Dans l’Oran du printemps 2006, une révélation vient fissurer le silence d’une famille : un oncle, longtemps présenté comme exilé, sort en réalité de prison pour des faits liés au terrorisme. Ce secret soigneusement enfoui remonte à la surface, propulsant une jeune fille – jamais nommée dans le roman – dans une quête de vérité, au cœur des non-dits de la « décennie noire ».
Avec Raï Love, Atfa Memaï signe un premier roman poignant, porté par une écriture sensible et une grande justesse psychologique. Née à Constantine en 1987, formée à la psychologie avant de s’orienter vers l’écriture, l’autrice fait de la littérature un espace d’émancipation, un lieu où reprendre le fil de sa propre histoire sans passer par la case survie.
Le silence comme point de départ
L’absence de prénom du personnage principal n’est pas anodine : elle souligne la portée universelle du récit, tout en évoquant l’effacement des voix féminines dans les récits officiels. La narratrice traverse un Oran post-traumatique, hanté par ses fantômes et ses mélodies. Les souvenirs familiaux, l’enquête intime et la confrontation avec un passé refoulé deviennent alors autant d’étapes dans une reconstruction identitaire, où la parole remplace peu à peu le silence.
La musique raï, entre refuge et mémoire
Le roman est profondément traversé par la musique raï, dont les chansons rythment les émotions de la narratrice. Elle y puise une forme de résistance, de consolation et d’expression brute. La figure de Cheb Hasni, chanteur assassiné en 1994 et icône d’une jeunesse algérienne qui voulait vivre, aimer et chanter, plane sur tout le livre comme un hommage discret mais puissant.
Le raï n’est pas ici simple décor sonore : il est langage du cœur, mémoire d’une époque, et exutoire face à la violence du réel.
Une voix libre, une littérature de l’émancipation
Raï Love n’est pas un roman nostalgique, encore moins un roman à thèse. C’est un texte à fleur de peau, qui interroge le poids de la mémoire et le besoin de transmission. Atfa Memaï y exprime une voix libre, qui ne cherche pas à juger mais à comprendre, à dire sans condamner, à écouter sans détourner les yeux.
Loin du pathos ou du repli identitaire, Raï Love affirme avec force que l’écriture peut être un acte de libération. Une manière de se réapproprier le récit, de redonner des mots aux silences imposés, et de rendre visibles les existences ordinaires broyées par l’histoire.
Atfa Memaï sera à Marseille, à la librairie L’Île aux mots, le 10 juillet, pour présenter son roman. Une occasion rare de rencontrer une jeune autrice à la plume déjà affirmée.
Djamal Guettala
RaÏ Love, Edevcom-Ed, Collection Tachawit
Textes : Atfa Memaï