système marchand, a fait chèrement payer, pour l’exemple, cette « hérésie » révolutionnaire aux communards (aujourd’hui, sa descendante classe bourgeoise mondiale fait chèrement payer aux classes populaires massivement révoltées ces dernières années, notamment en France, en Algérie, à Hongkong, au Liban, etc., leur audacieuses insurrections, par la dégradation de leurs conditions de vie, l’écrasement de leur esprit frondeur obtenu au moyen de l’instauration généralisée du despotisme étatique, de la militarisation de la société, du terrorisme étatique).

Edmond de Goncourt ne s’était pas trompé dans son verdict apologétique scélérat lorsqu’il avait écrit : « les saignées comme celle-ci, en tuant la partie bataillante d’une population, ajournent d’une conscription la nouvelle révolution. C’est vingt ans de repos que l’ancienne société a devant elle. » (Actuellement, en 2002-2021, avec la terreur « covidatoire », le carnage économique et le massacre sociale, les gouvernants tentent – illusoirement ? – de nous enlever le goût de la révolte pour vingt ans, pour nous confiner à une existence de survie nourrie d’obéissance et de soumission).

Quant à Gustave Flaubert, pour sa part la répression n’avait pas été suffisamment cruelle, car il avait estimé « qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou, en simples forçats. Mais cela aurait blessé l’humanité. On est tendre pour les chiens enragés, et point pour ceux qu’ils ont mordus. ».

Ainsi, tous les écrivains avaient apporté leur soutien au régime sanguinaire de Versailles. Ils avaient approuvé, cautionné et béni cette répression sanglante, ce génocide de la population parisienne (comme aujourd’hui l’ensemble de la corporation médicale, scientifique, intellectuelle, politique cautionne le génocide sociale et l’extermination économique perpétrés par les gouvernants, ces représentants du Grand capital financier, sous couvert de crise sanitaire).

Pour cette engeance intellectuelle, la Commune de Paris avait favorisé l’éclosion d’une imagination débridée haineusement anti-ouvrière. En effet, cette élite intellectuelle avait rédigé dans une prose réactionnaire des textes incendiaires émaillés de métaphores animalières, médicales, à la connotation dégradante dégoulinante de mépris de classe. Elle avait usé de termes hérissés de peurs et d’épouvantes propres à susciter parmi l’opinion publique l’effroi et la terreur.

Pour la majorité de ces écrivains, la Commune était l’expression d’une imperfection congénitale biologique, d’une dépravation morale (sic). La Commune était l’illustration de « la lutte du Bien contre le Mal, de la civilisation contre la barbarie, de l’ordre contre l’anarchie, de l’intelligence contre la bêtise, de la tête contre le ventre, du devoir contre l’égoïsme, du travail contre la paresse, de l’élite contre le l’engeance populaire ».

Voici un florilège des textes de ces écrivains enragés, engagés contre la Commune

« Que l’humanité est une sale et dégoûtante engeance ! Que le peuple est stupide ! C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans joug. Aussi ne sera-ce pas pour lui que nous combattrons encore, mais pour notre idéal sacré. Qu’il crève donc de faim et de froid, ce peuple facile à tromper qui va bientôt se mettre à massacrer ses vrais amis ! », avait asséné Leconte de Lisle.

Ailleurs, à propos des communards, Leconte de l’Isle avait dénoncé ainsi « cette ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs, mauvais poètes, journalistes manqués, romanciers de bas étage ». Tandis qu’Alphonse Daudet voyait plutôt des « têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants. ». Pour Anatole France, les Communards n’étaient qu’« un comité d’assassins, une bande de fripouillards, un gouvernement du crime et de la démence ».

Ernest Feydeau avait précisé que « ce n’est plus la barbarie qui nous menace, ce n’est même plus la sauvagerie qui nous envahit, c’est la bestialité pure et simple ». Théophile Gautier acquiesçait : les Communards sont des « animaux féroces », des « hyènes » et des « gorilles », qui « se répandent par la ville épouvantée avec des hurlements sauvages ».

Avec des métaphores médicales, la Commune fut selon Maxime Du Camp « un accès d’envie furieuse et d’épilepsie sociale », et selon Émile Zola « une crise de nervosité maladive », « une épidémique fièvre exagérant la peur comme la confiance, lâchant la bête humaine débridée, au moindre souffle ».

Sur un ton paternaliste, un autre écrivain, Maurice Montégut, s’épanchait avec sollicitude sur les pauvres : « La paix et la concorde doivent venir d’en haut, descendre, ne pouvant monter. C’est le devoir des compréhensifs, des forts, de tendre la main aux faibles, aux enténébrés. Comment en vouloir à la foule – puisque l’on ne fait rien pour l’éclairer, l’instruire – d’avoir gardé l’atavique instinct des brutes préhistoriques, au temps où les ancêtres cannibales, dans les forêts monstrueuses, ne se rencontraient que pour se dévorer sur le seuil des cavernes ? Avec un peu de douceur, beaucoup de charité, on apaise les bêtes frustres qui tendent le dos, se soumettent sous l’étonnement d’une caresse ».

Pour certains écrivains, l’esprit égalitaire de la Commune offusquait leur conception élitiste et aristocratique de la société. Ainsi, Taine avait écrit avec ironie, sur un ton persifleur : « Le patron, le bourgeois, nous exploite, il faut le supprimer. Moi ouvrier, je suis capable, si je veux, d’être chef d’entreprise, magistrat, général. Par une belle chance, nous avons des fusils, usons-en et établissons une République où des ouvriers comme nous soient ministres et présidents ». Renan, pour qui l’Allemagne constituait un modèle, avait estimé que « l’essentiel est moins de produire des masses éclairées que de produire de grands génies et un public capable de les comprendre ».

De même, les femmes « communardes » n’avaient pas été également épargnées par les outrances verbales de ces écrivains sanguinaires versaillais. Ces femmes, appelées aussi les pétroleuses (femmes qui, pendant la Commune, auraient allumé des incendies avec du pétrole), étaient comparées à des « louves » ou des « hyènes ». Ainsi, Arthur de Gobineau avait écrit : « Je suis profondément convaincu qu’il n’y a pas un exemple dans l’histoire d’aucun temps et d’aucun peuple de la folie furieuse, de la frénésie fanatique de ces femmes. »

Un autre écrivain moins célèbre, Ernest Houssaye, avait déclaré quant à lui : « Pas une de ces femmes n’avait une figure humaine : c’était l’image du crime ou du vice. C’étaient des corps sans âme qui avaient mérité mille fois la mort, même avant de toucher au pétrole. Il n’y a qu’un mot pour les peines : la hideur ».

Au moment de la répression sanglante des Communards, Anatole France jubilait : « Enfin, le gouvernement du crime et de la démence pourrit à l’heure qu’il est dans les champs d’exécution !

Emile Zola se montrait, pour sa part, indulgent envers les Versaillais : « Le bain de sang que le peuple de Paris vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur. »

Décidément, sous le règne de la domination de classe règne toujours l’abomination de classe.

Dès que le peuple relève la tête, la haine de la classe dominante s’abat sur lui. Suivie ensuite par la répression, les incarcérations, puis les massacres.

« Et pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocats, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours. » Auguste Blanqui.

Auteur
Khider Mesloub

 




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