Mardi 21 mai, Abdelmadjid Tebboune invitait dare dare une trentaine de partis politiques, des plus représentatifs aux partis d’amis pour les entendre. On croyait le dégel commencé !
Eh bien non. La fin du dirigisme autoritaire n’est pas de saison. Après avoir entendu certains partis ayant participé à ce raout inédit pour cette mandature, Abdelmadjid Tebboune continue comme s’il n’avait rien écouté.
Tout le monde a, en effet, suivi les déclarations d’au moins trois chefs de partis : le PT, le FFS et Jil Jadid. Ce sont les plus signifiantes et percutantes, tant Louisa Hanoune, Sofiane Djilali et Youcef Aouchiche ont posé les mots sur les maux qui rongent l’Algérie sous l’ère de leur hôte, Abdelmadjid Tebboune.
Parmi les revendications avancées, il y a notamment la libération immédiate des dizaines de détenus d’opinion, l’ouverture du champ médiatique, le respect des libertés individuelles et collectives, la liberté de manifester… En clair, tout ce qui fait une vraie démocratie et un Etat de droit.
Pourtant, les demandes sont clairement exprimées. Tebboune ne peut prétendre ne pas le savoir. Et ses interlocuteurs ne sont pas parmi les opposants les plus virulents. Si raison il y avait elle aurait été entendue. Hélas… rien de tout cela. Qu’a-t-il fait depuis ?
La tentation du marche-pied
Entretemps, deux des intervenants ont depuis décidé de prendre part à la prochaine présidentielle. Le marche-pied est trop tentant. Youcef Aouchiche, se prenant au sérieux, a fait voter sa candidature, à main levée son parti, lors d’un congrès extraordinaire. Louisa Hanoune, multi-candidate malheureuse, sous Zeroual et Bouteflika, a annoncé, triomphante elle aussi, sa candidature à la candidature ( eh oui il faut reunir les fameuses 75 000 signatures) pour cette présidentielle anticipée.
Chez nous comme ailleurs, il y a des destinées politiques qui sont diablement faites pour servir de seconds couteaux. Voire accompagner avec cynisme le pouvoir dans son renouvellement autoritaire. En l’espèce on a des cas d’école.
Youcef Aouchiche, Louisa Hanoune et Zoubida Assoul qui ont battu le pavé au printemps 2019 pour un changement de régime vont servir en septembre de faire-valoir d’une opposition à bas bruit. Un pis-aller dans une « partie vendue d’avance ». Ils feront date sans doute et viendront le 8 septembre pleurnicher sur une élection douteuse. On ne peut accuser ces chefs de partis d’ignorer ces éléments ni la capacite du régime à caporaliser les élections.
On n’apprend à un vieux singe à faire des grimaces, dit-on. Alors pour quelle contrepartie ces trois participent à la présidentielle ? Trop tôt pour y répondre.
Prêtes à servir, les féodalités politiques, en général, ne s’encombrent pas de principes démocratiques, pourvu que l’illusion opère. Elles participent à la reproduction d’un système inique et castrateur des bonnes volontés qu’elles prétendent pourtant dénoncer dans leurs discours.
Toute l’ambiguïté de leur essence est là. Un pied au palais d’El Mouradia, un autre dans la rue, quand le peuple exprime sa colère.
Cette noce politique que des médias promettaient comme étant historique n’aura servi qu’à donner l’occasion à une opposition périphérique à prendre part à une présidentielle dont les résultats sont connus de tous les Algériens.
Car, en dépit des apparences, Abdelmadjid Tebboune n’a pris aucune mesure visant à détendre au moins d’un cran la poigne autoritaire qui étouffe tout le pays depuis le printemps 2019. Les prisons sont toujours pleines de détenus d’opinion. La parole est interdite et la presse vassalisée. Le dernier parti en date à subir les foudres du pouvoir est le RCD qui s’est vu interdire une conférence-débat à Batna.
Au final, cette kermesse qui a réuni une trentaine de partis aura permis aux partis connus pour leur proximité du pouvoir d’exprimer leur soutien à Tebboune et d’appeler à un seconde mandat. Rien d’autre. N’a-t-on pas entendu le crypto-islamo-arabiste Bengrina pérorer son soutien à Tebboune, comme au demeurant le parti FLN, honni par le peuple ?
Suffisant, fermé et revenchard, Abdelmadjid Tebboune garde le cap autoritaire.
Les prisonniers d’opinion, la liberté d’expression, … l’Etat de droit attendront.
Yacine K.