8 novembre 2024
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Qui vous autorise à me tutoyer ?

Bon sang, doit-on dire « tu » ou « vous » à une personne ? L’histoire nous fait souvent hériter d’usages dont on se serait bien volontiers passé. Qui d’entre nous n’a pas rencontré la grande hésitation entre le tutoiement et le vouvoiement ?

Qui vous autorise à me tutoyer ? Par cette seule remontrance on constate la présence du pluriel alors qu’elle est la plupart du temps adressée à une seule personne. Cette situation a été épargnée aux algériens et c’est un bonheur car elle pose un tracas constant en langue française lorsqu’on discute avec une personne, essentiellement lorsqu’on l’aborde ou l’interpelle.

Le souci est que nous sommes également francophones et que beaucoup d’algériens résident en France. Comment savoir si le vouvoiement est à respecter ? Si les choses sont parfois évidentes elles restent une difficulté dans bien d’autres circonstances.

Vouvoyer ou tutoyer, quelle bizarrerie qui nous place dans un dilemme constant, tutoyer au risque de manque de respect ou vouvoyer au risque du ridicule.

Tutoyer ses proches est si évident comme il n’est pas acceptable par la société envers une personne inconnue ou qui détient un statut hiérarchique supérieur par exemple. Ces cas trouvent une dérogation lorsque la personne vouvoyée donne l’autorisation tu tutoiement. Il y a aussi des situation marginales et si stupides qu’on en arrive à penser que c’est une provocation, deux époux qui se vouvoient comme le firent les Chirac et le font certains autres par excentricité de ceux qui veulent rappeler la noblesse de leur descendance.

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Mais qui a inventé cette stupidité ? Il nous faut remonter à l’origine historique. Nos enseignants  nous avaient appris que le début de cette affaire remonte à l’antiquité lors de la grande époque de l’empire romain. Pendant un moment de son histoire, deux frères ont partagé le pouvoir sur l’Empire romain,  Flavius Honorius et Flavius Arcadius, tous les deux restant dans la mémoire historique comme les deux empereurs Flavius.

Comme il ne fallait manquer de respect à aucun des deux, il était de coutume de s’adresser symboliquement aux deux même en l’absence de l’un. L’usage du pluriel ne disparaîtra plus jamais. Voilà pourquoi nous esssayons de nous dépêtrer pour savoir lequel des deux pronoms utiliser, singulier ou pluriel.

Le vouvoiement est définitivement devenu une marque de respect. Bravo Rome pour cette incongruité qui nous pose tant de soucis !

La révolution française avait tenté de le faire disparaître par un décret interdisant la pratique du vouvoiement (les braves hommes!). La raison était évidente car il représentait la marque de féodalité à laquelle étaient soumis les citoyens par les nobles et autres puissants. Rien n’y a fait car l’usage était profond et, surtout, à la république se substituera plus tard un renouveau de la royauté et même la création d’un empire.

Dans mon ancienne profession il y avait un reste de ce stupide dilemme. « Tu tutoies les étudiants ? » me disaient certains. Je leur répondait que si je vouvoyait des gamins de vingt ans que je côtoie tous les jours, ce serait la fin de tout. Et puis quoi encore ? Baiser la main du chef d’établissement en faisant une génuflexion ?

Et si un jour je rentrais à la maison en disant « Comment allez-vous, ma chère épouse ? ». « Elle me répondrait certainement « comme une algéroise qui a eu la folie de vous épouser ! ».

Boumediene Sid Lakhdar

8 Commentaires

  1. J’ai dit au moins trois ou quatre fois ici-même dans un commentaire que j’éxècre l’idée de tutoyer un autre algérien, quel que soient nos âges, sexes, ou fonctions respectives.
    Les deux empereurs Flavius ont peut-être quelque chose à voir dans la naissance du vouvoiement, mais il ne continue d’exister que parce qu’il répond à un besoin idéologique réel, sinon il aurait dsparu depuis bien longtemps.
    Pour éviter d’être trop long, en résumé, avant la Révolution française le vouvoiement reflétait les relations hierarchiques entre classes et individus. Avec l’idéologie bourgeoise c’est devenu une façon d’éliminer le caractère personnel dans les relations. Quand vous allez chez le médecin, le « vous » est un voile qui sépare vos vies privées à tous les deux. Le « vous » fait de votre relation une transaction purement professionelle, commerciale. En gros, dans le système capitaliste taâ eççeh, les gens sont définis par leur boulot et les relations entre les individus sont pour la plupart des transactions impersonnelles. On ne « connaît » pas forcément les gens avec lesquels on échange toute la journée, et on n’a pas besoin de les connaître pour faire toutes sortes d’échanges avec eux.

    Entre algériens, ou entre membres de la même classe sociale, ça devient différent. Tutoyer un autre algérien devient totalement artificiel et gênant. C’est parce qu’entre algériens cet esprit capitaliste n’est jamais né puisque les relations sociales sont floues, indéfinies. Il ’y a pas de « système » économique en Algérie. La rente n’en est pas un. C’est un système de distribution, pas de production.
    En système capitaliste « vrai » le garçon de café qui vous sert votre café est « un garçon de café » et il se voit lui-même comme tel. En algérie, ce garçon de café se voit comme un homme comme vous, qui se retrouve par un pur caprice de la vie dans la situation où c’est lui le serveur et vous le client. Être garçon de café n’est pas sa « nature » alors pourquoi devrait-il vous considérer différent de lui ?

    Je ne vis pas en France, et je ne sais pas si les choses on changé ces dernières décennies, mais le « mur » entre individus et entre membes de classes différentes s’exprime encore plus clairement que le vouvoiement dans l’utilisation de la troisième personne entre employés de maison et employeurs, comme la bonne qui dit « Monsieur desire-t-il…? » ou « Madame a-t-elle sonné ? » Même le vouvoiement serait perçu comme une impertinence dans cette situation. « Comment oses-tu me vouvoyer », dirait l’employeur à sa bonne, ou même « Comment osez-vous me vouvoyer ? » C’est comme si l’employé de maison ne peut même pas se permettre la familiarité de s’adresser à son employeur directement.

    Et l’usage de « son altesse » ou de « sa majesté » alors ? C’est le stade suprême du vouvoiement.

    • La plupart des langues du monde n’ont pas ce « problème. » L’anglais s’en est débarrassé depuis deux ou trois siècles.
      A propos du kabyle: Quand j’étais petit au village, un homme m’a dit d’entrer dans une maison où on fêtait quelque chose et “dis-leur de venir” (inassen ad-assen.) Je lui ai demandé “anwi” ? (“qui” au pluriel.) Mon oncle m’a alors chuchoté à l’oreille que le gars parlait de sa femme. I y a là une petite relation avec ce dont je parlais avant, comme dans le fait qu’une femme kabyle disait “netsa” (lui) pour dire son mari, comme le faisaient les irlandaises: “himself”.

  2. EXACTE
    et ca me fait rire (peut etre qu il a 4 femmes qui sait!!!!!!!)
    pour les irlandais c’est des celtes on a au moins une déformation génétique en commun

    Ca me fait toujours plaisir de te lire

    • Je n’ai jamais connu un kabyle qui avait plus d’une femme, bien que la coutume ait existé (thakna.) Dans le cas de l’homme dont je parle, s’il voulait dire « ses femmes » il aurait conjugué ses verbes au pluriel féminin : inassent ad-assent. C’est ça d’ailleurs qui m’a pris à contrepied. S’il avait dit “inas ad-ass”, j’aurais immédiatement compris qu’il parlait de sa femme.
      Et s’il avait dit inassent ad-assent, j’aurais pensé qu’il voulait dire sa femme et sa fille ou sa mère peut-être, mais au pluriel masculin je n’ai pas pigé car on ne m’avait pas encore appris qu’un homme de l’époque ne se référait pas à sa femme ou à sa mère directement devant les autres. A l’époque (je ne sais pas si ça a changé) on m’a appris qu’il ne fallait jamais dire “yemma” en parlant de ma mère. Il fallait dire “thamgharth gu’emma” (ma vieille mère) malgré que ma mère n’avait pas encore 30 ans.
      J’espère que les choses ont changé depuis.

  3. le seul kabyle que j ai connu avec trois femmes c’est un chrétien !!!!!!
    si je pense qu il y a bien des cas de polygamie
    il y a une chanson setache dilaamiss rentide takhna

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