Trois jours après le pire séisme à avoir frappé la Turquie depuis des décennies, Hakan Tanriverdi a un message très simple pour le président Recep Tayyip Erdogan: « Ne viens pas ici quémander des voix. »
L’enfer sur terre. Plus de 21 000 cadavres ont été sortis des décombres en quatre jours, en comptant ceux de la Syrie voisine. La catastrophe survient à un moment décisif pour le chef de l’Etat turc, qui compte bien se maintenir au pouvoir.
Premier ministre de 2003 à 2014, président depuis lors, l’inamovible Erdogan a confirmé fin janvier la tenue le 14 mai d’élections présidentielle et législatives.
Cette date rapprochée donne peu de temps à l’opposition pour désigner son candidat commun.
La possibilité de tenir ces scrutins après pareil sinistre relève toutefois de l’hypothèse.
L’état d’urgence a été proclamé pour trois mois dans les dix provinces touchées. Les autorités estiment que 13,5 millions de Turcs ont été directement impactés par le séisme de lundi, d’une magnitude de 7,8.
Les habitants continuent de rechercher des survivants sous les décombres – mais n’en retirent le plus souvent que des cadavres. Pour les rescapés, reste la rue glaciale. Ou pour les plus chanceux, leur voiture.
Pour le président turc, le moment semblait propice. En chute dans les sondages l’an passé du fait de la crise économique et une inflation à plus de 85%, il voyait sa popularité remonter peu à peu.
Mais l’absence de gestion du séisme les premiers jours par le gouvernement risque d’inverser la tendance.
« Nous sommes profondément blessés que personne ne nous ait soutenus », peste Hakan Tanriverdi.
A Adiyaman, capitale de la province éponyme où il vit, M. Erdogan l’avait facilement emporté en 2018. Mais cinq ans plus tard, les habitants dénoncent la lenteur des secours et le manque d’équipement pour leur venir en aide.
« Je n’ai vu personne avant 14H00 le deuxième jour du séisme », soit 34 heures après la première secousse, tonne Mehmet Yildirim. « Pas d’Etat, pas de police, pas de soldats. Honte à vous! Vous nous avez laissés livrés à nous-mêmes ».
«Un péché»
Le chef de l’Etat a reconnu mercredi des « lacunes » dans la réponse gouvernementale. Mais il cherche à reprendre la main. Mardi, il a participé à une réunion des secours à Ankara, avant de passer les deux jours suivants dans des zones ravagées. Sans toutefois s’arrêter à Adiyaman.
« Pourquoi l’État ne se montre-t-il pas un jour comme celui-ci ? Où sont les fondations de la République de Turquie ? », vitupère Hediye Kalkan, un volontaire. « Les gens sortent les corps de leurs proches par leurs propres moyens ».
L’espoir de retrouver des survivants s’amenuise
L’espoir de trouver encore des survivants s’amenuisait vendredi en Turquie et en Syrie, quelque 100 heures après le violent séisme qui a tué plus de 21 700 personnes dans l’une des pires catastrophes survenues dans la région depuis un siècle.
Un premier convoi d’aide composé de six camions a pu entrer jeudi dans les zones rebelles du nord-ouest de la Syrie depuis la Turquie par le poste-frontière de Bab al-Hawa, a constaté un correspondant de l’AFP.
Le convoi, composé de six camions transportant couvertures, matelas, tentes, matériel de secours et lampes solaires devrait couvrir les besoins d’au moins 5.000 personnes, selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).
L’organisation des Casques Blancs, des secouristes qui opèrent en zones rebelles syriennes, a cependant fait part de sa « déception », estimant que cette aide était « routinière » et non spécifique à la recherche de survivants sous les décombres.
Avec AFP