C’est la dernière décision délirante de la ministre de la Culture, Soraya Mouloudji. La censure comme moyen de domestication de la société. Voilà à quoi est réduite la Culture déjà laminée par l’absence de production.
Une instruction du ministère de la culture et des arts interdit la programmation et la diffusion de chansons à thème « vulgaire et incitatives à la débauche » dans tous les événements culturels organisés par les établissements sous tutelle et les associations partenaires.
Qui serait contre cette démarche? Personne, bien sûr. Sauf que cette pudibonderie vociférante est porteuse de risque, et peut induire des effets pervers. L’application de l’édit ministériel risque de s’étendre au-delà du champ de sa notification pour s’appliquer à dautres formes de création artistique et culturelle.
Ainsi, le Ministre de la Culture et des Arts a rendu public, samedi dernier, un arrêté à travers lequel il instruit les responsables du secteur d’empêcher la diffusion de chansons qu’il a qualifié de « vulgaires qui appellent à la violence, au crime et à la déviation ».
Le département de Soraya Mouloudji justifie sa décision par le danger inhérent au message véhiculé par ces chansons à travers des paroles qui, selon lui, constituent une transgression et une atteinte à la morale publique.
Ces chansons étaient «enregistrées et diffusées au hasard, et induisaient en erreur toutes les couches de la société, en particulier les jeunes, en répandant la vulgarité et la perversion (…) Elles encouragent la violence et la criminalité dans la rue, la toxicomanie et l’immigration clandestine », est-il déploré dans le communiqué adressé aux commissaires des festivals et directeurs des institutions affiliées au secteur aindi qu’aux associations qui organisent des activités artistiques soutenues par le ministère.
« Afin de réaliser le quatrième article des 54 engagements du Président de la République relatif à la moralisation de la politique et de la vie publique et ses récentes directives relatives à la loi portant sur la prévention des stupéfiants et des substances psychotropes, nous appelons tous les responsables du secteur de la culture et des arts à ne pas programmer et de diffuser ces chansons lors d’événements culturels », justifie l’arrêté.
En traduisant dans les faits les recommandations de Tebboune, Soraya Mouloudji s’assigne et assume donc la mission de « l’ingénieur des âmes » en chef, pour reprendre la célèbre formule de Staline qui, en son temps, assignait aux écrivains le rôle de «rééduquer» l’être humain, de fabriquer l’homme nouveau conformément à la doxa communiste. Il ne manque que les tristement célèbres camps de rééducation de cette époque.
L’histoire a retenu que de grands écrivains comme Soljénitsyne, Pasternak, Akhmatova, Grossman ou Brodski ont été persécutés et leurs livres i interdits à l’époque stalinienne de l’URSS.
L’instruction du ministère de la Culture et des arts est bête. Elle illustre le dogme qui irrigue la philosophie politique des tenants de la « Nouvelle Algérie » qui, sous couvert de lutter contre la diffusion de chansons « vulgaires » (ce qui peut être louable, à condition de préciser ce qui est vulgaire), participe d’un processus d’étouffement de la pensée sociale et individuelle, dont les conséquences sont visibles.
Les cinéastes sont bridés et doivent faire patte blanche pour accéder aux subventions publiques, les salles de spectacles sont soumises à un contrôle insidieux à travers l’imposition de tarifs prohibitifs pour leur location par les chanteurs.
Sauf de rares exceptions, le champ de l’édition et de la littérature est noyé par des publications au contenu lénifiant et insipide. Bref, l’imagination et l’aspect créatif subversif, socle de la liberté de création, ont pris la clé des champs. A cela s’ajoutent l’embrigadement politico-sécuritaire et un contrôle policier de la société empêchant l’expression libre du débat public.
Samia Naït Iqbal
C) L’instruction ministérielle qui interdit la programmation et la diffusion de certaines chansons