26 juillet 2024
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Rencontre avec l’écrivain et danseur, Abdelkader Habilès

Abdelkader Habilès
Crédit photo : Abdelkader Habilès

De la danse classique à l’écriture, Abdelkader Habilès a publié un roman en deux parties « L’envoyé de Bonaparte », une saga qui jongle entre l’histoire et la fiction et un livre de contes « Le chevalier du Hodna et Anzar le Dieu de la pluie ».

Dans son roman la fiction se mêle à la passion dans une volonté de saisir des pans de l’histoire commune de l’Algérie et la France.

C’est une écriture limpide, qui fascine, qui nous emporte vers l’Afrique du Nord, l’Algérie, qui étanche la soif identitaire de l’auteur, Abdelkader Habilès vogue vers ses origines algériennes berbères, pour un rapprochement entre les deux rives.

Le Matin d’Algérie : Avant de parler de vos publications, qui est, Abdelkader Habilès ?

Abdelkader Habilès : Il est difficile de me définir, car je suis boulimique. Je pense être moderne, amical, sensible à la beauté, mais aussi dur avec moi-même. Avec ce travail littéraire, il est finalement ressorti que le fil rouge de ma vie était le romantisme. J’ai en moi un amour absolu pour le ballet romantique et mes parents m’ont donné le nom d’une grande figure de l’indépendantisme algérien, mais aussi du romantisme, l’émir Abd-el-Kader. Le général Duvivier qui a combattu Abd-el-Kader disait de lui qu’il aurait pu être un héros d’un ouvrage de Lord Byron. Je suis un romantique moderne, un vêtement me résume le burnous, il est l’habit de prestige des amazighs et la cape du danseur classique.

Le Matin d’Algérie : On sent votre fascination pour les orientalistes et l’Émir Abdelkader, qui est un personnage assez controversé, dont Napoléon III voulait faire le roi des arabes, occultant la dimension berbère, qu’en pensez-vous ?

Abdelkader Habilès : Effectivement, je suis passionné par l’orientalisme qui pour moi précède le romantisme français. Cette école de peinture suit le principe de la vérité idéalisée, mon travail littéraire suit aussi ce chemin. J’aime le beau et j’emploie toute mon énergie pour écrire de belles histoires. Le choix des modèles, des chevaux et des paysages par les maîtres pour leurs tableaux sont pour moi des sources d’inspiration pour mes histoires.

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Je vais commencer par la question arabe. Le monde berbère comprend de nombreux peuples ayant une culture commune (arts, systèmes sociaux, artisanats), de plus, ces peuples vivent sur des territoires différents : sec ou arrosé ; plaine ou montagne.

Ces peuples vivent dans le tamazgha depuis le néolithique, la période glaciaire a donné à certains une pigmentation plus claire, d’autres sont restés basanés.

Le mode de vie des Berbères du Sud du Tell a évolué avec la désertification progressive de l’Afrique du Nord, ces gens qui sont souvent d’origine Zénète pratique la longue transhumance. Ils ont adopté un mode de vie qui ressemble à ceux des Bédouins.

Les Phéniciens ont inventé l’alphabet, ils l’ont transmis à tous les peuples. Pour l’Afrique du Nord, ils ont apporté en plus le commerce à grande échelle et une langue franche pour parler à tous les Berbères : le Punique. Avec cet apport, l’Afrique du Nord est devenue la plus grande puissance commerciale et militaire du monde, avec comme capitale Carthage et les royaumes alliés. De ce glorieux passé, est restée une langue sémitique, le maghrébi.

Lorsque les premiers missionnaires musulmans sont arrivés dans le tamazgha, ils ont considéré certains autochtones comme leur semblable, car ils leur ressemblaient et parlaient une langue proche de l’arabe. Ils voulaient surtout englober dans le monde musulman de nouveaux peuples.

L’émir Abdelkader était très érudit, il se considérait comme arabe, mais pour un monde spirituel. Avant de parler du royaume arabe, afin de connaître l’état d’esprit de l’émir, il faut rappeler qu’il avait mis en place un système politique en Algérie. Son état était basé sur l’alliance des Khalifats, ou duchés, qui compose l’Algérie. Chaque duché conservait son particularisme avec leur organisation propre. Son état avait été mis en place en 1836, mais ne comprenait pas toute l’Algérie. Lors de la Paix de Tafna, il avait proposé de le mettre en place sur tout le territoire de l’ancienne régence. Il aurait été constitué de huit Khalifats, un des huit aurait été celui de la Medjana qui correspond à l’ancienne petite Kabylie et au Hodna.

Quand napoléon III, lui a proposé de devenir roi. Il n’a pas accepté, car il avait décidé de ne se consacrer qu’à étudier, voyager et enseigner.

Ce royaume arabe n’existait pas, c’était le projet utopique de Napoléon III pour le Proche-Orient qui voyait s’effondrer l’empire turc. L’émir s’est installé à Damas et en tant qu’ami de la France et de l’Angleterre, sur place, il a contribué à l’émergence d’un projet politique réel avec la création des états modernes du Proche-Orient : la Syrie, le Liban, l’Irak et l’Egypte dans une autre mesure.

Pour moi, les mots berbères et arabes ne s’opposent pas. Il y a la civilisation amazighe et cette culture apparaît aussi dans l’univers arabe. Les Amazighs ont une longue et riche histoire, si cela nous emmène vers le haut et le beau, ils peuvent en prêter des morceaux.

Le Matin d’Algérie : De la danse à l’écriture, un parcours original, surprenant d’autant plus qu’il n’est pas courant qu’un garçon de surcroît issu de l’immigration fasse de la danse classique, pouvez-vous nous en parler ? 

Abdelkader Habilès : Effectivement, j’ai un parcours singulier. Mais je ne suis pas unique, il y a des grands danseurs d’origine algérienne, par exemple l’ancienne star de l’Opéra de Paris, Kader Belarbi.

Maintenant, il faut voir les gens issus de l’immigration algérienne comme des Français à part entière. Par exemple, certains Français d’origine algérienne aiment tout autant Aznavour qu’un autre Français, même d’origine arménienne. Pour un Parisien comme moi, la danse classique tient une place essentielle. Il faut rappeler à vos lecteurs que la danse classique a été inventé par le roi soleil. Et la danse peut rapidement devenir une évidence, à 17 ans, lorsque vous assistez à une représentation de Roméo et Juliette avec comme interprète Patrick Dupont et Monique Loudières. L’intensité de la frénésie du public de l’opéra lors de la représentation était immense.

Quant à l’écriture, j’ai pris ma plume pour rendre hommage à tous ces Nord-Africains venus travailler en France, ils sont captivants, je les aime. Ils sont une source d’inspiration, car ils ont du cœur, leurs regards brillent de mille feux. Ils peuvent être, beaux ou laids, généreux ou avares, fidèles ou fourbes, sensés ou crédules, érudits ou ignorants. Il y a peu de livres, même des fictions qui parlent d’eux.

Le Matin d’Algérie : L’envoyé de Bonaparte, votre roman en deux parties, parlez-nous de la genèse de ce roman ?

Abdelkader Habilès : Tout a commencé par mon désir de connaître l’histoire de la région de mes parents et plus largement de l’Afrique du Nord. Il faut rappeler à vos lecteurs que je suis moi-même un passionné d’histoire notamment le 19e siècle et la révolution française. Les gens qui m’entouraient ne connaissaient pas l’histoire de l’Algérie comme nous. Français nous connaissons l’histoire de France. Ma curiosité m’a poussé à acheter des livres, il y en a de nombreux sur l’histoire de l’Afrique du Nord. Ensuite, lors de repas de famille, j’ai partagé les informations que j’avais découvertes avec mes parents mes frères, mes sœurs, mes cousins.

Ils étaient vivement intéressés et souhaitaient en savoir plus, ils me demandaient d’écrire tout ça, car cela avait beaucoup d’importance. Alors, je me suis posé la question d’écrire quelque chose, n’étant pas historien, mais par contre ayant des capacités pour inventer des histoires, j’ai décidé d’écrire un roman d’aventures historique. Passionné par les histoires fantastiques, les romans d’aventures, les films de cape et d’épée, j’ai eu l’idée de transposer le thème du roman d’aventures historique sur l’histoire des Nord-Africains. Je souhaitais quelque chose d’assez global donc ce roman passe par différentes époques qui sont les périodes clé de l’histoire des Nord-Africains.

Écrire un premier livre est une démarche solitaire, car avant de pouvoir déclarer qu’on a écrit quelque chose, il faut que le projet soit pratiquement abouti. Et après dix ans de travail, j’ai pu publier ce roman en deux parties.

Le Matin d’Algérie : L’envoyé de Bonaparte, pourquoi ce titre ?

Abdelkader Habilès : Pour deux raisons, Bonaparte est pour moi la personne qui a le plus marqué l’histoire mondiale, car il a apporté les idéaux de la révolution française aux peuples d’Europe et du monde. Grâce à lui, la méritocratie a été adoptée par la majorité des pays modernes.

Plus personnellement, il a soulevé le voile qui couvrait la civilisation égyptienne et aussi, mais cela est moins connu, sur celle d’Al Andalous. Il a révélé au monde occidental le génie de la culture Nord-africaine.

L’envoyé est le nom d’un des personnages principaux de mon roman dans la tradition orale nord-africaine, l’envoyé est le Moqadem qui porte le message du cheikh, détenteur de l’esprit, dans ce cas de l’esprit de la révolution française.

Le Matin d’Algérie : Le chevalier du Hodna et Anzar le Dieu de la pluie, votre livre de contes est captivant, vous en avez fait un beau conte chorégraphique où vous dansez, la conteuse Chahrazade vous accompagne sur scène, parlez-nous de cette rencontre avec Chahrazade ?

Abdelkader Habilès : Charazade est une artiste accomplie, puisqu’en plus d’être comédienne, elle est aussi chanteuse dans différents répertoires notamment le jazz. Nous nous connaissons depuis très longtemps puisque c’est ma cousine. J’ai toujours voulu faire un projet artistique avec elle, l’occasion s’est présenté avec le conte chorégraphique le chevalier du Honda. Elle a développé plusieurs projets et n’est pas toujours disponible. Ce spectacle est aussi interprété par une autre comédienne Janine.

Janine est une comédienne très talentueuse que j’ai eu la chance de voir sur scène. Je lui ai proposé le rôle qu’elle a immédiatement accepté, elle a créé un personnage sur scène qui lui appartient. Elle joue le rôle d’une conteuse ambulante berbère qui va de village en village raconter des histoires, dans ce livre, elle raconte l’histoire du chevalier du Hodna. 

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en perspective ?

Abdelkader Habilès : Je continue à développer le spectacle, Le chevalier du Hodna et j’ai de nombreux contacts qui devraient aboutir normalement à des représentations à Aix-en-Provence, Marseille, Rennes et Paris. Je vais participer à des salons littéraires, ou j’ai l’énorme plaisir de parler de mes livres avec le public. Je serai les samedi 10 et dimanche 11 février à la mairie du 5e arrondissement, pour le Forum du livre franco-berbère de Paris.

Entretien réalisé par Brahim Saci

 

 

9 Commentaires

  1. un véritable plaisir que de lire cette interview, elle me replonge dans la lecture de l’envoyer de Bonapart , ou monsieur habiles nous expose son idée de l’algerianité , une vison à la qu’elle on ne peux qu’adhérer

  2. Un autre revisionisme arabetisant qui veut nous faire croire que la langue arabe est proche du punique et le tamazight est derive du punique. Rien de tout cela n’est vrai mais cela fait parti du omplot qui veut nous faire croire a nous les Imazighen que les colons Arabes etaient apres tout pas des colons mais des mecs qui sont venus nous rendfre visite et rester pour de bon dans la region, tout en ne jamais arreter de nous terroriser .. meme en 2023! Quelle ignomie historique et surtout farce dure a avaler! Mis a part Carthage, les Pheniciens n’ont rien cree ou introduit en Afrique du Nord mis part leurs bric a brac qu’ils vendaient dans les comptoirs commerciaux le long de la Mediterraneen. La langue Tamazight c’est le fin fond de l’Afrique du Nord, a deux mille km de la cote !! dites moi ou seraient les Pheniciens dans cette region .
    Ce sieur Habiles fait partie des nouveux revisonnistes historqiues qui veulent porter un dernier coup a la culture et langue Amaizigh. Franchement qu’ils nous foutent la paix car on n’as rien a pprendre de ces clowns qui se disent historiens.

    • Monsieur,
      Vos propos à mon égard sont faux, je ne rentrerais pas de vaine discussion avec vous, je laisse les lecteurs du Journal se faire leur propre opinion.
      Cordialement,
      Abdelkader Habilès

    • Je partage entièrement votre point de vue. Ces types, qui sont difficiles à cerner – eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils sont -, pour gagner leur vie en France sont capable, au nom de la beauté, mot très abusé outre mesure, de « mille et une nuit de mensonges » et n’hésitent très souvent pas à brasser large pour se faire inviter partout en mélangeant des antagonismes. Berbères, Arabes, Français… A titre d’exemple, les Arabes, l’arabe de quoi sont-ils la résultant? Non, bien sûr que d’aucune. Ils étaient là ou il sont actuellement, comme ils étaient apparus avec la formation de la planète terre.
      De grâce, arrêtez vos foutaises ! Occupez vous des « Bon lieux » parisien. Les temps des « Leila dit ça » et un poste au ministère… c’est révolu.

      • Monsieur,
        Vos propos à mon égard sont faux, je ne rentrerais pas de vaine discussion avec vous, je laisse les lecteurs du Journal se faire leur propre opinion.
        Cordialement,
        Abdelkader Habilès

        • Monsieur,
          je n’ai fait que me défendre en essayant de m’extraire de votre alliage fictif, que j’appellerai des « Chahrazaderies » pour ne pas dire autre chose. Je suis originaire de Kabylie ; aire géographique dont vous vous êtes accaparé, en la mêlant à votre héritage oral familial, mécaniquement très réduisant, pour finir, par extrapolation, au même titre que la région de provenance de vos parents ou de l’un d’eux (Hodna-Centrisme) dans de spectaculaires spectacles.
          Monsieur, je ne suis pas locuteur du « maghrebi », ni d’origine « machreki ». Je suis là où je suis depuis toujours, en Kabylie, avec ma langue, taqbaylit, ma culture taqbaylit, ma mère taqbaylit…

          Je ne me reconnais ni dans l’Orientalisme de Molière dans « Le Bourgeois gentilhomme  » ni celui introduit – pour des raisons lucratives – par Antoine Galland à travers ses traductions des Contes des Mille et Une Nuits ni d’ailleurs de celui, tardif, d’Edward Said.

          Encore une fois, de grâce, arrêtez vos Chahrazaderies ! Que « Kalila et Dimna » redeviennent ce qu’elles étaient : des Panchatanta.
          Vous n’allez quand même pas nous faire avaler des couleuvres vivantes de notre vivant.

          Bien à vous,
          Madame Amounen

        • Monsieur,
          je n’ai fait que me défendre en essayant de m’extraire de votre alliage fictif, que j’appellerai des « Chahrazaderies » pour ne pas dire autre chose. Je suis originaire de Kabylie ; aire géographique dont vous vous êtes accaparé, en la mêlant à votre héritage oral familial, mécaniquement très réduisant, pour finir, par extrapolation, au même titre que la région de provenance de vos parents ou de l’un d’eux (Hodna-Centrisme) dans de spectaculaires spectacles.
          Monsieur, je ne suis pas locuteur du « maghrebi », ni d’origine « machreki ». Je suis là où je suis depuis toujours, en Kabylie, avec ma langue, taqbaylit, ma culture taqbaylit, ma mère taqbaylit…

          Je ne me reconnais ni dans l’Orientalisme de Molière dans « Le Bourgeois gentilhomme  » ni celui introduit – pour des raisons lucratives – par Antoine Galland à travers ses traductions des Contes des Mille et Une Nuits ni d’ailleurs de celui, tardif, d’Edward Said.

          Encore une fois, de grâce, arrêtez vos Chahrazaderies ! Que « Kalila et Dimna » redeviennent ce qu’elles étaient : des Panchatanta.
          Vous n’allez quand même pas nous faire avaler des couleuvres vivantes de notre vivant.

          Bien à vous
          Madame Amounen

  3. Merci pour cette belle interview qui met en lumière un artiste complet, à la fois danseur, écrivain, scénographe, qui m’a permis de découvrir une facette de ma région d’origine, que je peinais à connaître faute d’informations fiables. Abdelkader Habilès nous offre un voyage aux confins de l’Algérie, et n’est pas avare en partage au vu de cette interview! Bravo et belle continuation!

  4. le mot tifinagh ( alphabet des anciens africains…) se traduit par: nous avons trouvé nous mêmes. Une étude comparant les alphabets punique et berbère n’ a révèle qu’ une seule lettre identique.

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