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Rencontre avec le prince Louis Albert de Broglie

Louis-Albert de Broglie est cet homme érudit, humaniste, qui tire son savoir de la terre et du ciel tel un ange battant des ailes, qu’on croirait sorti d’un conte, tant ce passionné rend le merveilleux possible.

Ce fils de la terre, défenseur du patrimoine universel, multiplie ses efforts pour préserver cette nature généreuse et belle qui remplit le regard lumineux et le cœur heureux, quand on donne on reçoit, œuvrer sans penser au résultat, dans la grâce et l’humilité.

Rien ne prédestinait ce banquier à la préservation environnementale, à la bioculture dans le respect de la nature, et pourtant il arrive avec un regard nouveau, innovant qui déchire les non-sens pour redonner sa valeur au sens, dans une époque qui court vers l’abondance superficielle laissant l’humain sur le bord du chemin.

Louis-Albert de Broglie redonne sa place à l’humain, qu’il arrache du mensonge des illusions de la société sauvage des marchés, pour en sortir le vrai, ralentissant le temps pour un regard en arrière salutaire vers les valeurs et le lien avec la terre et le ciel pour construire l’espoir d’un meilleur avenir.

Louis-Albert de Broglie est comme un ange investi d’une mission quasi divine, le visage apaisé rayonnant de bonté et d’humilité, avec cette noblesse d’âme héritée de ses ancêtres dont l’exemple même améliore notre regard sur le monde. Il est issu d’une illustre famille ; la maison de Broglie compte cinq académiciens, un ministre, un prix Nobel, trois maréchaux, un député et deux évêques.

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Cet aristocrate, fils de Jean de Broglie (qui a été l’un des signataires des accords d’Évian avec Krim Belkacem) et de Micheline Segard, a grandi à Paris où il a fait ses études, diplômé de l’école de l’ISG (Institut supérieur de gestion). Il travaille comme banquier de Paris à Londres par l’Inde et l’Amérique latine. Les projets foisonnent dans sa tête et n’arrête pas de se lancer de nouveaux défis.

Louis-Albert de Broglie se souvient des vacances au château familial de Broglie en Normandie. C’est sans doute là qu’est né cet amour de la terre et de la nature et de la volonté de les préserver dans le respect environnemental, militant écologiste, habile entrepreneur.

C’est en 1992, qu’il rachète le Château de La Bourdaisière, classé monument historique, situé en Touraine, au cœur des châteaux de la Loire, il en a fait un hôtel. Louis-Albert de Broglie s’est totalement investi, cœur et âme dans l’écologie, il crée une ferme, un vrai laboratoire d’expérimentation, il a commencé à collecter des graines de tomates pour les planter, et c’est en 1996 qu’il crée le Conservatoire national de la Tomate avec aujourd’hui 650 variétés de tomates cultivées. On le surnomme le prince jardinier.

Louis Albert de Broglie s’est intéressé à la biodiversité en créant dans le parc du château un jardin de plus de 300 variétés de Dahlias, sorti tout droit comme par magie des tableaux des impressionnistes, de Claude Monet, d’ Auguste Renoir, de Vincent Van Gogh, dans un jaillissement des couleurs émerveillant les sens, le cœur, les yeux et les cieux, dans un éveil quasi spirituel et un magnifique verger d’environ 80 arbres fruitiers qui forment une belle collection. 

Louis Albert de Broglie rachète en 2001 Deyrolle, une institution scientifique et pédagogique située au 46, rue du Bac à Paris qui existe depuis 1831, un temple de l’observation de la nature, et une référence dans le domaine de l’art.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes comme un personnage sorti d’un conte, on vous surnomme le prince jardinier, qui est Louis Albert de Broglie ?

Louis Albert de Broglie : Un peu des deux je suppose, mais heureux d’être avant tout un terrien avec le bagage d’un curieux. Rêveur certes, mais qui tente de comprendre ce qui est sous l’écorce, c’est-à-dire ce que représente l’extraordinaire richesse de la vie, qu’il nous faut apprendre pour mieux la préserver. Pour l’Avenir. Nous avons tant reçu du passé, nous avons tant à transmettre à nos enfants et nous sommes pleins de contradictions. Alors, je cherche l’équilibre dans ce triptyque que j’ai fait mien, Nature Art Education, comme un mantra, mais surtout comme un regard engagé sur la société et sa responsabilité qu’elle doit avoir pour les générations futures.

Le Matin d’Algérie : De la banque au jardin, pouvez-vous nous expliquer ? 

Louis Albert de Broglie : Tout est affaire de culture et donc de semer pour récolter. La banque m’a montré le chemin de l’entrepreneuriat, c’était il y a 33 ans. Puis je suis devenu mon propre guide. Le jardin, qui a été à ma naissance un terrain de jeu, me rassure sur le temps long, celui qu’il faut apprivoiser alors que le temps du ‘zapping’ est devenu monnaie commune. Le jardin nourrit et soigne, il émerveille, il nous apprend le partage, la frugalité, la résilience. 

Le Matin d’Algérie : En parcourant votre domaine on se rend vite compte que vous avez le regard du peintre, qu’en pensez-vous ?

Louis Albert de Broglie : Quel compliment vous me faites. La nature dans toutes ses compositions, de la matière inerte comme vivante, constitue les tableaux les plus merveilleux qui soient, puisse-t-on les observer. En vous parlant, je regarde au loin une colline plantée de pins parasols, et il me semble contempler le jardin de mousse du temple bouddhiste de Kyoto, Saiho-ji kokedera, je décortique dans ma mémoire ce qui m’émeut et je voyage de par le monde comme dans un tableau de la Renaissance.

Le Matin d’Algérie : Est-ce les souvenirs du château familial de votre enfance qui vous ont poussé à acquérir le Château de La Bourdaisière ?

Louis Albert de Broglie : Peut-être, je ne sais point. Les mystères de nos intuitions, ou de nos repères. Je suis le dépositaire d’un patrimoine et je me sens responsable d’en défendre d’autres, et donc de tenter de faire vivre dans le monde d’aujourd’hui ce qui a constitué la trace du monde d’hier. Cela veut dire être moderne et faire rentrer dans la modernité un monument historique.

Au cœur des châteaux de La Loire, le Château-Hôtel de La Bourdaisière est mon laboratoire autour des enjeux d’écologie environnementale et sociale. Ce sont des défis passionnants – et je l’espère inspirants pour les visiteurs – qui m’ont conduit à créer le Conservatoire de la Tomate, le Conservatoire du Dahlia, le Festival de la Forêt et du Bois, la micro ferme bientôt forêt jardin, les expositions (actuellement Deyrolle, Leçons d’Anatomie, son corps son premier capital), le parcours de l’Art et bientôt l’Ecole Nature Art Education par Deyrolle à destination de tous les publics pour préserver la biodiversité et apprendre la conduite du changement.

Le Matin d’Algérie : Vous paraissez infatigable, vous êtes si souriant et jovial, qu’est-ce qui vous anime ?

Louis Albert de Broglie : Comprendre comment nous préparer (nous et nos enfants) à vivre dans un monde de plus en plus agité. Le faire en cultivant ce qui est essentiel pour bien vivre : un jardin nourricier, une bonne santé physique et mentale, une éducation de l’essentiel qui se résumerait de manière triviale comme bien bouger, bien se nourrir, bien dans sa tête.

Le Matin d’Algérie : Face aux défis de cette époque folle de la surconsommation, d’une production industrielle qui détruit la terre et les hommes, l’écologie, la défense des écosystèmes, et la bioculture sont-elles des réponses ?

Louis Albert de Broglie :  Il n’y a pas qu’une réponse, mais des réponses pour une vision commune, prendre soin de la Terre, prendre soin des hommes.  Créer et recréer des écosystèmes de vie, bas carbone, fondés sur ce qui demeure fondamental pour vivre en bonne santé.

S’intéresser à l’extraordinaire diversité du vivant pour se sustenter, pour étudier l’orthographe, l’histoire, la géographie, les mathématiques, la chimie, la philosophie, les sciences naturelles…, pour grandir plus fort en observant les milieux et le vivant, comme autant de raisons de moins se préoccuper des travers de la consommation et des chimères que sont les excès de la démesure, de l’hybris.  

Le Matin d’Algérie : Parlez-nous du Conservatoire National de la tomate que vous avez créé ?

Louis Albert de Broglie :  Juste l’expression de la méconnaissance de ce dont nous avons hérité. Il y a 30 ans, pour beaucoup, la tomate était ronde, rouge et sans saveur. Aujourd’hui, notamment à travers les travaux du Conservatoire de la tomate, nous comprenons qu’il existe plus de 20.000 variétés anciennes, de toutes les couleurs, toutes les formes et de goûts bien différents. Les qualités organoleptiques de ce fruit sont immenses mais révèlent l’intérêt que nous devons porter à la diversité, source de découvertes dans de nombreux domaines.

Il y a tant à entreprendre dans tous les chapitres de la recherche quand on étudie les propriétés d’une espèce, d’une variété que ce conservatoire est juste un exemple qu’il faut continuer à cultiver ! au service de notre santé et de notre bien-être.

Le Matin d’Algérie : Un mot sur Deyrolle, cette extraordinaire institution scientifique et pédagogique

Louis Albert de Broglie : Un mot ne ferait pas gratitude à cette exceptionnelle maison au langage universel qui fut présente à travers les musées, les écoles dans plus de 120 pays entre 1840 et 1970. Deyrolle a fondé l’engagement scientifique, pédagogique et artistiques de très nombreuses personnes à travers le monde, notamment avec la création de matériel scientifique dédié à la faune, la flore, la chimie, la physique, le corps humain… Ses célèbres planches pédagogiques, qui voient le jour dès la fin du XIXe siècle pour orner les murs des écoles et universités, ont été traduites historiquement en espagnol, portugais, arabe, anglais. Deyrolle pérennise aujourd’hui cet engagement avec la création de collections naturalistes autant que d’œuvres artistiques. Je me suis employé depuis 2001 à retrouver l’ADN de cette institution et la faire rentrer dans le XXI° siècle à travers deux nouveaux métiers :

  • Créer un langage universel pour la préservation de la biodiversité et la conduite du changement par des outils comme les ouvrages, les nouvelles planches et les livrets pédagogiques, la conception d’expositions sur une écologie positive (l’exposition Dessine-moi ta planète qui croise le regard du Petit Prince et celui de Deyrolle et qui fera le tour du monde), les collaborations avec les entreprises engagées à partir de l’iconographie historique.
  • Créer les contenus pour la mise en place d’écosystèmes bas carbone : ce sont les projets d’aménagement de territoires que nous concevons pour les aménageurs, les villes, les entreprises (voir www.deyrolleterritoires.com) à travers une méthodologie fondée sur notre triptyques Nature Art Education, qui permettent une autre vision du territoire, transversale, plus résiliente, plus humaine, plus respectueuse du vivant.

Depuis 2001, Deyrolle a été partenaire de la COP21 pour l’éducation ; a retrouvé les chemins de l’école (kit pédagogique sur les enjeux environnementaux et sociétaux) ; a une convention cadre avec l’UNESCO pour la diffusion des sciences. C’est donc une institution puissante, moderne qui ambitionne de servir la cause de tous les projets au service d’un monde plus équilibré.

Le Matin d’Algérie : Que pensez-vous de cette citation de Charles Darwin : « L‘amour pour toutes les créatures vivantes est le plus noble attribut de l’homme » ?  

Louis Albert de Broglie : Charles Darwin a appareillé sur le Beagle en 1831, date de la naissance de la maison Deyrolle ! Je suis évidemment sensible aux mots de Charles Darwin et je déplore que nous fassions partie des créatures vivantes dérogeant quotidiennement à l’amour que nous devrions porter à autrui, que ce soit les hommes, les animaux, ou les plantes.  

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Louis Albert de Broglie :  Oui, ils sont nombreux, et espérons tous dans la même direction, donner du sens à la Vie et ce pour l’Avenir. À suivre sur les sites de Deyrolle et de Deyrolle Territoires.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Louis Albert de Broglie : Merci à vous de tant de bienveillance. Il y a tant à faire partout où il y a la Vie. Nous nous devons de construire des mondes plus respectueux de la Terre et des hommes. Le monde de demain, toujours plus connecté, plus rapide dans ses interactions, par la technologie, par le progrès doit se souvenir que l’excès de vitesse peut nuire à l’équilibre, que le vivant, sur lequel se sont érigées nos sociétés, est fragile, que notre condition l’est, contrairement au roseau qui plie et ne rompt point.

Entretien réalisé par Brahim Saci

https://deyrolle.com
https://leprincejardinier.fr

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