Samedi 20 juin 2020
Réagir ou prévoir ?
Comment transformer les comportements des citoyens et ceux des institutions ? Peu de personnes croient au changement, et nombreux sont ceux qui ne veulent pas que quoi que ce soit change.
Pour partager la rente, beaucoup trouvent leur compte et acceptent l’ordre des choses. Serait-ce l’incapacité des gouvernants à changer le fonctionnement des structures, l’absence d’une vision et d’un cap fixé, ou l’incapacité d’une population d’intégrer le changement à cause d’une inertie entretenue ?
Les miasmes de la mal-vie sont omniprésents : une histoire tronquée, une généalogie mutilée, mémoire, valeurs et patrimoine aussi ; un langage fait de béquilles, un arabe ni classique ni dialectal, un berbère minorisé par une histoire contrecarrée, un français décharné par sa criminalité, et enfin une culture rentière et prédatrice. Histoire d’un peuple mutilé par une africanité désincarnée, un arabisme passéiste nourri de bigoterie, une méditerranéité fermé à la mer et un occidentalisme porté par une douteuse colonisabilité. Celle-ci comme une gangrène se développe à travers le refus de se définir comme des Algériens. Nous sommes comme les lièvres d’une course dans laquelle l’Orient veut nous rattraper et l’Occident nous reléguer très loin.
De quoi serions-nous prisonniers ? Aurions-nous des difficultés à assumer nos libertés d’être, de penser et d’agir ? Que ce soit au plan politique, économique, social ou culturel, dès qu’un individu s’élève au-dessus de la masse, dès qu’une tête dépasse, on s’empresse de la couper. Les coupeurs de têtes sont légion. Une mono-vision fixée sur un objectif dichotomique semble réductrice d’une société complexifiée par les cultures qui l’ont traversée et la travaillent.
L’Algérie agressée et souffrante mais debout et combattante, doit se remettre en question, se regarder dans un miroir, observer ses blessures ; voir les souillures qu’on a collé à sa peau, ces lambeaux de rien avec lesquels on a tenté de l’habiller.
Depuis Jugurtha que Rome assassina jusqu’à Zabana que la France guillotina, c’est le même sang qui fait de cette terre une terre d’hommes libres. Et c’est au nom de ses hommes et de ses femmes, de ses Larbi Ben M’hidi et de ses Hassiba Benbouali, que les Algériens se reconnaissant comme enfants légitimes de Hassiba et de Larbi, de Jugurtha et Kahina vont devoir reconnaître leur devenir.
Les gens qui s’entourent d’incapables, je doute de leurs capacités. Eviter d’avoir une culture artificielle.
Prétendre gouverner dans le reniement du Hirak, sans cap ni projet, vouloir détourner et orienter un peuple au nom de ce reniement, c’est méconnaître sa valeur.
Ergoter et tourner autour du pot ne fait pas avancer. Il y a des gens dont c’est le métier d’analyser les signes faibles et de prévoir les réactions. Des saltimbanques et des pieds-nickelés croient encore que l’administration leur donnera des idées.
Avoir une bonne lecture et un plan à dix ou vingt ans, ce n’est pas dans ses compétences. L’administration ne sait qu’exécuter, elle ne prévoit rien, elle ne planifie rien. Une délégation générale à la planification n’est pas de trop.
Le Hirak, comme remise en cause du système et de sa gouvernance, ne pliera pas tant que le pouvoir ne comprendra pas qu’il lui faut associer les représentants de ce peuple farouche à la définition de son destin.
Libérée de ses démons importés, affranchie de tuteurs, débarrassée de ses dévots et charlatans de l’exclusivité culturelle, libérée de la logique tribale, l’Algérie se construira sur le mode pluriel, avec les richesses de chacun, et les compétences de ses régions.
Il s’agit de privilégier la créativité contre l’inertie, l’initiative et le mérite contre le privilège et la médiocrité. Rebâtir des espaces de communication, reconstruire des espaces de vie et partager des désirs pour un même cap !
O. B.