La mémoire des hommes devient de plus en plus réduite à un coup de pouce sur la télécommande.
C’est tout à fait incroyable combien l’actualité vive et abondante couvre très souvent de son bruit des événements de basse résonance qui ont pourtant une dimension gigantesque dans l’histoire humaine comme dans celle de la planète qui est son berceau.
L’évènement a certes été rapporté et commenté mais comme un souffle de fond à peine perceptible dans le brouhaha du moment, une image furtive qui s’est aussitôt évaporée dans le tumulte médiatique.
Pourtant le nom de Santorin est évocateur de l’une des cicatrices terrestres les plus profondes. Si la terre a connu un nombre incalculable de désastres allant jusqu’à mettre en danger la vie sur terre, il en est de rares qui sont restés dans la mémoire collective de l’humanité.
D’une manière très subjective j’en choisirai quatre qui peuvent parfaitement illustrer ma chronique car ces événements peuvent être catégorisés par leur gradation de répercussion.
Tout d’abord celui qui n’a pas affecté le vivant sur terre car il n’existait pas mais en a laissé une trace visible, la lune. La théorie d’une collision avec un énorme astéroïde semble définitivement confirmer la réalité d’un arrachement de fragment.
Puis un autre évènement qui va, celui-ci, toucher le vivant en rasant de la surface de la terre les dinosaures. Là également, il s’agit d’un choc titanesque entre un astéroïde et la terre qui en a été la cause.
Le troisième dans le temps est la catastrophe qui a causé une déflagration qui a touché l’humanité d’une manière si forte qu’elle en a causé l’élimination de la grande civilisation minoenne. C’est justement celle de l’archipel de Santorin. Nous y reviendrons après avoir rappelé rapidement un autre événement cataclysmique, celui de Pompéi, qui a éliminé en quelques heures toute une ville et sa population.
Nous voyons bien qu’en considération de la vie humaine, Santorin est de très loin le cataclysme qui l’a menacée dans son existence.
Et voilà où je voulais en venir, les tremblements de terre à Santorin ont été si menaçants avec le nombre de répliques et le niveau d’intensité que toute la population fut poussée à fuir par les autorités locales. Tout a commencé ce 26 janvier 2024 où plus de 7 700 tremblements de terre ont été enregistrés depuis. L’archipel de Santorin est l’une des îles des Cyclades en Grèce, dans la mer Égée.
Ce n’est pas la première fois qu’une cicatrice terrestre se réveille au même endroit puisque la cause y est toujours présente. Mais je l’ai déjà dit, mon étonnement est que dans l’actualité ce rappel est passé presque inaperçu pour l’une des plus grandes dans l’histoire.
Le rappeler aurait été un acte symbolique et pédagogique pour raviver la conscience sur la fragilité de la terre et de la vie humaine. Cette fois-ci non pas par les activités de l’homme comme le changement climatique mais par les cicatrices d’une terre dont on oublie qu’elle est, elle-aussi, une réalité vivante.
L’énorme caldera représente cette cicatrice dont on devine les contours puis que c’est une dépression formée par l’effondrement de la partie supérieure du cône d’un volcan à la suite d’éruptions intenses et rapides nous dit sa définition.
Si les calderas existent dans de nombreux endroits sur la terre celle de Santorin est incontestablement la plus propice à marquer les consciences. Déjà par l’importance de ses conséquences mais aussi par deux autres raisons. C’est une caldera qui s’enfonce dans la mer avec la visibilité d’une forme arrondi (devinée par la forme géologique de l’environnement) qui la rend encore plus mystérieuse et inquiétante.
Mais aussi parce que la période de la déflagration, celle de la Grèce antique, fut très créatrice de mythes, ce que nous savons tous. Des légendes fantastiques y ont été mêlées. Son nom vient du roi légendaire de Crète Minos, qui enferma le minotaure dans un labyrinthe. L’engloutissement de la civilisation minoenne était le bienvenu pour en rajouter.
Mais il en est une qui va alimenter un fantasme jamais disparu, celui de l’Atlantide. La terre mythique disparue sous l’eau qui aurait abrité une civilisation brillante. Nous voyons bien le rapport indirect avec l’engloutissement de Santorin. Ce n’est pas seulement Hollywood qui s’est emparé de cette légende mais aussi de nombreuses recherches scientifiques.
Voilà mon regret sur le silence relatif d’un tel évènement. L’actualité n’a porté que sur les images de l’évacuation alors que l’instant était propice d’un rappel historique, symbolique et surtout pédagogique. Et ce n’est pas rien !
Sid Lakhdar Boumediene
