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Risques majeurs et prévention mineure

Un Printemps exceptionnellement pluvieux en Algérie

Risques majeurs et prévention mineure

Les intempéries – des pluies saisonnières, en fait- ont encore fait leurs victimes la semaine passée à Tiaret et El Bayadh. C’est devenu presque un « rite », non propitiatoire, que de simples pluies tuent des personnes, emportent des véhicules, détruisent des ponts, obstruent des routes, envahissent des maisons et inondent les trottoirs et les places publiques.

L’Algérie n’a pas connu un tel printemps depuis bien longtemps. La règle générale veut que, comme le dit la première phrase du « Sommeil du juste » de Mouloud Mammeri, « le printemps, chez nous, ne dure pas. Au sortir des jours froids de l’hiver où il a venté rageusement sur les tuiles, où la neige a fait se terrer les hommes et les bêtes, quand le tiède printemps revient, il a à peine le temps de barbouiller de vert les champs que déjà le soleil fait se faner les fleurs, puis jaunir les moissons ».

Cette règle générale vient d’être enfreinte par un mois de mars et un mois d’avril qui nous replacent dans une histoire climatique presque oubliée. Néanmoins, il faut rappeler ici qu’une telle générosité du ciel est arrivée après trois années de sécheresse qui a fait descendre le barrage de Taksebt, à Tizi Ouzou, à son plus bas niveau historique, faisant apparaître, dans son fond, de vieilles constructions englouties depuis la mise en eau de cet ouvrage en 2007. La hantise d’une année sèche, dont nous faisions état l’été dernier (voir La gouvernance de l’eau à vau-l’eau) est donc vaincue par un printemps généreux, allant jusqu’à offrir aux reliefs du nord d’Algérie de la neige à la fin du mois de mars.

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L’hiver a empiété sur la saison printanière

L‘hiver se signala ainsi par un retard bienfaiteur, alors que l’équinoxe de printemps avait déjà coché, le 20 mars, sa case dans le calendrier. Plusieurs zones de la Kabylie et des autres massifs de nord du pays eurent à vivre des inondations que l’on n’a pas connues depuis au moins trois ans. Ceci, dans les parties de la plaine- Nouvelle ville de Tizi Ouzou, vallée de la Soummam-, tandis que sur les sommets des collines et des montagnes, la neige ferma plusieurs routes (Aïn El Hammam, Bouzeguène, Aghbalou, Benchicao,…). Autre conséquence immédiate de ces précipitations printanières, les éboulements qui se sont produits sur certains tronçons routiers, faisant que des talus se son affaissés et firent couler leur lave terreuse sur la chaussée de la route, en l’obstruant ou, à tout le moins, en réduisant son emprise. Un tel phénomène fait venir immédiatement à l’esprit de beaucoup de personnes, qui ont aujourd’hui plus de cinquante ans d’âge, le souvenir des éboulements historiques de 1974 qui affectèrent les zones de montagnes de l’Algérie du Nord en pareille période. C’était un mois de mars, pendant les vacances de Pâques. La pluie, tombant en hallebardes du ciel, ne s’est pas arrêtée pendant plus d’une semaine. Toute la haute Kabylie est fermée pendant plusieurs semaines, ses routes étant bloquées par des amas de boue qui rappellent celles qui, en novembre 2001, dévalèrent le Frais-Vallon à Bab El Oued, en fonçant sur le marché du Triolet.

Outre les inondations et les éboulements, en ces mois de mars-avril, ce qui a été redouté et craint par les arboriculteurs et les maraichers des zones rurales touchées par les neiges tardives, n’est heureusement pas advenu. Ce sont les gelées tardives. Il aurait suffi d’une nuit dégagée, bien étoilée, pour que la masse neigeuse, agrippée aux feuilles et fleurs des arbres fruitiers ou autres plantes, se transforme en une enveloppe vitreuse, à même de congeler les réserves aqueuses des différents organes végétaux. Lorsque ces derniers éclatent se vident de leur contenu liquide sous l’effet des températures négatives, ce serait la catastrophe pour les cultures, particulièrement pour la production fruitière, dès le matin, de leur stock d’eau. De ce côté, la nature a été plutôt généreuse, voire, magnanime, en étalant sa bénédiction hydrique sans « anicroche » ni aucun prix quelconque à payer, au moment le plus crucial et le plus propice pour la croissance et l’épanouissement des végétaux.

La géologie, parent pauvre des sciences naturelles

La radio régionale de Tizi Ouzou a choisi, le mois de mars dernier, ces moments de perturbations atmosphériques pour organiser une émission, très riche, sur les risques naturels, et principalement les inondations et les éboulements. Et ce fut l’occasion pour un professeur de géologie de l’Université Mouloud Mammeri de dire tout ce que nous ratons en déconsidérant la géologie dans l’enseignement général et à l’Université. Au lycée, cette matière est devenue une « sous-matière » ou un simple appendice des sciences naturelles, à laquelle sont réservées quelques feuilles dans les manuels scolaires et quelques heures de cours. Il n’y a plus de labo de géologie, de collections de roches et de minéraux, de sorties sur le terrain où sont censées être combinées la géologie, la botanique et la zoologie. Le professeur déplore que les étudiants de spécialité n’aient plus l’occasion de se rendre sur le terrain. L’on se souvient des années 70 du siècle dernier, où les cortèges d’étudiants passaient plusieurs jours sur le mont du Rocher de sel à Djelfa et dans les crevasses et pics des monts de Boussâada, afin d’y creuser des profils, étudier les couches stratigraphiques et les effets de la dynamique de la terre (failles, plis,…).

L’invité de la radio a fait la relation entre les faiblesses actuelles de l’enseignement de la géologie avec les errements de la gestion urbanistique et d’aménagement du territoire, faisant que les données géotechniques et sismiques sont rarement prises en compte par les gestionnaires locaux, les élus et les bureaux d’études. L’exemple le plus éloquent semble être la ville d’Azazga, dans la wilaya de Tizi Ouzou, qui souffre de glissements de terrains depuis plusieurs années. Sur le lieu-dit Taddart (sortie nord vers Yakourène), les anciennes fissures continuent à se développer et à menacer un peu plus chaque jour les habitations. La chaussée même de la route a été déformée. L’enseignant de géologie a aussi cité le cas des bâtiments de Aïn El Hammam construits sur un terrain…inconstructible, et qui chancellent aujourd’hui sur un terrain qui semble fuyant.

Vivre avec les risques naturels- météorologiques, géologiques-, les risques industriels et les risques domestiques, est, à l’évidence, la nouvelle fatalité qu’il importe de domestiquer. S’adapter à la nouvelle donne, c’est assurément prendre en compte tous les éléments du puzzle: prévention, vulgarisation agricole contre les effets du climat, instauration des règles scientifiques d’urbanisme, avec élaboration de la carte des risques (zones inondables, zones fragiles ou de failles sismiques,…), réhabilitation de la spécialité géologie à l’université et implication des médias dans le travail de sensibilisation, comme cela été le cas, et avec brio, dans l’émission citée de la radio de Tizi Ouzou.

Auteur
Amar Naït Messaoud

 




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