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Retour sur le mal de la langue ou l’autre forme de la dissonance cognitive

TRIBUNE

Retour sur le mal de la langue ou l’autre forme de la dissonance cognitive

Un renard affamé, voyant des grappes de raisin pendre à une treille, voulut les attraper; mais ne pouvant y parvenir, il s’éloigna en se disant à lui-même : « C’est du verjus. »» Ésope, Le Renard et les Raisins

Nous avons jusqu’à présent acquiescé l’idée galvaudée par l’écrivain algérien Kateb Yacine qui promeut la langue française comme un butin de la colonisation largement partagé par les francophiles. Toutefois sans entrer dans les sempiternels débats qui agitent la sphère de la francophonie, nous pensons qu’il est possible de considérer le français comme un simple outil de travail sans que le poids idéologique ne prenne le dessus sur l’utilité pratique de la langue dans ses différents usages.

Cela étant dit, il se trouve que parmi ces usages de la langue, Addi Lahouari propose de faire une distinction entre la légalité et la légitimité allant jusqu’au opposer les « propos d’une dame du hirak » aux « pratiques étatiques » des dirigeants algériens en s’arrogeant le droit de faire une distinction entre la légalité et l’illégitimité de l’élection du président désigné.

Or, indépendamment des subtilités de la langue française sur l’emploi des deux mots, le sociologue algérien méprise la langue d’expression du hirak.

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En effet, depuis le 12 décembre 2019, les manifestants ne cessent de répéter qu’Abdelmadjid Tebboune est « Gha’ir char’i » qui dans la langue parlée des Algériens veut dire qu’il est aussi bien illégal qu’illégitime. Vraisemblablement, la référence au Char'(droit) comme substantif découle du verbe chara’a (entreprendre, procéder,etc.) qui est lui-même, une connotation noologique arabo-islamique. En reprenant le plus commun des dictionnaires arabe-francais, les deux mots glosés sous la forme d’une administration professorale, ne sont pas définis autrement que par la ressemblance du sens commun.

Dès lors, Addi Lahouari préfère afficher son affiliation doctrinale pour parler de sa propre société. Au préalable, ce dernier aurait du se poser la question: pourquoi les Algériens n’ont pas employé l’expression « Gha’ir Qannouni » pour comprendre que le système politique algérien ne repose sur aucune légitimité. Tout au contraire et dans l’arbiraire, il emploie la loi comme il l’entend. A plusieurs reprises, on a constaté que lorsqu’il s’agissait d’appliquer l’article 102 de la constitution pour destituer le président Bouteflika, il en a fait autrement en prolongeant le 3ème mandat d’un homme malade qui était en l’état incapable d’exercer la fonction présidentielle.

Il en fut de même lorsqu’il fallait recourir aux articles 7 et 8, il a de nouveau foulé aux pieds la loi suprême de l’Etat en mettant en place toute une stratégie pour contourner la souveraineté du peuple qui est la principale revendication du hirak. En nous fondant sur l’étymologie, les adjectifs «  »légal renvoie à « ce qui est lié à la loi » alors que « légitime » renvoie quant à lui à ce qui est « fondé en droit ».

Ces définitions extraites d’un vieux dictionnaire français délimitent eu égard à l’histoire du droit français et son corrollaire romain,le champ d’une introspection de la juriprudence, lieu par excellence de l’invention juridique. Il en serait autrement du droit musulman régi par des règles canoniques (Char’) issues pour une grande part des quatre principales sources que sont : le Coran et les Hadiths , Al qiyas et l’Ijma.

Mis à part, les débats sur le droit musulman (chari’a) et la jurisprudence (Fiqh) qui alimentent la réflexion des intellectuels, nous regrettons que les juristes algériens ne se sentent pas concernés par ce type de problème de fond. En l’occurrence, le droit algérien est dit positif parce qu’il intègre toute une gamme de sources provenant de l’héritage colonial teinté d’un algérianisme édulcoré, et il hérite de pratiques juridiques coloniales léguant la langue d’expression aux Algériens.

En d’autres termes, pour viabiliser le contour du sens, il faut impérativement parvenir à fournir des arguments juridiques probants pour démontrer que dans leur usage linguistique les deux mots français sont utilisés différemment dans le contexte algérien. Or, il ne s’agit pas d’un problème de traduction mais l’interprétation proposée relève de la dissonance lorsqu’on arrive pas à percevoir dans les mots employés par le hirak, la réalité vraie du pouvoir qui ne respecte pas du tout la légalité. Il fait autrement que de piétiner la loi, il détourne même la légitimité populaire. Dans ces conditions « Ghai’r Char’i » est une complétude déclarative qui se suffit à elle-même pour donner un sens à la réalité politique algérienne.

 

Auteur
Fatah Hamitouche

 




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