23 novembre 2024
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Souvenirs, souvenirs, c’était il y a 50 ans… par Hocine Malti

TRIBUNE

Souvenirs, souvenirs, c’était il y a 50 ans… par Hocine Malti

C’était il y a cinquante ans. Après avoir recouvré notre souveraineté, le 5 Juillet 1962, nous avons arraché, en ce 24 Février 1971, notre indépendance économique.

“Nous avons décidé de porter la Révolution dans le secteur pétrolier …” C’est ainsi que s’était exprimé le président Houari Boumediène, ce jour-là face aux syndicalistes de l’UGTA qui fêtaient l’anniversaire de la création de la centrale syndicale. Ces paroles avaient soulevé la stupéfaction des cercles pétrolier et politique français, qui étaient convaincus que jamais les Algériens n’oseraient franchir ce Rubicon, mais avaient aussi soulevé l’admiration de tous les “Damnés de la Terre” qui voyaient un des leurs avoir l’audace de dire à l’une des plus grandes puissances mondiales “Basta !”. En Algérie, à la Sonatrach notamment, c’était l’enthousiasme doublé d’une crainte pour l’avenir dans nos rangs de pétroliers algériens. 

Les accords d’Evian de mars 1962 avaient fait la part belle à la partie française. La France avait certes accepté que soit reconnu le droit à l’autodétermination des Algériens qui se sont prononcés pour l’indépendance de leur pays lors du référendum du 1er juillet, mais très peu de changements étaient intervenus dans le schéma d’exploitation des hydrocarbures.

Les richesses du sous-sol saharien sont restées entre les mains des compagnies pétrolières françaises présentes en Algérie depuis la découverte de l’or noir en 1956. La tutelle du secteur pétrolier a continué à relever du même organisme mis en place par les autorités françaises en janvier 1957, qui a changé de nom seulement.

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L’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) s’appelait dorénavant Organisme Saharien (OS). Cet organisme était co-géré par les deux pays, représentés par un nombre égal de membres au sein de son conseil de direction et par un nombre, en principe égal aussi, de responsables au sein de ses structures technique et administrative. En réalité, à cette date, le nombre d’ingénieurs pétroliers algériens se comptait sur les doigts d’une main.

Par ailleurs, ceux qui avaient rejoint les rangs de l’OS, n’avaient aucune expérience de terrain et ne disposaient dans le cadre de leur travail que de quelques rares documents qui ne leur permettaient pas d’évaluer comment les compagnies produisaient cette denrée stratégique pour le pays. Le ministère de l’Industrie, en charge des mines et de l’énergie, ne pouvait communiquer avec les entreprises pétrolières que par le biais de l’OS et ne pouvait donc leur imposer une quelconque décision se rapportant à leur politique d’exploitation, même si celle-ci était contraire aux intérêts du pays. Pour garder la main sur le pétrole algérien, les négociateurs français avaient imposé, dans les accords d’Evian, une série d’autres dispositions toutes favorables aux intérêts français. 

À la demande de l’Algérie, le volet hydrocarbures des accords d’Evian fut renégocié et aboutit le 29 Juillet 1965 à la signature de “l’Accord d’Alger”. Cet accord prévoyait la  disparition de l’Organisme saharien et la création d’un nouveau système de co-gestion des hydrocarbures algériens par les compagnies nationales des deux pays. Il était très favorable aux entreprises françaises, excluant de facto toutes les autres firmes pétrolières et faisait que l’Algérie ne pouvait envisager de devenir membre de l’OPEP. Il était prévu dans cet accord qu’il serait renégocié 5 années plus tard. Les nouvelles négociations engagées dès le mois de novembre 1969 n’avaient pas encore abouti à un accord bien au-delà de la date limite du 29 juillet1970. 

Quelles étaient les demandes de l’Algérie dans le cadre de la renégociation entamée à cette date ? Les hydrocarbures sont la ressource principale du pays; il fallait donc absolument que nous en ayons le contrôle total. Nous augmenterions ainsi les rentrées financières de l’État algérien, mais aussi et surtout, nous prendrions le contrôle de ce produit stratégique.

Nous pourrions également choisir nos partenaires en fonction de nos  seuls intérêts. C’est donc bien l’indépendance économique du pays que nous voulions arracher. Pour pouvoir exercer ce contrôle total des hydrocarbures, il fallait que l’État dispose de la majorité, voire de la totalité des intérêts présents sur chaque gisement.

En termes plus concrets, cela signifiait qu’il fallait acquérir 51% au moins des actions de chacune des sociétés présentes sur les champs de pétrole ou de gaz. Le président Houari Boumediène avait désigné Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères de l’époque chef de la délégation algérienne, chargée de la négociation avec les Français.

En novembre 1970, une année après l’entame de ces négociations, nous étions encore au point mort.

Durant cette année marquée par des aller-retour incessants de Bouteflika et sa délégation à Paris, des évènements extrêmement importants avaient eu lieu sur la scène pétrolière mondiale. Le colonel Mouammar Kadhafi avait accédé au pouvoir en Libye, le 1er septembre 1969.

L’une des toutes premières décisions qu’il prit a été d’imposer aux compagnies pétrolières américaines présentes dans le pays, une diminution notable du niveau de production sur les gisements dont elles avaient la concession. Les Libyens avaient constaté une chute importante de la production des gisements d’Intissar et de Zelten, exploités par Occidental Petroleum (Oxy) et Esso. Le colonel Kadhafi avait demandé au président Boumediène l’assistance de l’Algérie dans l’étude des raisons qui avaient causé cette chute.

L’équipe de Sonatrach chargée de l’étude, qui s’était rendue à Tripoli, et que j’avais eu l’honneur de diriger, avait constaté que des avancées d’eau importantes avaient eu lieu dans les zones pétrolifères de ces gisements. De tels dégâts sont irrattrapables. La technique pour les éviter avant qu’ils ne surviennent, ou d’en stopper l’avance consiste à diminuer la production des gisements concernés; c’est ce que nous recommandions dans notre étude, qui servit de base aux décisions du colonel Kadhafi. Le chef d’État libyen venait de déclencher l’étincelle qui fut à l’origine du grand bouleversement qui intervint alors dans les relations entre les pays producteurs et les compagnies étrangères.

En parallèle à cette action, le chah d’Iran entrait en négociations avec le consortium de compagnies opérant dans son pays. Il demandait l’accroissement de la production, tout en annonçant qu’il transférerait à la NIOC (National Iranian Oil Company), certaines de leurs  concessions, si ces discussions n’aboutissaient pas. À cette même période, le conseil des ministres des pays membres de l’OPEP, se réunissait à Caracas et y adoptait une résolution, probablement la plus importante à ce jour, dans laquelle il recommandait de porter d’autorité le taux d’imposition des bénéfices des sociétés pétrolières étrangères à 55% au minimum.

Face à ces bouleversements, le gouvernement français décida de lâcher un peu de lest dans les négociations avec l’Algérie. Il dit accepter de céder à Sonatrach 51% de la production pétrolière des compagnies françaises, tout en gardant pour la partie française  le gisement de Hassi Messaoud sur lequel seraient transférés les avoirs de toutes ces compagnies. Le schéma envisagé était qu’il fallait faire en sorte que la production de Hassi Messaoud représente les 49% qui reviendraient à la partie française.

Dans le cas où les quantités que céderaient ces compagnies étaient supérieures ou inférieures à la production de Hassi Messaoud, on procèderait à un rééquilibrage par l’achat ou la cession de la différence. Cette proposition était inacceptable. Ce que nous demandions était que soit transféré à l’Algérie 51% de participations au sein du capital de chacune des filiales algériennes des sociétés françaises dont nous prenions ainsi automatiquement le contrôle.

Dans le schéma proposé par les Français, même si nous devenions effectivement propriétaires de 51% de la production totale du pays, nous perdions le contrôle du plus grand champ pétrolier du pays, Hassi Messaoud.

En sa qualité de chef de la délégation algérienne, Abdelaziz Bouteflika avait été satisfait de cette proposition. Il était convaincu d’avoir arraché aux Français une énorme concession; il pensait que c’est grâce à ses qualités de négociateur qu’il avait obtenu un tel résultat. N’avait-il pas compris la différence entre ce que nous demandions et ce que les Français nous proposaient ? Ou est-ce plutôt – comme le pensaient de très hauts responsables algériens – son penchant pro français qui l’amenait à accepter ce schéma ? C’est avec enthousiasme qu’il avait présenté au président Houari Boumediene ce “haut fait” et avait essayé de le lui faire accepter. Le Président lui avait dit qu’il rejetait cette proposition et qu’il devait s’en tenir à notre position. Il était cependant revenu à la charge, après un nouveau round de négociations et avait tenté encore une fois de le convaincre. 

Nous étions alors en novembre 1970, donc tout proche de l’hiver. À cette période de l’année, les consommateurs ont déjà acheté les quantités nécessaires de pétrole et de gaz pour traverser la saison de grand froid qui commence. En sa qualité de pays exportateur, l’Algérie perdait ainsi un atout important dans les négociations en cours. Nous reçûmes alors à la Sonatrach instruction de notre ministère de tutelle de nous préparer à prendre les choses en mains, car le gouvernement envisageait de “nationaliser le pétrole”. Quelles dispositions devions-nous prendre ? Nous n’en avions aucune idée. Que signifiait plus concrètement “nationaliser le pétrole” ? Nous ne le savions pas non plus.

Du point de vue purement linguistique, il est clair que cela voulait dire transférer la propriété des ressources pétrolières du pays à l’État. Mais comment s’opérerait en pratique, sur le terrain, ce transfert, nous ne le savions pas. Il ne suffisait probablement pas de proclamer par décret, fût-il présidentiel, que tel ou tel gisement n’appartenait plus à telle ou telle compagnie et qu’il était dorénavant la propriété de l’État algérien. Comment imposer à la société concessionnaire du champ une telle décision ? Faudrait-il dépêcher des hommes en armes (l’armée ? la police ?) Qui prendraient possession des installations de production ? Quel rôle jouerait la Sonatrach dans l’opération ? Nous n’en avions aucune idée non plus.

Tout ce que nous savions, c’est qu’il s’agissait de nationaliser l’amont pétrolier, donc les gisements et les canalisations de pétrole et de gaz. Il fallait avoir la volonté politique et le courage de décider ainsi ce que les autres producteurs n’osaient pas encore faire.

Il y a lieu de noter que cela faisait tout juste 8 ans que l’Algérie était indépendante et même pas 7 années depuis la création de la Sonatrach le 31 décembre 1963. Encore que “création” signifiait la signature par le chef de l’État de l’époque, Ahmed Ben Bella, d’une décision, donc d’une feuille de papier, annonçant la naissance de la compagnie nationale des hydrocarbures et d’une seconde décision nommant Belaïd Abdesslam président-directeur général de l’entreprise.

Il faut savoir également qu’en novembre 1970, nous étions tout juste une dizaine d’ingénieurs avec très peu d’années d’expérience de terrain, au sein de la Direction de la recherche et production qui devions “prendre les choses en mains” et que la nationalisation porterait sur 52 champs de pétrole et de gaz et sur 13 compagnies qui exploitaient ces gisements. En face, ils devaient être, au sein de ces entreprises, une centaine d’ingénieurs au moins, présents en Algérie, et probablement le triple ou le quadruple dans les directions parisiennes. À noter, par ailleurs, que les deux grands groupes pétroliers français de l’époque, l’Erap et la Compagnie Française des Pétroles (CFP, Total aujourd’hui) avaient une bonne cinquantaine d’années d’expérience derrière eux. C’est dire combien était grand le défi que nous devions relever. 

Que faire alors ? Nous nous réunîmes sous la présidence du directeur général-adjoint, Djamel Lakhdari, un éminent juriste, pour décider de la suite des choses. À l’issue de plusieurs heures de brainstorming, la seule décision que nous prîmes a été de désigner 2 responsables pour les champs pétroliers, répartis arbitrairement en deux groupes, celui des gisements du nord du Sahara, comprenant notamment Hassi Messaoud et Hassi R’Mel et le groupe des gisements du sud-est saharien, Zarzaïtine et ses satellites.

En parallèle, nous décidâmes de regrouper tous les oléoducs et gazoducs du pays sous le même chapeau. Nous avons désigné Hacène Mefti comme responsable du transport par canalisations, Abdelmadjid Bénalychérif, responsable des gisements du sud-est saharien et moi-même responsable de la zone du nord saharien, comprenant donc Hassi Messaoud et Hassi R’Mel, opérés par les deux plus grandes compagnies françaises présentes en Algérie, S.N. Repal et CFP. Cette décision voulait dire que l’on avait transféré aux 3 cadres supérieurs que nous étions l’énorme responsabilité d’assumer une tâche non définie, sans directive particulière, ni de la part de la direction de Sonatrach, ni de celle du ministre de l’Énergie et sans l’assistance d’une équipe d’ingénieurs. 

Cet état d’alerte avait duré une semaine à l’issue de laquelle on nous avait dit que les Français semblaient avoir adopté une position plutôt souple et que les négociations allaient reprendre. À noter que le pouvoir algérien préférait de loin aboutir à une solution négociée plutôt qu’aller au clash. Il y eut alors – autant que je me souvienne – après la reprise des négociations, deux nouvelles séances, l’une à Paris et l’autre à Alger. Les Français restaient cependant figés sur leur position tout en affirmant qu’ils reconnaissaient aux Algériens le droit de nationaliser leurs ressources naturelles, mais nationaliser à leurs conditions. En réalité, les Français jouaient la montre. Ils attendaient les résultats des discussions en cours à Téhéran et Tripoli, entre les pays membres de l’OPEP et le cartel des multinationales sur les prix de référence pour le calcul de l’impôt dans les principales zones pétrolières du monde et sur les relations futures entre pays producteurs et consommateurs. 

Les Algériens ne pouvaient attendre plus longtemps; les négociations n’avaient pas avancé d’un iota depuis quinze mois. Prenant la parole le 24 février, devant les syndicalistes de l’UGTA, réunis à l’occasion du quinzième anniversaire de leur organisation, le Président Houari Boumediène déclarait : “Le 29 juillet 1965, nous avons passé un accord avec le gouvernement français qui devait prendre en considération les intérêts réciproques des deux parties … La question que nous posons cinq années plus tard est la suivante : cet accord a-t-il été appliqué ? Nous pouvons affirmer qu’il n’a été appliqué que par une seule partie, la partie algérienne.” Pour justifier ses propos, il citait le gaz, la recherche pétrolière et la création d’une industrie pétrochimique, autant de domaines pour lesquels “nous sommes en mesure de dire que la partie française n’a pas respecté les termes de l’accord …

L’accord stipulait que seraient entamées, dès 1969, des négociations en vue de la révision du prix servant de base au calcul de l’impôt. Nous avons négocié sans cesse de 1969 à 1970. Nous avons acquis la certitude que les Français ne souhaitaient pas aboutir à une solution.

Nous avons alors fixé un prix et informé qu’il serait dorénavant de 2,85 dollars le baril et non plus de 2,08 … Les négociations ont duré depuis le printemps 1970 jusqu’à l’automne. Les semaines et les mois se sont succédé sans qu’apparaisse le moindre résultat. On nous disait : nous ne négocierons qu’après les décisions qui seront prises à Téhéran. Après la fin des négociations de Téhéran, on nous déclara qu’il était nécessaire d’attendre les résultats de la réunion de Tripoli … Le moment est venu de prendre nos responsabilités. Nous avons décidé aujourd’hui de porter la révolution dans le secteur des hydrocarbures.

Je proclame officiellement, au nom du Conseil de la révolution et du gouvernement que les décisions suivantes sont applicables à partir de ce jour : 1/ la participation algérienne dans toutes les sociétés pétrolières françaises est portée à 51%, de façon à en assurer le contrôle effectif; 2/ la nationalisation des gisements de gaz naturel; 3/ la nationalisation du transport terrestre, c’est-à-dire de l’ensemble des canalisations se trouvant sur le territoire national.”  

Le Rubicon était franchi. C’était le branle-bas de combat au sein du secteur pétrolier. La mission de négociateur d’Abdelaziz Bouteflika venait de prendre fin; c’était dorénavant   aux pétroliers d’entrer dans l’arène, sous la direction de Belaïd Abdesslam. Pour faire quoi ? Nous n’en avions, tout comme trois mois auparavant, qu’une vague idée. Il nous fallait pourtant, Hacène Mafti, Abdelmadjid Benalychérif et moi-même nous lancer à l’eau, même si nous ne savions pas nager. Pour mettre en application les décisions que venait d’annoncer le chef de l’État, il nous fallait cependant, à défaut de directives précises, une orientation politique. Hasard du calendrier ou décision du président Houari Boumediène qui tenait à informer nos alliés, notre ministre Belaïd Abdesslam se trouvait à Tripoli où il avait rencontré Mouammar Kadhafi. Dans l’attente de son retour, nous tînmes une réunion le 24 février au soir, au cours de laquelle Maître Djamal Lakhdari nous expliqua que pour accomplir notre tâche, nous serions nommés représentants de l’État, co-gestionnaires des sociétés dont nous avions la charge par ordonnance du président du tribunal d’Alger. Nous décidâmes aussi que nous devions rencontrer les dirigeants des sociétés nationalisées et examiner avec eux en priorité la situation financière de l’entreprise et les questions relatives à la commercialisation du pétrole.

Nous convînmes aussi de demander dès le lendemain matin, au ministère des Finances de bloquer les comptes des sociétés, d’en informer nos correspondants et de leur faire savoir qu’il avait été convenu avec les banques algériennes, que toute opération financière devait dorénavant faire l’objet d’une double signature. Nous nous attendions à une certaine hostilité de la part de nos correspondants; il nous fallait donc éviter tout conflit inutile avec eux.

Pour les Français, le pétrole algérien était leur pétrole; il n’était pas question de le “céder” aux Algériens. Souvenons-nous qu’après une guerre qui avait duré six années de trop, le général de Gaulle avait finalement décidé de faire la paix avec les Algériens à une condition : mettre fin au mythe de l’Algérie Française, mais garder le contrôle par la France du pétrole algérien. 

Je me suis retrouvé effectivement face à une telle attitude dès le vendredi 26 février quand j’eus ma première rencontre avec les responsables de la CFP. Celle-ci était l’opératrice de Hassi Messaoud Nord et de Haoud Berkaoui pour le compte d’une association Sonatrach – Erap – CFP. Elle possédait 51% de participations dans Hassi Messaoud Nord, 25% dans Haoud Berkaoui et 49% dans Hassi Messaoud Sud, dont l’opérateur était la S.N.Repal qui elle possédait des pourcentages inverses dans les deux parties du champ. La CFP était la plus grande compagnie française présente en Algérie; on disait d’elle qu’elle était la huitième soeur dans une famille qui en comptait sept ! Nonobstant l’aspect moqueur de ce qualificatif, cela signifiait quand même qu’elle était aussi puissante que les sept plus grosses compagnies pétrolières au monde, celles que l’on appelle les Majors. Au titre de ses participations en Algérie, elle produisait environ 12 millions de tonnes de pétrole par an. 

Je me souviendrai toujours de mon arrivée dans l’impressionnant immeuble de la CFP, où je rencontrais le directeur à Alger, Raymond de Cidrac et le Directeur administratif et financier du groupe, René Gourgouillon, ex-pied-noir du Maroc, venu spécialement de Paris pour me rencontrer. Après lecture de l’ordonnance du tribunal que je présentais, la réaction immédiate de Gourgouillon était : “Que signifie le terme co-gérant ? Est-ce que cela veut dire que nous devrons solliciter votre approbation si nous voulons embaucher ou licencier un salarié, ou si nous voulons vendre ou acheter une voiture ?“

En réponse à une telle condescendance, je le rabrouais à mon tour : “Le Français, est-il ma langue maternelle ou la vôtre, Monsieur Gourgouillon ? Ne faites pas l’ignorant. Vous savez très bien que ce que nous avons nationalisé, ce sont ces milliards de mètres cubes de pétrole qui se trouvent à 3000 mètres de profondeur, là-bas à Hassi Messaoud. Quant à l’embauche d’un employé ou l’achat d’un véhicule, vous avez des services qui fonctionnent bien, qui n’ont besoin ni de vous, ni de moi.“ Suite à cet échange “d’amabilités”, je faisais part à mes interlocuteurs de la manière dont fonctionneraient dorénavant les comptes de la société et leur demandais de me communiquer les renseignements concernant les ventes de pétrole. Je demandais également que soit mis à ma disposition un bureau.

Évidemment, je n’ai jamais reçu le moindre document relatif aux ventes de pétrole algérien par le groupe CFP. J’ai, à plusieurs reprises demandé à mon correspondant permanent, le directeur à Alger, Raymond de Cidrac de me fournir des renseignements à ce sujet; le réponse était toujours la même : “Il faut demander à Neuilly”. De fait, c’est au siège du groupe situé à Neuilly-sur-Seine dans la banlieue parisienne que se traitaient tous les problèmes de la filiale algérienne, dont les questions financières et commerciales bien entendu. Je n’ai cependant jamais reçu la moindre réponse aux nombreux messages que j’avais adressés aux services concernés qui s’y trouvaient. S’agissant de la situation financière de l’entreprise, j’apprenais que le compte bancaire d’Alger était réalimenté en direct depuis Neuilly également la veille de toute grosse sortie d’argent. Il y avait deux dates fatidiques à respecter, celle du paiement des impôts et celle du virement des salaires du personnel algérien.

En dehors de ces deux gros chapitres, les services financiers parisiens exigeaient que les quelques moindres dépenses du siège régional d’Alger ou du champ d’Hassi Messaoud soient autant que possible programmées. Je découvrais à cette date du 26 février qu’il n’y avait qu’un petit fond de quelques milliers de dinars sur le compte en banque d’Alger de la société pour couvrir quelques petites dépenses imprévues, alors que nous nous trouvions à deux jours du paiement des salaires ! 

Je vivais ainsi de grands moments de frustration durant les deux premiers mois de ma présence dans les locaux de la CFP. J’étais dans l’incapacité de donner une quelconque information au ministre, qui exigeait une réponse à chacune de ses nombreuses questions. Je ne pouvais le faire car, de l’autre côté, à la CFP, c’est à un mur de que je me heurtais quotidiennement. Chaque fois que je demandais un renseignement quelconque relatif aux ventes de pétrole, à la politique d’exploitation du champ de Hassi Messaoud, à l’organigramme de la compagnie, aux questions financières, aux avoirs en banques étrangères de la filiale algérienne, c’est toujours la même réponse que me donnait de Cidrac: “Il faut demander cela à Neuilly”. Belaïd Abdesslam ne voulait pas non plus que je brusque mes interlocuteurs, ni que je prenne une quelconque initiative dans l’immédiat.

Ainsi, par exemple, aux maintes demandes que je lui avait présentées de procéder à la promotion de certains cadres algériens que la firme avait relégués à des postes inférieurs sa réponse était : “Pas encore.” Là ce n’est pas Abdesslam, le grand patriote, l’homme qui aimait profondément son pays et son peuple qui parlait, mais bien le politicien qui avait fait ses calculs, qui s’avèreront d’ailleurs exacts en bout de course. Abdesslam tenait absolument à arracher aux entreprises françaises l’exploitation du pétrole algérien, tout comme il avait arraché, au tout début de l’aventure pétrolière de l’Algérie indépendante, des mains de Trapal, la réalisation de l’oléoduc Haoud El Hamra – Arzew, qu’il a réussi à construire en s’appuyant sur une minuscule équipe de cadres supérieurs algériens. Il était, bien entendu pour l’algérianisation des organigrammes des compagnies nationalisées; il avait d’ailleurs autorisé Abdelmadjid Benalychérif à le faire au sein de la CREPS. S’agissant de la CFP, il voulait cependant reporter l’opération à plus tard, en raison de la différence de statut qui existait entre les deux entreprises.

La CREPS était filiale du groupe pétrolier de l’État français, Erap, alors qu’au sein du groupe CFP il existait un important actionnariat privé, d’où une nette différence dans les politiques des deux groupes. Le premier, l’Erap, était un outil aux mains de l’État français et avait donc des objectifs plutôt politiques, tandis que l’autre, la CFP privilégiait, comme toute entreprise industrielle plutôt le profit. Abdesslam voulait donc ménager le capital privé, avec lequel il était a priori plus facile de s’entendre. C’est ce qui se passa d’ailleurs, puisque au bout du tunnel dans lequel nous étions plongés, c’est avec la CFP que nous signâmes le premier accord, qui fut suivi près de deux mois plus tard par celui avec l’Erap. 

C’est finalement vers la fin du mois d’avril qu’il m’autorisa à apporter des changements dans l’organisation de la société : couper tout lien avec Neuilly, faire en sorte que la petite coquille se trouvant à Alger devienne le seul centre de décision et en conséquence promouvoir quelques Algériens à des postes de responsabilité. Les toutes premières nominations auxquelles je procédais déclenchèrent le feu à la direction générale de la CFP en France.

Le directeur administratif et financier, René Gourgouillon décida de venir à Alger me voir. Nous nous rencontrâmes le vendredi 30 avril au matin. Il était accompagné de trois autres personnes : un financier, François Castellani, un géologue Philippe Legrand et le directeur à Alger, Raymond de Cidrac. Gourgouillon débita son monologue d’une manière conquérante: « Voilà un peu plus de deux mois que vous avez nationalisé notre filiale algérienne, la CFP(A). Durant cette période c’est notre personnel qui a fait fonctionner Hassi Messaoud, c’est nous qui avons financé les opérations. Vous avez pris notre pétrole. Vous avez tenté d’entrer en contact avec nos clients, vous avez demandé à nos banquiers parisiens des renseignements sur nos comptes. Récemment vous avez commencé à apporter des modifications à notre organigramme en procédant à l’algérianisation de certains postes.

La comédie a assez duré ! C’est pourquoi nous avons décidé de mettre fin à nos opérations en Algérie. Nous avons décidé de retirer notre personnel de Hassi Messaoud dès ce soir. Si vous êtes intéressés par la fourniture d’une assistance technique, transmettez-nous la liste des personnes que vous voudriez garder, nous verrons si nous pouvons vous les laisser, si les intéressés veulent travailler pour vous, puis nous vous ferons part de notre décision. Vous avez quarante-huit pour nous fournir cette liste. »

Puis semblant se rendre compte que ce serait un dimanche, il rajouta : “Dans quarante-huit heures c’est dimanche. Bon, vous avez jusqu’à lundi, mettons mardi pour nous faire part de vos désirs.” Plus qu’un divorce, c’est une véritable déclaration de guerre que nous faisait la CFP. Le calcul était clair : le retrait du personnel français CFP entrainerait l’arrêt du fonctionnement des installations de production du plus grand gisement de pétrole algérien, car les Algériens n’occupaient que les postes bas dans l’organigramme; ils étaient donc incapables de prendre le relais de leurs collègues. Une vingtaine d’années auparavant les Américains et les Britanniques avaient menacé le chah d’Iran de le destituer s’il n’annulait pas la décision de son Premier ministre le Dr Mossadegh qui avait nationalisé leurs avoirs pétroliers dans le pays.

Nous étions en 1971; la CFP n’était pas en mesure d’entrainer le gouvernement français dans une opération militaire contre l’Algérie. À défaut, si la décision qu’il venait d’annoncer causait l’arrêt de la production pétrolière à Hassi Messaoud, il est certain que les filiales de l’Erap prendraient une décision similaire pour les champs dont elles avaient la concession. Le résultat aurait été le même qu’en Iran : le pouvoir algérien devait faire marche arrière, sinon il disparaissait.

Je me retrouvais groggy à l’issue de cet entretien au cours duquel l’apocalypse m’avait été annoncée. J’étais face au néant. Comment ferions-nous pour nous sortir de l’abîme au fond duquel nous nous trouvions ? Dans quelle situation nous retrouverons-nous dans 24 heures ? Je n’osais y penser, tant cela me faisait peur. Tout ce que je savais, c’est que Hassi Messaoud ne fonctionnait que grâce à Neuilly et aux ingénieurs et techniciens  français se trouvant sur le champ.

Allions-nous nous retrouver en déshérence en leur absence ? Auquel cas, il faudrait essayer de trouver un arrangement qui ferait que la CFP resterait sur place et donc renoncer à l’idée même de nationalisation. Inimaginable. Contre toute attente, c’est le discours belliciste de Gourgouillon qui me donnait le courage de remonter la pente.

La manière condescendante dont il s’était exprimé, les termes qu’il avait utilisés (“la comédie a assez duré” !) me rappelaient la manière suprémaciste dont nous avions été traités par les colons et l’administration, nous les “Indigènes”, durant la période coloniale. Ce discours avait réveillé en moi l’instinct de révolte qui existe chez tout Algérien, face à la hogra, dirait-on aujourd’hui. Briser une autre chaîne que l’histoire nous avait léguée, m’aidait à reprendre le dessus. Pour moi la réponse à donner à Gourgouilon était “Non”. La décision finale revenait bien entendu au ministre. C’est donc dans les vapes que je m’étais rendu chez lui, afin de lui rendre compte; était également présent à la réunion, le P-DG de Sonatrach, Sid Ahmed Ghozali.

Connaissant les convictions de Belaïd Abdesslam, j’étais certain que sa position serait la même que la mienne. Je ne savais cependant pas à quel point il avait été outré par le chantage à l’assistance technique de Gourgouillon. Il avait utilisé un terme arabe vulgaire pour rejeter cette proposition. C’était l’unique fois où j’entendais un tel mot sortir de sa bouche; c’est dire combien il était touché lui aussi dans sa fierté d’Algérien. Il n’était évidemment pas question de reprendre langue avec la CFP; il fallait tout simplement prendre immédiatement les dispositions nécessaires pour assurer la suite de l’exploitation du champ d’Hassi Messaoud après le départ des Français. À ma proposition de descendre le soir même par l’avion de relève à Hassi Messaoud, il me donna une unique instruction :”Fonce !” me dit-il. C’était donc à moi de trouver la solution qui nous éviterait la catastrophe. 

Je me souviendrai toujours de cette nuit mémorable passée avec la minuscule équipe de deux personnes, dont un ingénieur, qui m’avait accompagné, une nuit blanche au cours de laquelle nous avions mis en place les équipes qui allaient prendre le lendemain matin la suite du personnel français. Je me souviendrai également à jamais de l’enthousiasme dont ont fait preuve ces jeunes techniciens algériens de CFP, à l’issue de l’exposé sur les relations pétrolières algéro-françaises que je leur avais fait, afin de réveiller leurs sentiments nationaux.

Puis nous tînmes une réunion à la Kafka avec une dizaine de techniciens supérieurs, au cours de laquelle furent retenus parmi eux les nouveaux chefs d’équipes qui prendraient la succession des ingénieurs français qui connaissaient parfaitement le gisement et les installations de production sur lesquelles ils travaillaient depuis plusieurs années. Je leur demandais de proposer des candidats et de porter un jugement sur les aptitudes de chacun d’entre eux de prendre les choses en mains. C’est sur la base des “Je pense que … je crois que … on dit que …” que furent choisis les nouveaux managers, qui devaient eux-mêmes constituer ensuite leurs propres équipes ! Incroyable, n’est-ce pas ?

Mais que faire d’autre, sachant que nous devions être en ordre de marche deux ou trois heures plus tard. L’allant de la jeunesse et le désir de relever un défi qui permettaient à ces jeunes de prendre une revanche sur le passé étaient venus compenser leur manque d’expérience. Nous tous qui avons vécu cette prise en mains, en moins de vingt-quatre heures, du plus grand gisement pétrolier algérien, avons gardé inscrit au plus profond de notre mémoire, tous les évènements, petits et grands, survenus au cours de chaque minute de cette folle journée.

Je ne sais si nous ressentions réellement l’énormité de la responsabilité qui pesait sur nos épaules; nous étions par contre habités par la crainte de voir le pétrole cesser de couler. Nous avons également vécu de grands moments de bonheur chaque fois que nous avons réussi à surmonter même la plus petite difficulté. Nous n’étions certainement pas encore conscients que nous traversions un moment important de l’histoire contemporaine de notre pays; ce n’est que bien plus tard que nous nous sommes rendu compte que nous venions de franchir un pas de géant vers l’indépendance économique de l’Algérie.

Dans un certain sens, la CFP nous avait donné un sérieux coup-de-main, car c’est elle qui avait déclaré la guerre. Nous ne nous en étions pas rendu compte sur le champ, mais une telle attitude ne pouvait que nous aider dans notre tâche apparement insurmontable. D’autre part, aux yeux du monde entier, nous avions démontré que nous ne voulions pas l’affrontement; nous avions tout simplement voulu exercer le droit d’exploiter nos ressources naturelles. Moins de vingt-quatre heures après cette fameuse réunion avec Gourgouillon et ses compagnons, l’exploitation du champ d’Hassi Messaoud s’était poursuivie sans accrocs. C’était la plus belle réponse que l’on pouvait donner à CFP et à ces hauts cadres français avec lesquels je m’étais réuni le 1er mai au matin, qui n’avaient cessé de me demander comment nous ferons tourner les appareils de forage, comment nous ferons fonctionner le centre de production, comment nous assumerons la maintenance des équipements, etc. etc. Ils étaient, tout comme leur direction parisienne, convaincus que l’exploitation du champ cesserait dès qu’ils auront abandonné leurs postes.

Je me souviendrai à jamais de ce couple, de retour de vacances à Hassi Messaoud, quand la dame s’adressant à son époux, s’exclama :”Tu vois, tu vois ! Les torchères brûlent toujours. Et toi qui m’avais dit que tout s’arrêterait si nous devions quitter Hassi Messaoud.” 

Après moult évènements, nous avons fini par trouver 7 mois plus tard, un accord portant sur l’indemnisation de la CFP et l’établissement de nouvelles relations plus équilibrées entre les parties. Ce ne fut pas le cas des filiales de l’Erap qui étaient plus retors mais qui ont quand même fini par s’aligner, deux mois plus tard, sur le groupe CFP.

Dès le 1er janvier 1972, nous entrions dans une nouvelle phase : regrouper toutes les sociétés nationalisées au sein d’une énorme direction production de Sonatrach. C’était le nouveau défi auquel j’ai été confronté, vu que j’avais eu l’honneur d’être nommé premier directeur de cette nouvelle entité et chargé donc de l’intégration à la Sonatrach de 52 champs pétroliers et de 13 compagnies avec leurs installations de production et leurs personnels (7000 à 8000 personnes). L’opération était peut être même plus difficile que la nationalisation.

En 1971, ces futurs nouveaux employés de Sonatrach étaient tous heureux de voir leur pays récupérer son bien et avaient donc fait face à la tornade en rangs soudés; ce n’était plus le cas l’année suivante, car cette intégration supposait de nouvelles affectations et une nouvelle distribution de postes de responsabilité. Il fallait, en effet, créer pour chaque secteur d’activité, une seule nouvelle structure pour remplacer celles qui existaient dans chacune des 13 firmes nationalisées et donc remplacer 13 chefs par un seul. Ceci a entrainé des rivalités, voire des coups-bas de la part de certains pour éliminer les concurrents éventuels.

Il a fallu lutter durement contre ce type de comportement. Il fallait également procéder à l’unification des procédures; il n’était pas simple d’imposer un schéma unique de fonctionnement technique, financier ou autre qui viendrait remplacer ceux qui existaient depuis des années dans chaque entreprise. On peut néanmoins considérer que c’est à travers ce brassage, qu’est née la Sonatrach dont nous rêvions depuis le 31 décembre 1963.

La question que nous devons nous poser aujourd’hui est celle de savoir si cette Sonatrach est la même que l’actuelle ? La situation générale du pays d’aujourd’hui n’est pas la même que celle de 1971/1972. La guerre de libération n’est plus qu’un souvenir même dans la tête de ceux qui y ont participé. De ce fait, l’atmosphère dans laquelle baigne la société aujourd’hui est plus détendue, car l’impact du colonialisme sur les esprits n’est plus qu’un lointain souvenir.

De ce fait, les cadres actuels de Sonatrach ne sont pas focalisés, comme nous l’étions, sur l’idée de se libérer des liens entretenus avec les partenaires étrangers : ce sont eux qui ont choisi les sociétés pétrolières qui opèrent aujourd’hui en Algérie, elles ne leur ont pas été imposées par l’Histoire. Le nombre de cadres est de très loin nettement plus grand qu’il ne l’était dans les années 1960 – 1970. Les finances de l’Algérie sont en meilleur état qu’elles ne l’étaient à l’époque. Et pourtant, bien qu’elle soit devenue une grande compagnie, capable de rivaliser avec les plus grands du secteur, bien qu’elle ramène beaucoup d’argent au pays, on a l’impression que Sonatrach n’est pas le joyau qu’elle était à l’époque. Pourquoi ? 

Parce que l’Algérie est malade de ses dirigeants qui ont fait de la compagnie nationale leur objet; ils l’ont transformée en une caverne d’Ali Baba dans laquelle eux et leurs hommes viennent piocher autant qu’ils peuvent. Ils y ont semé la gangrène de la corruption et ont réussi malheureusement à entrainer un grand nombre de cadres qui sont devenus leurs complices sous la menace ou par libre consentement.

Souvenons-nous des affaires Sonatrach 1 et 2 et souvenons-nous surtout de l’arrêt du tribunal de Milan (Italie) portant sur le détournement par le ministre de l’Énergie et ami d’enfance de Bouteflika de 200 000 000 de dollars, avec la complicité de cadres supérieurs de l’entreprise nationale italienne ENI. C’est avec la complicité et la couverture du chef de l’État que Chakib Khelil, son épouse, ses enfants, Farid Bedjaoui, Mohamed Bedjaoui, Reda Hemche et bien d’autres encore se sont partagés ce magot.

Grâce à Abdelaziz Bouteflika, tous ces voleurs vivent des jours heureux entre les États-Unis, les Émirats arabes unis, ou le Liban. C’est sur instructions d’Abdelaziz Bouteflika que la demande d’extradition de Chakib Khelil des États-Unis a été annulée et que le ministre de la Justice qui l’a émise a été limogé. Bien d’autres encore, dont notamment un autre ministre, Abdeslam Bouchouareb, ont pu aussi échapper à la justice du pays grâce à la bienveillance du président de la République.

Rien d’étonnant à cela, me direz-vous, vu que ce président avait lui-même détourné des caisses de l’État, il y a une quarantaine d’années, des sommes importantes et qu’au moment où il devait être traduit en justice, il avait fui le pays. Rien d’étonnant non plus quand on sait qu’Abdelaziz Bouteflika a fait de la corruption son outil de gouvernance. Il est, de ce fait, devenu le seul président algérien a être resté aussi longtemps en poste.

Comment voulez-vous que les généraux qui l’ont choisi et imposé aux Algériens, cherchent à se débarrasser de lui, quand il a su les acheter à coup de millions de dollars générés par le pétrole ? Il n’est qu’à voir le nombre de ministres, de généraux, d’hommes d’affaires et de cadres supérieurs actuellement en prison pour se rendre compte des dégâts causés par Abdelaziz Bouteflika, président de la République. Il a hélas réussi à faire du pétrole, bien du peuple algérien, son bien personnel. Plus grave que cela, il a réussi à polluer les esprits et à y incruster le virus de la corruption. À Sonatrach notamment qui a cessé d’être une compagnie nationale pour devenir la propriété de quelques mafieux. 

La Sonatrach d’aujourd’hui est donc bien totalement différente de celle que nous avons connue. Elle n’est plus ce joyau que tous les pays producteurs de pétrole nous enviaient. L’état d’esprit qui y règne de nos jours est loin d’être celui qui nous animait en 1971. Et dire que l’auteur de ce malheur, Abdelaziz Bouteflika, président de la République pendant vingt ans, avait été chargé à cette époque de négocier avec les Français le retour des hydrocarbures algériens à leur propriétaire légitime, le peuple ! Pauvre peuple algérien qui s’est fait arracher par un groupe de mafieux ce cadeau de la nature !

Auteur
Hocine Malti

 




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