L’année 2024 a été marquée par de profonds bouleversements géopolitiques et des conflits prolongés, redéfinissant les équilibres mondiaux. Des guerres ouvertes, des crises humanitaires et des recompositions politiques ont transformé les relations internationales, alimentant tensions et incertitudes.
Le conflit russo-ukrainien : une guerre d’usure prolongée
En 2024, le conflit russo-ukrainien s’est mué en une guerre d’usure prolongée. Les forces russes ont maintenu leur pression, tandis que Kiev, soutenue par ses alliés occidentaux, a opposé une résistance acharnée. Les pertes humaines et matérielles des deux camps ont été considérables. Moscou, appuyée par la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, a réussi à maintenir son arsenal militaire malgré les sanctions occidentales et les livraisons d’armes à l’Ukraine. Sur le front diplomatique, les négociations stagnent. Parallèlement, l’Ukraine a consolidé ses relations avec l’Union européenne et l’OTAN, bien que son intégration complète demeure un objectif de long terme.
Transition chaotique en Syrie après la chute d’Assad
Au Levant, la chute du régime de Bachar el-Assad a ouvert une période de transition chaotique en Syrie. Un pouvoir de fait, dominé par des factions sunnites rigoristes, tente de stabiliser la situation. Il doit composer avec des factions djihadistes majoritaires dans ses structures, tout en désamorçant les tensions entre les Turcs et les Kurdes du Rojava, sans céder aux revendications libérales des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Ce nouveau pouvoir doit maintenir son ancrage idéologique tout en rassurant les chrétiens et les secteurs laïcs de l’opinion syrienne afin d’éviter des fractures internes. En parallèle, il cherche à fédérer un front anti-iranien sans basculer dans un anti-chiisme radical, s’inspirant d’un nationalisme arabe réactualisé et foncièrement anti-perse. Cependant, la stabilité et la reconnaissance internationale de ce régime dépendent de sa capacité à conduire une transition crédible, condition essentielle pour obtenir la levée des sanctions internationales.
L’Iran et la Russie face à des pertes d’influence au Moyen-Orient
L’Iran a été évincé du théâtre syrien et affiche une hostilité marquée envers le nouveau pouvoir de Damas. De son côté, la Russie, préoccupée par la perte potentielle de ses bases stratégiques dans la région, cherche à compenser cette dégradation par un renforcement de sa présence militaire en Libye, afin de préserver sa flotte en Méditerranée. Au Liban, Israël a intensifié ses attaques contre le Hezbollah, décapitant son leadership et perturbant ses voies d’approvisionnement. Cette campagne militaire a laissé le pays dans un état de recomposition fragile, accentuant les divisions internes et exacerbant les tensions régionales.
Les Houthis et la menace sur la mer Rouge
Les Houthis, soutenus par l’Iran, ont continué à jouer un rôle central dans les affrontements régionaux, multipliant les attaques contre les forces saoudiennes, émiraties au Yémen et contre Israël. En étendant leurs opérations vers la mer Rouge, ils font peser une menace directe sur les routes maritimes stratégiques, vitales pour le commerce international. En représailles, ils subissent d’intenses bombardements aériens, devenant la cible principale d’une guerre régionale qui s’intensifie et complexifie davantage les efforts de médiation et de stabilisation.
Crise humanitaire à Gaza et répression en Cisjordanie
En parallèle, la bande de Gaza a connu une crise humanitaire sans précédent. Les offensives israéliennes, menées dans le cadre d’une guerre totale contre les Palestiniens, ont causé la mort de plus de 43 000 personnes, dont environ 14 000 enfants, et blessé plus de 100 000 Palestiniens. Les infrastructures essentielles ont été anéanties, exacerbant les pénuries alimentaires, médicales et en eau potable.
La Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant, ainsi que contre des dirigeants palestiniens, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, accentuant les tensions diplomatiques. Israël a également intensifié sa politique de colonisation en Cisjordanie, multipliant les implantations illégales et aggravant les tensions avec la population palestinienne. Ces expansions ont été accompagnées d’une répression accrue, compliquant davantage toute perspective de paix durable.
Les BRICS+ : vers un nouvel ordre multipolaire
En 2024, les BRICS ont connu une expansion stratégique, accueillant l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran pour former les BRICS+. Lors du sommet de Kazan, ces nouveaux membres ont réaffirmé l’objectif d’un ordre mondial multipolaire. Le bloc représente désormais près de la moitié de la population mondiale et 26 % du PIB mondial. Toutefois, les divergences internes demeurent un défi pour la coordination de leurs politiques.
Le déclin français en Afrique et la montée de nouveaux acteurs
L’influence française en Afrique a continué de reculer, notamment au Sahel. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont confirmé leur retrait de la CEDEAO, effectif en janvier 2025. Ce repositionnement ouvre la voie à des acteurs comme la Russie et la Chine, tout en fragilisant davantage la position de Paris sur le continent.
Montée des populismes en Europe : une menace pour l’Union
En Europe, 2024 a également été marquée par une montée significative des partis d’extrême droite. Des victoires électorales ont renforcé des gouvernements prônant des politiques nationalistes, anti-immigration et eurosceptiques. Cette dynamique a fragilisé la cohésion de l’Union européenne et soulevé des inquiétudes quant à la résurgence des tensions identitaires et aux atteintes potentielles aux droits fondamentaux. Des alliances transnationales entre partis populistes commencent à émerger, modifiant les rapports de force politiques au sein des institutions européennes.
La réélection de Donald Trump et ses conséquences mondiales
En novembre 2024, Donald Trump a été réélu président des États-Unis, ravivant les débats sur les relations transatlantiques. Les dirigeants européens cherchent à renforcer leur unité face à une Amérique potentiellement plus protectionniste et isolationniste. Trump pourrait réduire l’aide à l’Ukraine, imposer des droits de douane et privilégier des alliances avec des régimes autoritaires, transformant ainsi la politique étrangère américaine.
Le projet 2025 : vers un renforcement du trumpisme
Sur le plan intérieur, le projet 2025, soutenu par des cercles conservateurs, vise à institutionnaliser le trumpisme. Il prévoit la réduction du rôle des agences fédérales, un durcissement des politiques migratoires et une réindustrialisation centrée sur les hydrocarbures. Ces réformes, en limitant les libertés civiles et en renforçant l’autorité présidentielle, risquent d’avoir des répercussions profondes aux États-Unis et à l’international.
Conclusion : des recompositions géopolitiques majeures
En somme, 2024 a été une année de recompositions géopolitiques majeures et d’incertitudes croissantes. La perspective de 2025 s’annonce décisive pour l’équilibre des forces mondiales, avec des enjeux cruciaux pour la stabilité internationale et les rapports de puissance.
Mohand Bakir