20 mai 2024
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Rebâtir l’Algérie : la refondation de l’Etat-Nation par une démocratie participative

TRIBUNE

Rebâtir l’Algérie : la refondation de l’Etat-Nation par une démocratie participative

Le Hirak, appellation qu’il s’est donné, n’est ni un mouvement pyramidal ni horizontal, il est atypique, hors-norme et rare dans l’histoire contemporaine. C’est ce qui fait sa force, sa longévité et sa puissance de frappe.

Des prémices de la révolution…

Ce Mouvement populaire bouscule les vieilles traditions d’appareils habitués à un fonctionnement vertical, il est déroutant puisqu’il n’obéit à aucune logique partisane idéologiquement et politiquement. Il s’inscrit dans une logique propre à lui sans élaborer de stratégies nées dans des officines et occultes, ni d’objectifs de prise de pouvoir ou de participer à sa recomposition. Il obéit à des mots d’ordre renouvelés chaque semaine et des slogans adaptés à la situation tout en gardant l’objectif principal « système dégage ».

Le Hirak est un mouvement qui exprime d’abord un rejet profond de l’existant (régime, système, les politiques associées…) et rassemble toutes les composantes de la communauté humaine que constituent ce pays (hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux…) et toutes les catégories socioprofessionnelles. Il rassemble toutes les diversités territoriales, culturelles et identitaires, bouscule les hiérarchies et l’ordre établi. Il ne porte pas un projet sociétal ni projet politique à première vue. Pour tout observateur averti il est déroutant puisqu’il sort des normes habituelles d’analyses classiques et traditionnelles qui classifient les dynamiques historiques selon les écoles bien établies.

Le Hirak a mis en mouvement une rupture douce avec les idées établies, a mis à nu l’échec d’une construction par le haut avec les méthodes connues d’un passé qui a mis sur le bord de la route l’Histoire des peuples en s’appropriant leur destin par la force et par les vérités qu’ils croyaient garantir leur règne en toute impunité. Il a su jusqu’à présent tenir la dragée haute aux tenants de ceux qui défendent encore leur dernier carré en s’enfermant dans leurs bunkers qu’ils croyaient inaccessibles.

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Le Hirak prend son temps, il le sait et s’inscrit dans la durée et impose son rythme et sa force en déjouant tous les pronostics d’un essoufflement de sa révolution de velours menée avec une telle force que seul le géni populaire en a le secret des ingrédients qui fusionnent le tout pour accoucher de cette alchimie et de cette magie populaire dans la mise en œuvre de la symphonie créative de l’esprit de la solidarité, de la diversité, de la pluralité et de la communion des esprits libérateurs des énergies longtemps enfouies dans l’inconscient collectif et dans l’inconscient populaire.

Tous les territoires, toutes les villes bâtissent ou rebâtissent leur Histoire, leur renouveau, s’inscrivent toutes dans une dynamique d’enracinement local pour contrebalancer le pouvoir central et par la même le jacobinisme longtemps dominant de l’Algérie postcoloniale. De ce point de vue c’est une révolution qui se met en place. C’est le premier pas vers une refondation de l’Etat.

En délocalisant le mouvement, il donne cet aspect vivant des terroirs et des territoires, avec leurs richesses humaines et culturelles longtemps mis à l’écart et exclus par le poids et l’apesanteur d’un système centralisateur que le colonialisme français nous a légué et repris dans ses fondements (administration unique des territoires, administration unique des populations, système unique des politiques publiques, système unique de toutes les politiques économiques, sociales et culturelles) où tout est décidé par les tenants d’un pouvoir qui a dominé pendant des décennies la vie de la cité et a étouffé les énergies créatrices d’un ordre juste au profit du progrès, de la liberté et de la dignité humaine.

Bordj Bou Arréridj en est ce symbole et un réservoir de solidarité et précurseur d’un renouveau dont personne ne s’attendait, comme dans toutes les villes de ce pays où chacune se réapproprie son espace historique comme Alger avec la Grande Poste. Chaque ville se réapproprie ses symboles longtemps bafoués par l’inertie d’un régime et le détournement des centres d’intérêts communs des citoyens. Tous les citoyens de ses villes mythiques qui constituent ce pays sont dans la fête révolutionnaire et redessinent la carte géopolitique de ce pays. Chacune participe à cet acte annonciateur d’un renouveau de l’Algérie. Chacune participe, de l’est à l’ouest et du nord au sud à l’émergence d’un désir profond d’exister dans ce renouveau démocratique et porter ses couleurs et ses aspirations.

Le Hirak redessine l’Algérie avec ses dynamiques propres à lui, il rebâtit un monde nouveau s’appuyant sur ses assises locales et ses diversités régionales pour refonder le tout et chasser une image détournée par ceux qui ont spolié et commis le crime contre l’Histoire de ses peuplades qui constituent cette mosaïque horizontale longtemps confinée et muselée par la guerre des clans (Est, Ouest, alliances contrenature, guerre des égos, guerre d’influences, guerre de groupes d’intérêts privés…) en instrumentalisant via chacun ses réseaux d’influences et de nuisances la vie de la cité et ont mis ce pays dans cet état délabré à leur image. Le Hirak balaye tout le clanisme du pouvoir qui a dominé et empoisonné la vie politique du pays depuis 1962. Tout s’effondre, tout l’édifice s’effrite et tout est balayé par ce tsunami qui déracine le mal qui a rongés ce pays depuis des décennies. Plus rien ne sera comme avant.

La guerre et la crise interne du régime ne concerne pas le Hirak et les vieilles analyses de clans avec leurs lots d’alliances contre nature sont mises à nu et balayées pour laisser place à une véritable reconstruction du paysage politique. Il ne laisse aucune place à une recomposition politique ni à une quelconque réhabilitation du personnel qui a conduit les règnes du pays depuis la fin du parti unique en 1990 après une domination sans partage de la vie politique par le FLN et la dictature de l’armée des frontières. C’est aussi la fin d’un système politique qui a régné depuis avec ses malversations, ses contrefaçons et ses partis satellites qui gravitent autour des noyaux du pouvoir qui depuis 1990 ont participé à ses mascarades électorales pour donner une image acceptable et fréquentable du régime. C’est ce que le Hirak a démantelé d’abord pour s’ouvrir la voie royale du démantèlement du système.

Le Hirak est un mouvement de refondation de tout le pays sur d’autres bases ou tout simplement le retour à l’Histoire comme source d’inspiration pour reconstruire ce pays. Le chemin de la rédemption est long mais la machine est lancée et rien ne l’arrêtera. Des victoires symboliques s’accumulent et pas des moindres quand on connaît la nature sanguinaire de ce régime. Du rejet du 5e mandat à l’annulation pure et simple des élections du 04 Juillet, le Hirak n’a pas faibli au contraire il impose sa cadence et ses revendications au fur et à mesure de la situation. Il a transformé à jamais le destin de ce pays par son intelligence de ne pas se structurer ni se donner de porte parole, ni désigner quiconque pour dialoguer avec les instances officielles.

…A la contre-révolution

Le Hirak n’interdit pas aux personnalités politiques hors système d’apporter leur soutien aux revendications exprimées par la Rue. Il n’interdit pas que des voix s’expriment librement quand elles vont dans le sens de l’Histoire, quand elles s’inscrivent dans la réflexion pour un véritable changement qui passe d’abord par la satisfaction de la revendication centrale « système dégage » et une transition démocratique hors système actuel.

C’est ce que Gaïd Salah considère comme complotistes, agents nuisibles au pays, personnalités non désirables qui méritent d’être traînées dans les tribunaux pour atteintes à l’Etat et complot contre l’Armée. Son dernier discours à la Nation toujours dans sa caserne, je veux dire dans son bunker a le mérite d’être très clair. Tous ceux qui soutiennent le Hirak contre le système et contre les élections du 04 juillet sont exposés aux arrestations. Il a décidé avec fermeté de siffler la fin de la récréation et maintenir coût que coût et contre vents et marées l’ordre constitutionnel en vigueur, sinon……

Son discours à la Nation est une véritable déclaration de guerre contre les opposants démocrates de tout bord et parmi eux beaucoup ont déjà combattu ce régime sans relâche depuis des décennies, ont connu les tribunaux, les prisons, les tortures, les insultes et j’en passe de maltraitances.

Certains sont en exil forcé pour fuir le régime et le système dont M. Gaïd Salah en est le farouche défenseur. D’autres continuent le combat naturellement sur le terrain avec le Hirak pour un nouveau destin de l’Algérie et des peuples qui y vivent.

M. Gaïd Salah ne déroge pas à la règle. Comme vos prédécesseurs, nous sommes la cible permanente depuis 1962, vous ne faites que confirmer la continuité de votre régime répressif envers les partisans d’un Etat de droit. L’élite de ce pays n’arrête pas d’être brimée et marginalisée, désignée comme le mal du pays et le plus souvent comme agent de l’étranger. Elle est présente tous les vendredis dans les manifestations pour dire non au système et tout le monde dégage.

Non à la dictature militaire, non à toute tentation d’utiliser la force et imposer un ordre au bruit des rangers. Nous animons des conférences, des tables rondes pour enrichir les débats en idées et en réflexions. Nous alimentons la presse et les réseaux sociaux par nos déclarations et nos contributions. Nous sommes tous engagés dans cette dynamique historique pour une transition sereine et apaisée. La majorité de ses militants, de ses hommes et femmes n’ont pas attendu le 22 Février pour se faire connaître ou émerger.

Nous sommes déterminés à continuer le combat jusqu’à la victoire finale, jusqu’à ce qu’une transition démocratique se met en place pour démanteler le système et aborder les transformations exigées par l’enjeu historique de la refondation de l’Etat-Nation et l’instauration d’un régime démocratique au profit de la construction d’une nouvelle Algérie. Nous sommes engagés dans cette voie depuis des décennies et l’Histoire a donné raison à ce combat mené par les hommes et les femmes qui sont attachés aux valeurs de liberté, de solidarité et de l’émancipation des peuples de notre pays de cette dictature dont vous êtes les dignes représentants.

Votre discours M. Gaid Salah, après avoir utilisé la Rue pour asseoir votre pouvoir absolu et faire la purge dans vos rangs, est une insulte aux peuples de ce pays, est une insulte à l’Histoire. En balayant d’un revers de main toutes les revendications du Hirak, en menaçant le Hirak lui-même de nettoyage de tous ceux qui se dressent sur votre chemin, vous avez fermé la porte à une issue pacifique et intelligente. Vous vous dressez contre la révolution en marche. Vous préférez le langage de va-t-en guerre en déclarant les revendications du Hira irresponsables et inacceptables pour une simple raison vous ne connaissez pas le langage de la sagesse et de la raison.

M. Gaïd Salah, la Rue le sait, vous n’avez rien de démocrate, mais la Rue vous rendra la réponse chaque vendredi et pendant toute la semaine elle sera au rendez-vous parce qu’elle y tient à sa révolution pacifique.

Le combat continue

Nous démocrates, militants acharnés pour les libertés, pour un régime démocratique et en rupture totale avec ce système, sommes déterminés à mener jusqu’au bout le combat pour une Algérie libre et prospère, pour une Algérie qui regarde son Histoire et s’ouvre au monde. Nous croyons aux valeurs universelles celles qui fondent le vivre ensemble pour l’épanouissement de l’Homme et le respect du droit des peuples et des droits individuels.

Nous nous ne substituons pas au Hirak, ni nous sommes ses porte-paroles. Nous sommes des femmes et des hommes libres de pensée et on agit pour l’intérêt supérieur du pays et l’intérêt commun qui unit les citoyens pour un destin commun et collectif qui respecte les droits de l’Hommes et les droits des peuples. Et cela ne peut se réaliser que par une transition démocratique qui sort du jeu constitutionnel actuel. Et cela passe par l’annulation pure et simple des élections du 04 Juillet et la destitution du pouvoir actuel vomi par la Rue.

Nous savons que le combat est dur, long et périlleux pour nous puisque nous sommes exposés en première ligne. Nous mènerons cette bataille avec toutes nos convictions et notre engagement entier et sans calcul quand au sort que le destin (le régime) peut nous réserver. Nous ne faiblirons pas devant les menaces et les intimidations proférées contre nous. Nous appelons toutes celles et ceux qui y croient qu’un autre destin de l’Algérie est possible de redoubler de vigilance et de rassembler nos forces dans cette ultime bataille.

Nous sommes convaincus que le rendez-vous de l’Histoire est arrivé et sommes prêts à relever ce défi et ce quel que soit le prix à payer. La liberté et la dignité humaine n’ont pas de prix, elles sont celles qui dirigent notre voie, notre vie et notre existence. Ecrivons sur toutes les pages des écoliers, sur tous les murs de ce pays « Liberté j’écris ton nom ».

Aziz Tari

 

Auteur
Aziz Tari

 




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