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Sansalomania : une querelle qui n’a grandi personne

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Il y a dans cette affaire Sansal quelque chose d’étrangement familier : une querelle qui enfle, deux camps qui s’excitent, et au milieu un écrivain qui disparaît derrière son propre nom.

Depuis un an, la scène médiatique française rejoue la même pièce, comme si elle n’avait pas d’autre décor. Le Point n’est pas seul : une bonne partie de la presse parisienne, des matinales aux plateaux d’info en continu, s’est lancée dans une croisade qui tenait plus du réflexe pavlovien que d’une véritable défense de la littérature. On a présenté Sansal comme un symbole blessé, un martyr de la liberté, un étendard à redresser.

Le problème, c’est que personne n’a gagné cette guerre. Surtout pas le débat.

Quand on prend un peu de recul, quand on se place à la distance d’un passant qui regarde deux hommes s’empoigner sur un trottoir, on voit surtout le grotesque de la scène. Les sansalophiles crient à la liberté muselée, les sansalophobes hurlent à la trahison nationale, et chacun se convainc que son indignation est un acte politique. En vérité, ce sont deux réflexes jumeaux : la sacralisation d’un côté, la diabolisation de l’autre. Deux postures qui s’annulent, qui empêchent de penser, et qui transforment un écrivain – avec ses fulgurances, ses maladresses, ses excès – en simple prétexte.

Pendant un an, les médias français ont frappé fort, mais à côté. À force de vouloir fabriquer un héros, ils ont créé un punching-ball. À force de défendre la liberté d’expression, ils ont écrasé la complexité sous des mots trop grands. À force de chercher une victoire symbolique, ils ont perdu le sens même de la nuance. De l’autre côté de la Méditerranée, la riposte n’a pas été plus subtile : posture de fermeté, crispation patriotique, réponses sèches. Le tout pour aboutir, finalement, à une grâce discrète, glissée dans un couloir comme si l’on voulait réparer une maladresse en espérant que personne ne le remarque.

Tout cela pour ça.

Un an de bruit, de tribunes, de débats sans épaisseur, pour revenir exactement au point de départ. Sansal n’a pas changé. L’Algérie n’a pas changé. La France non plus. Seules les postures se sont épuisées. La vérité, c’est que cette Sansalomania ne dit presque rien de Boualem Sansal.

Elle dit tout de nous.

Elle dit notre incapacité à discuter sans nous enflammer, notre besoin compulsif de héros ou d’ennemis, et notre vertige devant la complexité. Elle dit une France médiatique qui transforme tout écrivain algérien un peu libre en trophée commode pour se rassurer sur sa propre vertu, encouragée par un ex-ministre de l’Intérieur qui a cru voir dans l’affaire Sansal l’occasion de rejouer la grande bataille morale qu’il n’avait jamais vraiment gagnée.

Et elle dit aussi l’autre réalité, plus gênante : une Algérie politique qui, au lieu d’ignorer un écrivain ouvertement critique envers le pays – ce qui aurait été la réaction la plus intelligente – a choisi la pire option, celle qui coûte cher et ne rapporte rien, en l’emprisonnant quelques mois comme on veut donner une leçon qu’on ne sait pas formuler. Un réflexe défensif, inutile, presque puéril, qui a surtout montré à quel point le pouvoir peut encore se piéger lui-même.

Elle dit enfin notre difficulté collective, de part et d’autre, à écouter ce qui dérange sans immédiatement brandir un drapeau, sans confondre critique et menace, ni désaccord et trahison.

Ce qui reste, quand la poussière retombe, c’est un sentiment de vacuité. Une querelle bruyante qui n’a grandi personne. Une bagarre de trottoir où ceux qui frappaient fort ne savaient plus très bien pourquoi. Et peut-être qu’il est temps – vraiment temps – de laisser tomber les poses, de ranger les armures, et de relire l’écrivain pour ce qu’il est : un auteur. Ni prophète. Ni paria. Simplement un écrivain qui écrit, qui se trompe parfois, qui éclaire parfois, mais qui mérite d’être lu autrement qu’au travers du vacarme de ses supporters et de ses ennemis.

Tout le reste n’était que bruit. Un bruit inutile, qui masquait le silence essentiel : celui de la littérature qu’on n’a presque pas entendue.

Zaim Gharnati

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1 COMMENTAIRE

  1. Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiih! Tebegririri ! Tebegriri!

    Et voilà Monsieur Propre dans sa petite voiture-balai, apparaissant toujours trop tard, toujours trop propre, toujours trop prudent, pour déclarer avec componction que les gladiateurs ont eu tort de se battre. Un héros du rétroviseur. Un Spartacus du lendemain matin. Un Janus sans face risquée.

    Iben moua, Môôôssieur le donneur de leçons, j’ai lu tous les romans de Sansal (sauf le dernier — à un moment, il faut savoir préserver son pancréas). J’en ai apprécié quelques-uns, oui, mais rien dans le reste ne justifie les sucreries que lui distribuent certains comme des dragées à un mariage de province. Je ne suis ni sansalophile, ni sansalophobe, ni Sansalmaniaque, ni atteint de Sansalopathie aiguë. Je suis vacciné.

    Pendant que tout ce petit monde se déchirait dans l’arène, pendant que les coups pleuvaient et que les arguments volaient plus bas que des moineaux bourrés, vous, Monsieur Propre, étiez où ?
    Je vais vous le dire : dans les gradins, un soda tiède à la main, à compter les points, à prendre des notes, à vérifier l’heure, en espérant secrètement que personne ne vous remarquerait. Pas un mot, pas un geste. Vous faisiez le mort plus longtemps que Sansal dans ses silences calculés.
    Puis – miracle ! – quand le combat est fini, quand les combattants sont sortis, quand le sang est lavé, quand les caméras sont éteintes, vous descendez enfin, avec l’assurance d’un huissier qui vient certifier que le chaos a bien eu lieu.
    Et vous nous expliquez doctement que « tout cela n’a servi à rien ».
    Quelle bravoure. Quelle posture.
    Vous êtes entré dans l’arène au moment précis où il n’y avait plus rien à risquer.
    La témérité à l’état pur : celle du type qui traverse l’autoroute quand elle est vide.
    Et maintenant que vous êtes sûr de n’attraper aucune balle perdue, vous venez distribuer des bons points, des blâmes, des « vous auriez dû… », tout en sachant très bien que votre silence d’hier vous protège de tout reproche. Vous appelez cela de la nuance ; moi, j’appelle ça de l’hygiène personnelle : on ne touche pas à ce qui tâche.

    Vous semblez oublier — ou vous faites semblant — que toute cette affaire n’a jamais concerné la littérature.
    Beaucoup de ceux qui ont crié au génie ou à la trahison n’ont jamais ouvert un de ses livres.
    Cette polémique ne vient pas de son imaginaire romanesque, mais de ce qu’IL a dit à la radio “Frontières”.
    C’est ça, le nœud.
    C’est là que tout a basculé.
    Pas dans une page, mais dans un micro.
    Sansal n’a jamais été inquiété pour ses romans. S’il se croyait menacé à cause de sa littérature, IL ne serait jamais rentré au pays. La polémique, la vraie, la seule, c’est ce qu’IL a choisi de dire, comment IL l’a dit, et à qui cela profitait.
    Son incarcération ? Une erreur, oui. Et j’ai été soulagé de sa libération.
    Mais, permettez-moi : son flirt appuyé avec l’extrême droite, ses œillades complices à ceux qui considèrent l’Algérien comme une sous-espèce folklorique, ça, je ne suis pas prêt à le polir sous prétexte de nuance.
    Il s’est offert, de son plein gré, comme porte-voix pour des milieux qui n’attendaient qu’un “initié” pour valider leurs fantasmes rances.
    On ne joue pas avec ce feu-là sans se brûler. On ne danse pas avec ce loup-là sans finir trophée.

    C’est là ma position : ni dans la littérature brandie comme talisman, ni dans l’emballement moutonnier, mais dans la critique franche d’une compromission ouverte, assumée, presque revendiquée. Et vous, Monsieur Propre, toujours en retrait, toujours immaculé, vous continuez de passer votre balai comme si votre absence de courage tenait lieu de clairvoyance. La scène est propre, dites-vous ? Évidemment : les autres se sont salis pendant que vous regardiez, pendant que vous comptiez les éclaboussures sur votre costume repassé.

    Alors maintenant, chochotte, tirez-vous : le combat, le vrai, celui qui demande de la peau et du nerf, n’est pas fini.

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