Plus de 500 civils alaouites ont été tués depuis jeudi 6 mars par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés dans l’ouest du pays, selon le très lourd bilan communiqué par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Les exactions ont eu lieu dans la foulée d’une tentative d’insurrection menée par des proches du régime déchu de Bachar el-Assad. Des violences d’une ampleur inédite depuis que le pouvoir syrien a changé de mains.

Ce sont des témoignages sonores très durs qui ont été transmis à RFI par des habitants de la province de Lattaquié, qui demandent à rester anonymes. Les enregistrements décrivent des scènes de violence : un homme raconte que son fils a été égorgé et que les habitants ont ensuite été chassés de leurs habitations.

Ce même témoin assure qu’il n’a aucun lien avec l’armée de l’ancien régime syrien. Une femme évoque des cadavres dans les rues et ajoute que les auteurs des massacres empêchent les survivants de récupérer ces dépouilles. RFI a aussi pu recueillir un autre témoignage, par écrit, alertant sur « un véritable génocide contre une communauté entière, incluant des enfants, des femmes et des personnes âgées. Beaucoup ont été tués par égorgement ou découpés avec des outils tranchants. »

Plusieurs de ces interlocuteurs assurent que les auteurs des violences ne parlaient pas avec l’accent syrien, ce qui attesterait de la présence de combattants étrangers dans les rangs des auteurs de ces exactions. « Je pense qu’ils viennent d’Ouzbékistan ou peut-être des Ouïghours. Et certains d’entre eux sont syriens, tandis que d’autres sont masqués et portent des uniformes de la sécurité publique », estime l’un des habitants de la région, contacté par RFI. Ces témoignages s’ajoutent à des vidéos et photos circulant sur les réseaux sociaux. En provenance des mêmes secteurs, elles montrent des scènes d’exécutions ainsi que des cadavres. 

Manque de contrôle du pouvoir syrien

Ces exactions ont été commises par les troupes dépêchées par Damas pour combattre des partisans de l’ancien régime syrien. Ce samedi, l’Observatoire syrien des droits de l’homme a signalé un « retour au calme relatif » dans la région, tout en précisant que les forces de sécurité poursuivaient leur « ratissage dans les zones où se retranchent les hommes armés », avec l’envoi de renforts. Tôt samedi, l’agence officielle syrienne Sana a rapporté que les forces de sécurité avaient repoussé « une attaque menée par les résidus du régime déchu » visant l’hôpital national dans la ville de Lattaquié.

Le président syrien par intérim, Ahmed al-Charaa, a appelé vendredi soir les insurgés alaouites à « déposer les armes avant qu’il ne soit trop tard ». « Nous continuerons à œuvrer au monopole des armes entre les mains de l’État », a-t-il ajouté dans un discours.

« Le pouvoir syrien a du mal à contrôler ses propres troupes et sa population », explique Thomas Pierret, chercheur au CNRS et spécialiste de la Syrie. « Il y a des unités avec des combattants étrangers, comme des Ouzbeks, mais aussi des civils, qui se vengent d’événements qui ont pu se produire il y a dix ou quinze ans ». Selon lui, cette situation pourrait coûter cher au régime.

Dans certaines régions, les événements ont pris un tour différent. « Vendredi soir, on a vu les unités en charge de la sécurité intérieure protéger des quartiers alaouites de Homs, pour éviter des représailles de la population contre ces quartiers »rapporte le chercheur. Les exactions sanglantes de ces derniers jours peuvent-elles encore s’amplifier ? « La majorité de la population dans les régions alaouites ne voulait pas repartir dans un cycle de guerre et de représailles, analyse Thomas Pierret. Si elle est confrontée à des actions de grande ampleur et des massacres, cela pourrait fournir aux insurgés le soutien populaire dont ils manquaient jusqu’à présent »

Quel rôle des anciens hauts gradés du régime d’Assad ? 

L’escalade s’est enclenchée après une attaque sanglante de fidèles de Bachar al-Assad contre des forces de sécurité dans la ville côtière de Jablé dans la nuit de jeudi à vendredi, selon les autorités.Le lendemain, les forces de sécurité ont envoyé des renforts et lancé d’importantes opérations de ratissage dans la région. « Après la chute du régime le 8 décembre, ces anciens membres des forces militaires et paramilitaires du régime d’Assad se sont réfugiés dans les régions à majorité alaouite », ajoute Thomas Pierret. 

L’un de ces fugitifs a brusquement refait surface ces derniers jours : Ghaith Dalla, ancien officier de la 4e Division de l’armée syrienne. Désormais, ce haut gradé est à la tête d’un « Conseil militaire pour la libération de la Syrie », qui revendique l’insurrection armée contre le nouveau pouvoir de Damas.

À Jablé, les forces de sécurité ont capturé jeudi Ibrahim Houweïja, ancien chef des services de renseignement de l’armée de l’air, accusé de « centaines d’assassinats » à l’époque d’Hafez al-Assad, père de Bachar al-Assad, selon Sana. Il est notamment soupçonné d’avoir assassiné le chef druze libanais Kamal Joumblatt en 1977. « Il s’agit d’un vétéran : je doute qu’il soit particulièrement important dans l’organisation des événements actuels », précise Thomas Pierret. 

Le directeur provincial de la sécurité a également indiqué que les forces gouvernementales avaient affronté des hommes armés fidèles à un commandant des forces spéciales de l’ère Assad, Souheil al-Hassan, surnommé « le Tigre », dans un autre village de la région, Beit Aana. Mais il n’y a aucune indication de sa présence dans la région. 

« On a extrêmement peu d’informations sur ce que sont devenus les anciens officiers du régime, c’est un peu un des grands mystères de la chute d’Assad », précise Thomas Pierret. Une certitude pour le chercheur : « Les cadres de ce mouvement insurrectionnel alaouite, qui sont apparus sur des vidéos, sont des gens de grades bien moindres et beaucoup plus jeunes ».

Réactions

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a appelé ce samedi à garantir un accès « sécurisé » au personnel de santé et aux secouristes dans l’ouest de la Syrie, où des combats opposent forces de sécurité à des combattants fidèles au président déchu Bachar al-Assad. La France a quant à elle « condamné avec la plus grande fermeté les exactions qui ont frappé des civils sur une base confessionnelle et des prisonniers » en Syrie, alors que plus de 500 membres de la minorité alaouite ont été tués en trois jours. 

Avec RFI

1 COMMENTAIRE

  1. C’est dramatique pour les Syriens, tout ça à cause d’un dictateur sanguinaire qui a dit au peuple, c’est moi ou le chaos, son allié le régime Algérien n’a rien à lui envié . Du chaos est né un monstre avec Ahmed al Charaa chef terroriste devenu président avec une armée et des forces de sécurité des gangs terroristes.

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