4 novembre 2024
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Seule souveraine, la rue et le hirak

REGARD

Seule souveraine, la rue et le hirak

«La politique ne se résume pas au choix d’un candidat aux élections, c’est une manière de vivre », disait le cinéaste franco-grec Constantin Costa Gavras.

C’est le message que voulait transmettre la révolte du sourire lors de son trente unième vendredi aux tenants du pouvoir réel qui s’entête à s’accrocher à une élection-bidon. Par sa formidable mobilisation qui est à son septième mois et qui constitue par excellence un haut acte politique, le peuple engagé dans ce combat citoyen pacifique désire, en effet, changer sa manière de vivre en dehors de la vision obsolète que lui impose le régime honni depuis 57 ans.

Le peuple a raison de chercher à tracer son vrai chemin pour bien et mieux vivre. Car la vie de misère multiforme qu’une minorité de nantis lui a imposée sans perspective du bien-être ni du vivre ensemble, devient infernale et insupportable. Et l’aspiration au changement est de fait une revendication légitime. « L’essentiel n’est pas de vivre, mais de bien vivre », écrivait Platon.     

La rue qui se mobilise davantage avec force et détermination, sait que l’urne n’a jamais été transparente et l’élection n’a jamais constituée une solution pour démocratiser la gouvernance. Pervertis par les fraudes massives, tous les  processus électoraux organisés par le régime usurpateur, ont toujours profité à son recyclage à chaque fois qu’il a agonisé. Ça a été toujours son moyen de survie. De maintien. Les manifestants le savent et le clament haut et fort à travers des slogans hostiles à ce que ces résidus réunis en clan de gagnants soient mêlés de près ou de loin à toute opération de vote déterminante. « Il ne peut y avoir d’élections organisées par les bandes», crient-ils à tue-tête.

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Ainsi loin de concrétiser la volonté populaire, le vote avec ces bandes insatiables au ventre gravide, a toujours été détourné pour favoriser le caprice des maîtres illégitimement aux commandes du pays et ce, au détriment de l’intérêt national. Le choix libre, le peuple n’a jamais connu. Une poignée de malfrats en usurpateurs de fonction a, par ruse, subterfuge et mascarade électorale, toujours dicté la voie déloyale à suivre, le mode absurde  par lequel le pays doit fonctionner, la manière la plus mauvaise et sauvage pour bâillonner les voix et museler la liberté. 

La rue a  toujours su qu’il s’agit d’une duperie inqualifiable, d’une arnaque caractérisée et d’une illusion aveuglante. Au centre du jeu malsain -car il s’agit en effet d’un jeu où l’on met au pari le destin de tout un peuple- il y a le régime militaire avec une façade civile servile. S’il place la charrue avant les bœufs comme il a l’habitude de le faire, le clan usurpateur manœuvre par la seule raison de se maintenir maître du moment, de la décision et de tous les leviers du pouvoir. Ayant l’administration comme parti politique, il espère, comme il l’a  toujours fait, organiser les scrutins à venir, bien sûr dans le but et la certitude de gagner. Pire, il en fera toujours des élections sans choix, ou un vote pour ratifier son choix, en étant partie et arbitre. En plus, en ayant l’habitude, pourquoi dérogera-t-il à sa propre règle ? 

En convoquant le corps électoral pour le 12 décembre prochain, le régime militaire campe sur une présidentielle préalablement fermée et biaisée, par laquelle il espère placer son pantin de président contre vent et marées. Lançant un défi au peuple en révolution, il s’entête dans son choix unilatéral, refusant toute possibilité de choix libre et citoyen. D’ailleurs, ce pouvoir suranné ne reconnait même pas le caractère de citoyen à l’administré qu’il commande à l’encontre de sa volonté. Il est, pour lui, plutôt un sujet soumis qui ne sait pas choisir. Impubère et aventurier, ce sujet qui ne sait pas même penser, ne peut être en mesure de se projeter dans l’avenir. Incapable et inapte, il est bon uniquement pour la corvée de subir le choix autoritaire des chefs galonnés. Ces derniers du haut de leur grade de supériorité, regardent toujours avec l’œil du mépris les sujets incapables d’en bas. Pourtant, Sartre disait  « Le grade confère autorité et non supériorité ». Oui dans l’Etat de droit auquel aspirent les manifestants, les galonnés  ne seront nullement supérieurs aux autres citoyens et leur autorité, ils l’exerceront seulement et uniquement dans le carde que leur confère la loi.     

C’est vrai que le suffrage universel reconnait à l’ensemble des citoyennes et citoyens le droit de vote pour asseoir la souveraineté populaire. Cela se passe évidemment dans un Etat de droit régi par seule force de la loi et non pas dans un Etat de passe-droits commandé par des voyous hors-la-loi.  Mais en ayant la magie des chiffres et des taux brejnéviens tout en détournant les voies exprimées et non exprimées, le pouvoir fait de l’opération électorale un suffrage restreint qui ne reconnait que les voix de sa clientèle combien corrompue et docile. Encore cette fois-ci, face à la rue en ébullition, il en veut faire carrément une contre révolution.

Bannissant tout principe de légitimité politique, ignorant le caractère précieux de la voix du citoyen, s’appuyant sur l’administration en parti unique et comptant sur quelques figurants de laudateurs maquillant un multipartisme apparent, le régime agonisant tente de sauver sa face ternie par tant d’années de totalitarisme, particulièrement envers l’extérieur qui le surveille, en essayant de tenir un scrutin présidentiel avant la fin de l’année en cours, pour lui servir de vague de caution démocratique. 

Cependant devant la forte mobilisation populaire, peut-il réussir ce pari fou et suicidaire à la foi ? « La croyance que rien ne change provient soit d’une mauvaise vue, soit d’une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat», écrivait Friedrich Nietzsche. Rien n’est immuable ni figé, tout peut changer dans la vie. Le peuple engagé dans sa voie et armé de bonne foi, sait ce qu’il veut : tout changer pour mieux vivre. Et dans la sérénité et sincère avec lui-même, il mène son combat qu’il désire émancipateur.   Mais le régime dont la vision est aveuglée par la mauvaise foi qui gangrène son corps putréfié, se fige dans son dogme maladif que, en dehors de sa volonté, rien ne peut changer.

Pire, en s’accrochant dans l’illusion que tout va bien, il ne veut ni se soigner de ses errements illusionnistes ni se repentir de ses péchés capitaux. Alors que le pays est presque à genoux à cause de son immaturité caractéristique et ses stupides âneries, lui, il persiste à s’imaginer qu’il est le sauveur éternel de ce peuple mineur et diminué, ne faisant ainsi que raviver les foyers de la haine qu’il a lui-même allumés.

Pourtant la rue a démontré que les citoyens engagés dans le combat pacifique, sont mille fois plus matures que les aventuriers autoproclamés sénéchaux et vassaux qui agissent derrière le rideau de l’opacité. Oui, les manifestants marchent dans la lumière de la journée, dans  le calme et la communion, chantent leur aspirations dans la transparence et la gaieté, et chaque vendredi encore ils enseignent au monde entier une belle leçon de démocratie festive. Mieux, entre eux, ils la vivent cette démocratie citoyenne, joyeusement et fraternellement, et ils la pratique dans la tolérance et la diversité malgré les vaines tentatives de division et de zizanie, œuvres mesquines des relais racistes de l’inertie et de la bêtise.

Dans la rue, la volonté populaire par sa farouche résistance, a dit son mot et continuera à le dire par les voix restituées aux manifestants qui  marchent dans la prairie des couleurs, et qui sont portés par les airs de la fierté et de l’honneur. Ces voix libérées ne cesseront de souffler dans le roseau de la dignité pour s’offrir pour toujours la mélodie de la liberté. Ce mot catalyseur de toutes les luttes dont elles ont énormément soif, les stimule davantage pour aller de l’avant. Elles sont ainsi parties pour réclamer plus de liberté pour avoir plus démocratie dans un Etat de droit, une démocratie majeure comme le dit feu Matoub Lounès.

Ne disait-on pas encore : «La démocratie c’est la liberté de dire qu’on en manque ». Faisons alors de la liberté le laurier de notre pensée et donnons-lui comme couronne royale  nos têtes. Et il n’y a pas mieux pour conclure que cette citation de Jean-Jacques Rousseau : « Il n’y a point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au dessus de la loi ». Vivement un processus constituant pour une république de droits. 

Auteur
Zoubir Zerarga

 




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