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jeudi, 6 novembre 2025
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SILA : ombres, silences et voix étouffées

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La pluie frappe les vitres du SILA. Les néons tremblent. Les allées sont désertes. Sur une table, un livre d’Hitler repose sous un projecteur. À côté, le Manuel du parfait salafiste attend le lecteur interdit. Silence. Trop lourd. Trop parfait.

Des dizaines d’auteurs algériens ont disparu. Des Professeurs, journalistes, médecins, anciens de l’ALN qui ont publié leurs ouvrages chez Koukou éditions sont exclus avec cette courageuse maison d’édition. Leurs noms ont été rayés des listes. Pas de convocation. Pas d’explication. Une chaise vide. Un livre fermé. L’absence crie plus fort que n’importe quel discours. La censure a eu raison des symboles de Novembre 1954 et de grands écrivains d’ici et d’ailleurs.

Alger dicte encore le ton. Trop centrée sur elle-même, la capitale absorbe la culture. Les voix de Batna, Constantine, Tamanrasset s’éteignent dans ses couloirs. Elles deviennent des murmures, à peine entendus. La fête du livre se transforme en théâtre silencieux. Chaque stand est un écran. Chaque absent, un spectateur forcé.

Puis le paradoxe éclate. Des ouvrages interdits, extrêmes, totalitaires, brillent sous les lumières officielles : Mémoires de Mussolini, Éric Zemmour, Hitler. Les livres interdits aux auteurs locaux. Le crime n’est pas dans les pages, mais dans le lecteur. Dans la pensée qu’on refuse de voir.

Un document tombe, noir et net. Un procès-verbal. Le président de la Commission de censure avoue : les sanctions contre KOUKOU Éditions ont été ordonnées par la ministre de la Culture, Soraya Mouloudji. Motif : « rapport secret des services de sécurité ». Les livres : « destructeurs », « nuisibles à l’image de l’Algérie ». Voire !

Destructeurs ? Les pages racontent la mémoire, les paysages, la vie. Elles parlent, elles dérangent, mais elles ne tuent pas. La véritable menace pour les censeurs est la liberté de penser. L’audace de raconter autrement. L’Algérie qui vit dans ces pages n’est pas celle qu’on exhibe à Alger : elle est multiple, plurielle, vivante.

Un écrivain algérien installé à Londres l’a exprimé ainsi : « Notre pays et notre production culturelle viennent de toutes les régions. Le SILA se transforme peu à peu en salon du livre arabe, alors qu’il devrait être algérien, africain, méditerranéen, berbère, arabe, francophone… et pourquoi pas espagnol, italien, anglais. Il faut ouvrir les portes à toutes les formes de culture et d’art, à toutes les voix, ici et à l’international. »

Les couloirs du SILA, vides des auteurs absents, deviennent alors un décor de polar. Chaque stand vide, chaque chaise non occupée, est une image de contrôle et d’injustice. Chaque livre interdit devient un point lumineux dans la nuit. Et chaque lecteur qui ose ouvrir ces pages devient acteur, éclaireur, résistant.

La nuit tombe. Les cagoulards veillent. Les rapports secrets s’empilent. Les bureaux sont silencieux, les lumières tamisées. Mais la lumière perce toujours. Chaque lecture libre, chaque voix qui s’élève défie le silence imposé. Le suspense reste entier. Les idées ne meurent jamais.

Le SILA aurait pu être une fête pour toutes les voix, un miroir de la richesse culturelle algérienne. Il devrait refléter toutes les régions, toutes les langues, toutes les influences. Mais tant que la culture restera captive d’un axe unique, la parole demeurera incomplète. Et tant que les cagoulards décideront qui peut exister, la liberté continuera de se battre dans l’ombre.

Mourad Benyahia

👉 www.koukou-editions.com

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