“Nous sommes au futur. Voici demain qui règne aujourd’hui sur la terre.”
René Char
La science-fiction est à la mode ces derniers temps, même si la pandémie mondiale du Covid 19 est une réalité que nous touchons du doigt. L’appel à la sagesse pour les fêtes de fin d’année lancé par le gouvernement français pour garder en mémoire les gestes qui sauvent sont une autre réalité.
Qui aurait cru à un scénario pareil il y a à peine deux ans : n’inviter pour ces cérémonies que la famille la plus proche, ne pas embrasser ses propres enfants, mettre une distance entre les participants ― un roman d’anticipation de mauvais goût.
Projetons-nous dans le futur et faufilons-nous vers l’horizon du nouvel an de l’année 2037. Nous voilà dans les préparatifs de la fête. Nous nous apprêtons à recevoir notre propre famille.
Tout en sachant que tout le monde est sur place. Votre fils occupe le canapé du salon depuis belle lurette à cause de la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif qui dirigeait la France au début de l’année 2022. Il n’a pas droit à un centime s’il n’a pas travaillé pendant cinq années consécutives. Votre sœur, votre beau-frère et leurs enfants s’entassent à quatre dans la chambre d’amis.
Vos parents dorment sur un matelas posé à même le sol dans un coin du salon du fait qu’ils ne peuvent plus vivre décemment avec leur maigre retraite. Quant à leurs maux de personnes âgées, personne ne peut plus les soulager parce que l’équipe du président Macron, il y a déjà longtemps, a vidé les hôpitaux du personnel soignant.
Il faut se souvenir qu’en 2023, la Première ministre d’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, a pondu une circulaire qui mettait au rebut la moitié des lits de tous les hôpitaux de France et de Navarre pour diminuer la pression sur les dépenses de la Sécurité Sociale. Votre autre frère est également présent, même s’il compte repartir chez lui à la fin de la soirée.
Le feu d’artifice n’est bien évidemment plus programmé depuis belle lurette. Seulement, il est grincheux et acariâtre ce soir. Et pour cause, le ministre de la Transition écologique chargé du Réchauffement climatique, le Vert et pas mûr Yannick Jadot, lui a envoyé une missive pleine de ressentiment qui lui précise que faute d’acheter une voiture électrique au 1er janvier 2038, la vieille Peugeot 3008 de l’année 2022 lui sera confisquée et mise à la casse. L’eau pétillante et les endives qui encombrent la table sont loin de lui donner le sourire. Il faut dire que le ministre de l’Agriculture et du Véganisme, le Khmer vert Julien Bayou, a interdit désormais la consommation de la viande.
Et le pire, c’est qu’à minuit tapante, il n’y aura pas de possibilité de se souhaiter bonne et heureuse année sauf si les familles ont accumulé un stock conséquent de bougies : nous ne pourrons allumer ni les lampes ni regarder la télévision.
La ministre de l’Énergie renouvelable et du retour aux bonnes habitudes d’antan, Anne Hidalgo, ancienne maire de la capitale, a banni les centrales nucléaires. Les éoliennes installées sur les toits de Paris et des villes de banlieue ne suffisent plus à alimenter les foyers de l’Ile de France.
Comme nous n’arrivons plus à financer l’achat du gaz russe et du pétrole saoudien, nous importons par trains entiers le charbon allemand et celui de la Pologne. Ce qui nous donne une augmentation de notre empreinte carbone multipliée par dix. En outre, nous sommes heureux de vous indiquer que nous avons enfin réussi à éradiquer la pandémie du Covid 19 avec la 64e dose de vaccin.
Bonne et heureuse année !
Kamel Bencheikh, écrivain