18 mai 2024
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Rencontre au sommet, une étreinte céleste     

REGARD

Rencontre au sommet, une étreinte céleste     

Une fois de plus le ciel nous offre un spectacle merveilleux dont la splendeur est égale à sa dimension.

Le 21 décembre, une étreinte chaleureuse entre les deux géantes du système solaire, Jupiter et Saturne, localisées à une distance minimale, estimée sous l’angle de la Terre. Un phénomène rare qui s’est déroulé la dernière fois en 2000 mais la distance entre ces deux colosses n’aura jamais été si proche, encore plus que le dernier record en 1623.

Rien n’est plus beau et, en même temps, aussi troublant que le ciel, car il a toujours suscité chez l’être humain un mélange de crainte et de fascination. Ce sont ces deux facettes de réaction de l’humanité qu’il est utile d’aborder après le récit de ce spectacle que nous offre le ciel par une étreinte des deux astres massifs qui ont dominé toutes les représentations doctrinales de l’être humain pendant des millénaires.

La Grande convergence, avec trompette et tambour

Une « convergence de planètes » dénomme un rapprochement de deux astres dans le même angle de vue de la Terre. Ce n’est pas un événement commun pour le regard de l’humanité mais reste, à la dimension de l’espace et des télescopes géants, un phénomène courant.

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Il y a quelques semaines, on nous annonçait le rapprochement entre Vénus et la Lune. Dans la soirée du 21 décembre, voilà une rencontre au sommet entre les deux plus grands du royaume des cieux.

C’est avec trompette et tambour que se produira la rencontre cosmique puisque c’est le jour du solstice d’hiver en même temps que l’approche des fêtes de fin d’année pour une grande partie de l’humanité. On raconte que la très lumineuse « étoile de Bethléem » qui guida les trois mages serait en fait une convergence de planètes. Mais comme d’autres la traduisent par une luminescence d’une supernova, laissons ces conjonctures aux croyances.

Jupiter tourne autour du soleil dans une révolution de 12 ans, Saturne la boucle en 29 ans. Demandez aux lecteurs érudits pourquoi ce phénomène se produit tous les 20 ans. Je revendique la passion de l’espace, certainement pas celle de la maîtrise de ses calculs mathématiques.

On nous annonce, si j’ai bien compris, la prochaine date de 2080. J’ai alors supposé dans mon ignorance qu’il s’agissait d’une aussi grande convergence puisqu’il semble avéré qu’elles ne soient pas toutes de la même proportion en rapprochement et que seules les plus significatives donnent lieu à un éclairage médiatique.

Des centaines de millions de kilomètres séparent les deux géantes au moment de cette convergence mais l’image optique fait apparaître dans les télescopes, ainsi que dans la vision des êtres humains, l’illusion d’un rapprochement si grand qu’il en est perçu comme un frôlement.

Une rencontre au sommet mais privée

Hélas, la possibilité d’apercevoir le phénomène avec des lunettes astronomiques pour amateurs de l’espace, ou de l’avoir aperçu, selon la date de publication de cet article, est très faible. Les conditions de vision sont élevées dans leur exigence.

Comme toute observation de l’espace par les yeux des êtres humains, il faut un ciel très dégagé où rien n’interfère dans le champ de vision ni ne le dévie comme l’atmosphère le fait. Cependant la bande territoriale où le phénomène peut être aperçu (ou pouvait, selon la même hypothèse de date de publication) est assez large. Il s’agirait de toute l’Europe de l’Ouest et une bonne partie de l’Afrique.

De plus, la fenêtre horaire pour apercevoir la rencontre des cieux se réduit à deux heures à peine. Sans compter l’obstacle majeur pour les civilisations modernes pour voir le ciel et le lire du fait d’une luminosité trop grande.

Cette lumière des villes, source de modernité, est en même temps un obstacle, et les nouvelles générations ne lèvent plus la tête pour voir le ciel comme c’était encore le cas pour la nôtre (observation déjà bien plus difficile que pour nos aînés). Pour une fois on ne peut accuser cette jeunesse de manque de curiosité mais l’éclairage de plus en plus puissant et la terrible pollution de l’atmosphère ont condamné le spectacle du ciel.

Quelques rares lieux dans le monde peuvent encore se permettre ce luxe. Mais ne soyons pas pessimiste car auparavant il n’y avait pas encore le rêve de la conquête de l’espace et l’extraordinaire puissance des télescopes modernes qui peuvent regarder à des milliards d’années lumière ainsi que l’explosion des sciences. Le rêve n’a pas disparu, il a laissé place à une autre forme de perception, encore plus enivrante.

Tous les ans, en Espagne, j’essaie de rêver avec l’ancienne forme d’observation, au soir venu, que le ciel m’ouvre son livre et son écran, comme nous attendions qu’il le fasse à l’école St-Augustin d’Oran, lorsque les professeurs savaient encore, à destination des internes, instruire de la connaissance des astres.

Il faut dire que j’avais à cette époque une myopie, non encore avouée, qui ne me permettait pas de si bien reconnaître la Grande comme la petite Ourse et bien d’autres formes du ciel étoilé. Mais je peux confirmer aux lecteurs que ce n’était pas la vision réelle qui importait pour l’éveil de ma passion, c’était le récit de l’existence de la beauté du ciel et du génie de l’être humain à pouvoir déchiffrer ses mystères.

À quatorze ans, je n’avais pas eu besoin de voir la Lune, puisque mes oreilles étaient accrochées au « transistor », lorsqu’on nous a fait entendre cette voix lointaine et métallique de Neil Amstrong disant, après un long silence, « Houston, ici la base de tranquillité, l’Aigle a atterri ». Il s’en est suivi sa célébrissime phrase que retiendra l’humanité jusqu’à la fin des temps « Un petit pas de l’Homme, un pas de géant pour l’humanité ».

En cette nuit du 24 juillet 1969, j’avais perçu, encore plus qu’antérieurement, la grandeur et le sens de l’humanité. Les deux géantes du ciel me le rappellent avec un clin d’œil furtif, en cette soirée du 21 décembre 2020, cinquante et un ans après. Le rêve de l’humanité est éternel. 

Revenons maintenant à notre annonce du départ pour donner une explication à chacune des deux facettes opposées de ce rêve.

L’explication par l’ignorance et la terreur

L’humanité a toujours levé la tête vers l’immensité du ciel. Les babyloniens et les Grecs anciens ont imaginé ce que serait réellement cette grande tapisserie illuminée, les uns la voyant en boule de verre parsemée de lumières qui scintillent, les autres comme un puits inversé et ainsi de suite.

C’est en tentant de comprendre ces phénomènes inconnus et, surtout, qui suscitaient une terrible crainte par leurs manifestations violentes, souvent dévastatrices qu’on sait aujourd’hui être d’une origine purement atmosphérique, que se sont bâties des croyances. 

C’est donc à travers une tentative d’explication de ces phénomènes que s’est construite l’histoire de la création de l’humanité, soumise à des forces supérieures qui seraient à l’origine de son existence.

Invisibles, incompréhensibles, mais dont la réalité matérielle de leurs forces était indéniable. Inéluctablement cela a provoqué une humilité et une prosternation face à des phénomènes dont on interpréta la cause par une faute humaine commise, entraînant la fureur punitive des forces occultes.

Ce sont les romains qui, les premiers, attribuèrent à chacun des astres observables le nom d’une divinité. À « Tout seigneur tout honneur », ils ont nommé la plus massive du nom de Jupiter, le dieu des dieux, l’équivalent de Zeus dans la mythologie grecque dont ils se revendiquaient être les héritiers.

Ainsi, dans une hiérarchie nobiliaire, il y a les vice-rois, c’est le cas de Saturne qui est la seconde planète du système solaire. La rencontre du 21 décembre 2020 est donc une rencontre de Palais.

À partir de cette association, l’être humain a toujours fait la concordance entre le ciel, sa configuration et son humeur, et les dogmes à respecter afin de bénéficier de sa clémence et éviter son foudroyant courroux. 

L’explication par la science et le rêve

Il y a plus fort que la terreur imposée à l’homme par son ignorance, c’est l’avancée de la science et de sa compréhension du monde, terrestre et céleste, qui dissipe les craintes tout en créant un rêve  par l’immensité et l’éternité du savoir.

Plus nos connaissances avancent et moins notre allégeance est forte et nos rêves se multiplient.

Mais l’horizon de notre savoir s’éloigne au fur et à mesure que nous avançons, il faut sans cesse aller de l’avant. Pour autant chacun met dans ce rêve de destination ce qu’il lui est le plus profitable pour son épanouissement.

La raison ne peut être exclusive au bonheur et à la compréhension de l’être humain. Il a besoin de se confronter parfois à l’irrationalité. L’immensité de l’espace et des phénomènes physiques non encore maîtrisés lui laissent un champ libre à toutes les conjectures et les fantasmes nécessaires à son esprit.

La seule condition est qu’il en contrôle toujours leur influence par sa force de pensée et de discernement. Et c’est bien là le drame de l’humanité, beaucoup ne prennent pas cette distance et certains en profitent pour dominer et abrutir les autres, prostrés par leurs craintes causées par l’ignorance. 

Jupiter et Saturne faisaient courber le dos aux êtres humains qui se pliaient à ce qu’ils croyaient être leurs volontés et exigences. Ce 21 décembre, on les accueille avec émerveillement car, dénués de leur pouvoir de terreur, ils sont la beauté incarnée de notre univers.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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