Il n’est pas impossible qu’une des défaillances des économies socialistes réside dans l’irresponsabilité des vrais décideurs.
Il est certain que l’irresponsabilité des décideurs économiques s’observe d’une façon presque caricaturale dans certains pays du tiers monde.
En effet, s’il existe un lien étroit et automatique entre autorité et responsabilité dans la logique d’un système libéral, il n’en est pas de même dans d’autres systèmes. Il y a dictature, chaque fois que l’autorité est entre les mains d’un homme ou d’un groupe qui l’exerce sans responsabilité, sans contrôle, sans sanction positive ou négative.
De cette dialectique autorité/responsabilité résulte l’équation : autorité sans responsabilité se nomme dictature ; responsabilité sans autorité s’appelle anarchie. L’idéal démocratique serait de conférer l’autorité optimale assortie d’un maximum de responsabilité compatible avec l’intensité du pouvoir exercé.
C’est au niveau de l’entreprise que se pose effectivement le problème de l’autorité et de la responsabilité. Ce problème se pose parce qu’il faudra déterminer où se trouve la responsabilité de façon à ne pas organiser un système où l’autorité serait au sommet et la responsabilité à la base.
Aujourd’hui, on a tendance à rechercher, en cas d’échec d’une entreprise, à qui incombe la responsabilité de la faute présumée. On demande aux responsables de faire la preuve d’une bonne gestion ; ce qui signifie que l’on sache ce qu’est une bonne gestion, puisqu’il faut dire qu’on a bien géré et ensuite que l’on prouve que toutes les décisions nécessaires à une bonne gestion ont été prises.
En matière économique, il y a un instrument qui force la décision en ce domaine, c’est le bilan.
En fin d’exercice, on fait les comptes et ce sont des comptes de résultat. Ce ne sont pas des comptes d’intention, ce ne sont pas des comptes de régularité. Si les résultats ne sont pas bons, on sait que l’ensemble des décisions n’a pas été efficace ou que l’on n’a pas su ou pu prendre les décisions qu’il fallait.
Il y a décision de gestion lorsque le décideur doit à partir de la connaissance d’un phénomène ou d’une prévision ou anticipation sur le futur choisir parmi les nombreuses possibilités celle qu’il considère comme la meilleure pour l’entreprise.
Ces décisions prises quotidiennement se traduisent par des chiffres classées dans des rubriques comptables appropriées et récapitulées en fin d’année sur des comptes de bilan et de résultats qui revêtent une importance capitale pour l’ensemble des partenaires économiques et sociaux de l’entreprise.
Les dirigeants ont besoin de ces paramètres financiers et comptables pour prendre les décisions de gestion Peut-on gérer convenablement une entreprise si l’on ne connaît la valeur de son patrimoine, sa situation financière vis-à-vis de ses banques, de ses fournisseurs de ses clients, ?
Peut-on cerner les résultats si l’on ignore le montant des amortissements, des provisions des frais financiers ou tout simplement les consommations des matières et fournitures ?
Des actionnaires pour évaluer les performances de l’entreprise et la rentabilité des capitaux investis. Pour un propriétaire classique, la performance d’une entreprise est fonction des dividendes qu’il empoche et les dividendes sont distribués sur la base des bénéfices appréciés à partir d’un bilan certifié par un commissaire aux comptes dans les délais légaux.
L’Etat actionnaire unique et puissances publique omnipotente et omniprésente se comporte-t-il comme tout capitaliste soucieux de la rentabilité de ses capitaux ? ou ne serait-il pas qu’un artifice juridique derrière lequel se cache d’autres intérêts ?
Les travailleurs pour s’assurer de la stabilité de l’emploi et de la rentabilité de l’entreprise qui les emploie. Le pire crime à l’égard des travailleurs c’est une entreprise qui ne réalise pas de profit. C’est le profit qui assure la continuité de la production et l’élévation des salaires.
Les banques pour apprécier la solvabilité et la rentabilité des entreprises sollicitant des crédits La banque peut-elle tolérer indéfiniment un découvert bancaire ou accorder son crédit à une entreprise qu’elle sait insolvable et non rentable ? Seule l’analyse d’un bilan fiable permet de s’en assurer. Les pouvoirs publics pour réglementer les activités des entreprises, définir les politiques économiques et obtenir la base des agrégats économiques nationaux.
Quel est le degré de fiabilité des statistiques fournies par la comptabilité nationale si à la base les chiffres sont erronés et ne reflètent pas la réalité ? L’administration fiscale pour l’imposition des bénéfices industriels et commerciaux.
Que représente l’impôt sur les revenus des entreprises publiques dans les ressources budgétaires de l’Etat ? La fiscalité pétrolière et gazière n’est-elle pas là pour combler le vide introduit par la fiscalité ordinaire qui mesure pourtant le développement économique et social avec une administration moins pléthorique et un rendement meilleur ?
Ce besoin multiforme de l’information pose le problème de la qualité technique et morale de l’information financière et comptable pour donner une image fidèle et sincère du patrimoine de l’entreprise, de sa situation financière et de son résultat d’exploitation.
A. Boumezrag