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Qu’est-ce que l’offshore ? Légal ou pas ?

Pourquoi y a t-on recours ?

Qu’est-ce que l’offshore ? Légal ou pas ?

Avec les « Panama papers », on a pu découvrir le nom des personnalités du monde de la politique, dont l’ancien ministre de l’industrie Abdesselam Bouchouareb, les fils de l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, la famille Khelil et, bien entendu le sulfureux Farid Bedjaoui, pour ne citer que ceux-là, utilisant des structures offshore de nombreuses manières. Qu’est-ce que l’offshore ? Est-ce légal ou pas ? Qu’y gagne-t-on ? Si le terme « offshore » est souvent synonyme d’opacité et de fraude fiscale, ces structures offshore ne le sont pas toujours. C’est même souvent tout le principe : jouer sur les failles réglementaires afin de pratiquer l’évasion fiscale légale. Mais dans d’autres cas il s’agit bien de fraude. Petit point pratique sur ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Avant tout, il faut savoir qu’une société offshore est une société établie dans une juridiction qui offre des avantages fiscaux aux non-résidents en échange de frais annuels pour s’établir chez eux. En soi, ce n’est pas illégal, même si ces juridictions (surtout celles qui refusent l’échange d’informations avec les autres pays) sont sous le feu de nombreux pays et organisations luttant contre l’évasion fiscale. 

                    Qu’est-ce qu’une société offshore ?

C’est le nom couramment donné aux entreprises enregistrées dans des pays qui proposent une fiscalité très faible et des réglementations très accommodantes, comme les îles Vierges britanniques, le Panama ou les Seychelles.Ces « sociétés internationales d’affaires » (« international business corporation », ou IBC) n’exercent aucune activité économique réelle sur le territoire dans lequel elles sont enregistrées ; elles servent de simple « coquille » ou d’écran pour des activités exercées ailleurs. Outre la basse imposition, le pouvoir d’attraction des juridictions offshore vient de la facilité de création de sociétés et du faible contrôle sur l’identité de leurs bénéficiaires réels.
D’autres entités offshores, comme les trusts ou les fondations, fonctionnent à peu près sur le même modèle, bien qu’elles ne soient pas à proprement parler des IBC.

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                    Comment crée-t-on une société offshore ?

Il y a généralement plusieurs intermédiaires entre le bénéficiaire réel d’une société et celui qui créé effectivement la structure. Le bénéficiaire peut faire appel à sa banque ou à un cabinet d’avocats fiscalistes pour choisir le meilleur paradis fiscal en fonction de ses exigences. Cet intermédiaire prend alors contact avec un agent de domiciliation de sociétés, qui se charge de tout enregistrer auprès des autorités des différentes juridictions.
La firme panaméenne de domiciliation de sociétés offshore Mossack Fonseca, par exemple, peut recruter des clients depuis son bureau de Luxembourg, puis demander à sa branche aux îles Vierges britanniques de créer la société offshore. Elle propose également divers services supplémentaires, de la redirection de courriers à la fourniture de prête-noms, en passant par des services bancaires.

                    A quoi ça sert ?

1. Ouvrir un compte en banque
Le scandale « Panama papers » prouve qu’une bonne partie des sociétés offshores enregistrées par Mossack Fonseca ont pour seule activité l’ouverture et la gestion d’un compte bancaire. Plutôt qu’ouvrir un compte directement à leur nom dans une banque suisse ou luxembourgeoise, les clients passent par l’intermédiaire d’une société-écran, à laquelle ils rattachent leur compte en tout anonymat. En effet, l’un des principaux avantages des sociétés offshores est leur opacité, qui permet de dissimuler l’identité réelle des ayants droit des sociétés. Cette méthode est utilisée par certains fraudeurs fiscaux soucieux de soustraire leur patrimoine à l’impôt sur la fortune ou d’exonérer leur descendance de droits de succession.
2. Détenir des biens
De la même façon, au lieu d’acheter directement une maison ou un yacht en leur nom, les clients peuvent le faire avec leur société offshore pour dissimuler leur identité. Si les différents intermédiaires manquent à leur mission de contrôle, cela peut permettre le blanchiment d’argent sale, issu d’activités criminelles ou frauduleuses. Un homme politique corrompu peut par exemple se voir offrir, en échange de certaines faveurs, la jouissance d’une villa à l’étranger détenue par une société offshore.
3. Protéger des fonds
Dans les pays politiquement ou économiquement instables, les élites recourent souvent à des sociétés offshores rattachées à des comptes pour protéger leur patrimoine des expropriations, de l’hyperinflation ou des règlements de comptes en cas d’alternance politique – sans forcément vouloir frauder le fisc. C’est pourquoi, dans les « Panama papers », les fichiers internes de la firme panaméenne Mossack Fonseca, on retrouve énormément d’oligarques russes, de membres de l’élite politique du Parti communiste chinois, ainsi que plusieurs hauts dirigeants des cinq continents. L’offshore est également un moyen efficace de contourner des sanctions économiques internationales.
4. Avancer masqué
D’autres acteurs économiques recherchent dans les sociétés offshores une couche de dissimulation que ne leur offre pas le droit des sociétés dans leur propre pays. Une personne frappée d’interdit bancaire y trouvera le moyen de mener quand même des opérations financières ; un investisseur malin y verra l’opportunité de monter discrètement au capital d’une autre société ; un homme d’affaires au passé douteux pourra remporter des contrats à l’étranger sans que son nom compromette les négociations.
5. Développer des activités à l’étranger
Certains acteurs économiques recourent aussi à des sociétés offshore pour faciliter leur développement à l’international. Pour s’installer en Asie du Sud-Est ou en Afrique, par exemple, certaines sociétés françaises créent de façon transparente des entités offshore communes avec des partenaires locaux. Des montages souvent légaux qui permettent de bénéficier de la faible fiscalité et de la simplicité réglementaire des paradis fiscaux.

                    Est-ce illégal ?

Non. La plupart des pays autorisent le recours aux sociétés offshores. Dans certaines parties du monde, comme l’Asie ou la Russie, c’est presque normal. En France, où les autorités sont plus méfiantes, les sociétés offshore sont légales à condition de déclarer le compte lié à la société – tous les comptes à l’étranger doivent être déclarés, sans exception, rappelle le Code général des impôts.
Une société sans compte, qui servirait à détenir des biens comme une maison ou un yacht par exemple, ne doit être déclarée que si elle verse des dividendes (il faut alors payer l’impôt sur le revenu) ou si le contribuable est assujetti à l’Impôt de solidarité sur la fortune – ses parts de sociétés, en France et à l’étranger, sont en effet intégrées au calcul de son ISF car il est taxable sur son patrimoine mondial.
Enfin, si cette société héberge une activité commerciale réalisée en France, il faut aussi la déclarer au titre de l’impôt sur les sociétés. Si l’activité est réalisée à l’étranger, la société peut quand même être taxée ; c’est le rôle des dispositifs anti-abus mis en place par Bercy et qui servent à faire « gommer » l’intérêt des régimes fiscaux privilégiés. Concrètement, si une structure établie hors de France est détenue à au moins 10 % par des résidents fiscaux en France et qu’elle est soumise à un impôt sur les bénéfices inférieur de 50 % à celui auquel elle serait soumise si elle était établie en France, elle est taxée.
Pour résumer, l’offshore n’est pas illégal en soi : cela dépend de ce que l’on fait avec.

                Alors, quel est le problème ?

Le problème posé par les juridictions offshores, c’est justement qu’on ne sait pas ce qui s’y passe. Pour préserver leur lucrative activité, les paradis fiscaux ne sont guère enclins à abandonner des pratiques et des services de dissimulation dont leurs clients sont friands.
Les différents niveaux d’opacité offerts par les entités offshore compliquent donc le travail de la justice et du fisc pour récupérer l’argent illégalement soustrait aux impôts ou remonter les circuits de l’argent sale.
Si les pressions internationales ont contraint certains d’entre eux à modifier leurs pratiques, le chemin vers la transparence est encore long, notamment en raison de la faible coopération des autorités locales pour appliquer les standards internationaux afin d’identifier, au-delà des prête-noms, les bénéficiaires réels des sociétés et l’origine de leurs fonds…

L.M.
Source : Le Monde 26 juillet 2016

 

 




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