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Tchad–France : récit d’une mémoire intime et engagée de Gnadang Ousmane

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Dans La voix de mon père, l’écho de ma mère, publié le 24 juillet 2025 dans la collection Graveurs de Mémoire, Gnadang Ousmane tisse un récit intime où l’histoire familiale rejoint la mémoire collective. Née en France et ayant grandi au Tchad, elle écrit depuis cet entre-deux fécond où se mêlent héritages, douleurs et espérances.

Entre la force du père et la douceur silencieuse de la mère, le livre de Gnadang Ousmane devient un acte de gratitude et de transmission, une manière de réparer par la parole et de réconcilier deux mondes, deux mémoires, deux cultures.

Engagée politiquement et socialement à travers Fegaye et son mandat municipal, Gnadang Ousmane inscrit également son parcours dans une réflexion sur la résilience et la justice sociale. Son écriture puise dans les rencontres et les expériences de l’exil, transformant l’intime en une force collective.

Le Matin d’Algérie : Votre livre commence par La voix de mon père, l’écho de ma mère. Pouvez-vous expliquer ce choix symbolique et ce qu’il représente pour vous ?

Gnadang Ousmane : Ce titre est né d’une évidence. La voix représente mon père, pour les actes, les valeurs et les repères qu’il a laissés dans ma vie. L’écho, c’est celui de ma mère, pour l’impact qu’elle a eu sur nous malgré un parcours hors du circuit scolaire.
Ce sont deux héritages qui se répondent : la parole et le silence, la transmission intellectuelle et la force du vécu. J’ai voulu les faire dialoguer à travers ce livre.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes née en France et avez grandi au Tchad. Comment ce double enracinement a-t-il façonné votre identité et votre écriture ?

Gnadang Ousmane :   Ce double enracinement m’a appris très tôt à naviguer entre deux mondes : celui du visible et de l’invisible, du rationnel et du symbolique. En France, j’ai appris les codes de la société moderne ; au Tchad, j’ai compris la profondeur des liens, la mémoire orale, la spiritualité du quotidien. Mon écriture puise dans cette tension : elle cherche à traduire ce que signifie être « d’ici et d’ailleurs » à la fois, sans devoir choisir.

Le Matin d’Algérie : Le récit mêle mémoire personnelle et dimension collective. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre histoire intime et sociologie du Tchad et de l’exil ?

Gnadang Ousmane : Mon histoire devient collective à partir du moment où elle résonne avec d’autres. Ce que je vis fait écho à de nombreux parcours de migration, de transmission ou d’exil.

L’équilibre se crée à travers les rencontres : ce sont les êtres, plus que les lieux, qui m’ont construite. Que ce soit au Tchad ou en France, chaque visage croisé m’a aidée à comprendre une part de moi-même et du monde.

Le Matin d’Algérie : L’exil, la maladie et l’amour familial sont des thèmes récurrents. Comment ces expériences ont-elles nourri votre écriture et votre réflexion sur la résilience ?

Gnadang Ousmane : Ces épreuves m’ont naturellement appris la résilience. Quand on traverse la maladie, la perte ou l’exil, on apprend à s’accrocher à la vie malgré la douleur.

Pour moi, la résilience est un choix. L’écriture a été mon outil thérapeutique, un moyen de transformer la souffrance en force et de me reconstruire pas à pas.

Le Matin d’Algérie : Votre livre explore la relation père-mère-enfant avec beaucoup de délicatesse. Quels souvenirs ou valeurs ont guidé ce portrait familial ?

Gnadang Ousmane : Le respect, avant tout : le respect de soi, des autres et de son rôle dans la société.

C’est une valeur que mes parents m’ont transmise, chacun à sa manière. Ce sont leurs principes, leur droiture, leur courage silencieux qui m’ont guidée dans ce portrait familial. J’ai voulu leur rendre hommage avec justesse et tendresse.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes également engagée politiquement et socialement à travers Fegaye et votre mandat municipal. Comment votre engagement nourrit-il votre travail d’écriture ?

Gnadang Ousmane : En réalité, c’est l’écriture qui a accompagné mes engagements. Elle m’a toujours aidée à me structurer, à me guider, à me soigner.
Aujourd’hui, ce premier livre marque une continuité : il me permet de prolonger cette passion, de transmettre autrement. Peut-être qu’un jour, d’autres parties de mon parcours prendront aussi la forme d’un livre.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi avoir choisi ce moment pour partager cette histoire, et pourquoi sous forme de livre ?

Gnadang Ousmane :  Il m’a fallu du temps pour transformer la mémoire en parole apaisée. L’écriture s’est imposée comme une évidence : un espace d’intimité et de profondeur. Il y a un an encore, je n’aurais pas imaginé publier ce récit, mais j’ai compris que partager ne m’enlevait rien, au contraire, cela donnait du sens à mon parcours, entre transmission et renaissance.

Le Matin d’Algérie : L’écriture devient un acte de mémoire et de transmission. Comment percevez-vous cette responsabilité ?

Gnadang Ousmane : C’est un devoir. Mes parents ont été une immense source d’inspiration, mais ils n’ont pas eu la chance de voir leurs enfants aller au bout de leurs projets.
Écrire, c’est les honorer, les rendre vivants autrement. C’est aussi une trace pour mes enfants et pour tous ceux qui ont des héritages similaires. Ce livre, c’est ma manière de leur dire merci, et de continuer leur histoire.

Le Matin d’Algérie : La France et le Tchad apparaissent comme des espaces symboliques dans votre récit. Comment avez-vous travaillé à traduire ces deux univers culturels dans la narration ?

Gnadang Ousmane : Le Tchad et la France sont mes deux pays. Je n’ai pas eu besoin de traduire ces univers : je les vis au quotidien.
Ces deux héritages m’habitent, ils se complètent et s’équilibrent. C’est depuis cette double appartenance que j’ai écrit, naturellement, sans artifice. Mon livre est le reflet de cette cohabitation intérieure.

Le Matin d’Algérie : Votre livre peut être lu comme un acte de réparation ou de réconciliation. Était-ce une intention consciente dès le départ ?

Gnadang Ousmane : Oui, sans doute. J’ai écrit pour me réparer et me réconcilier avec la douleur du deuil, avec les héritages parfois lourds que la perte réveille.
L’écriture m’a aidée à apaiser tout cela, à transformer la peine en paix intérieure. En écrivant, j’ai compris que la réparation commence souvent par la parole.

Le Matin d’Algérie : Quelle place accordez-vous à la dimension féminine dans la mémoire familiale et collective ?

Gnadang Ousmane : Elle est au cœur du livre. La voix de mon père, l’écho de ma mère met en lumière la force des femmes et leurs combats pour trouver leur place dans la société. En tant que fille et femme, j’y ai inscrit ma vision. Et je n’oublie pas que si j’ai pu trouver ma place, c’est aussi grâce à un père qui ne m’a jamais fait sentir de différence avec mes frères. Cette égalité vécue est une fondation de mon identité.

Le Matin d’Algérie : Enfin, que souhaitez-vous que vos lecteurs retiennent de votre livre ?

Gnadang Ousmane :  J’espère que les lecteurs y verront une histoire singulière qui parle à l’universel : celle d’une enfant du lien, de la mémoire et de la résilience.
Derrière chaque parcours, il y a un héritage qui guide nos pas. Le mien m’a façonnée, et ce livre en est le témoin.
Si chacun en ressort avec l’envie de réconcilier ses propres héritages, alors le pari est gagné.

Propos recueillis par Djamal Guettala

Gnadang OUSMANE

Fondatrice de l’association FEGAYE

Élue municipale à Toulouse 

Autrice – La voix de mon père, l’écho de ma mère (L’Harmattan, 2025)
Commande dédicacée : https://donate.stripe.com/8x2bJ172z024fgK5ImdAk01

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