Abdelmadjid Tebboune avait promis une « Algérie nouvelle ». Un slogan creux, devenu aujourd’hui le symbole d’une désillusion nationale.
Choisi par le général Gaïd Salah pour être président à l’issue d’une mascarade électorale, en pleine crise de légitimité, au lendemain d’un Hirak historique, Abdelmadjid Tebboune s’était présenté comme l’homme du dialogue, de la rupture avec les pratiques du passé, du respect des libertés. Six ans plus tard, le constat est brutal : les pratiques autoritaires ont été non seulement reconduites, mais raffinées.
L’Algérie étouffe et macère dans des discours rassurants, éloignés des réalités auxquelles font face les Algériens. Plusieurs faits en lien aux violations des libertés cette semaine démontent clairement toute la propagande officielle.
Le militant des droits humains Toufik Belala a été jugé début de semaine à Blida en raison de ses prises de position politiques. Lauréat du prix de la Liberté et de l’Avenir des Médias avec Michael Haller, El Kadi Ihsane n’a pu se rendre en Allemagne pour recevoir son prix. Le coordinateur du MDS, Fethi Gharès, a vu son procès reporté au 14 octobre. Il a été arrêté début octobre et placé sous contrôle judiciaire après ses déclarations critiques sur le chef de l’Etat. Ces faits sont la petite partie émergée de l’arbitraire qui ronge le pays.
Tebboune avait promis la liberté d’expression. On a eu un système totalitaire. En réalité, il a fait pire que Bouteflika, le chef de celui-là même qui est qualifié de aissaba (le gang) depuis fin 2019. La répression, plus subtile mais plus systématique, a remplacé le bâton brutal. La moindre parole libre ou critique est étouffée. Le moindre incendie dissident est brutalement réprimé avant qu’il s’étende. Les procès politiques se sont banalisés. Et la répression avec. La justice est vidée de son sens et son essence ; pire, elle sert de bras armé au pouvoir pour faire taire les contestataires. Même les avocats sont sommés de se taire.
Tebboune avait promis une presse libre. Aujourd’hui, les médias sont réduits au rôle d’agences de propagande. Les journaux dits indépendant, soumis au chantage par la publicité, ne mouftent plus, se contentant à relayer la vulgate officielle. Les journalistes subissent des pressions constantes, et les médias publics restent les porte-voix du discours officiel. L’espace numérique, dernier refuge des opinions libres, est surveillé, contrôlé, censuré.
Tebboune avait promis un État de droit, on a eu un Etat policier. Les citoyens sont soumis aux décisions erratiques de la justice. Les lois sont taillées sur mesure pour criminaliser la critique. Le tristement célèbre article 87 bis, décrié par les ONG de défense des droits humains et par la rapporteuse de l’ONU est systématiquement activée contre les citoyens pour justifier. La fameuse loi sur l’information ou celle contre la « désinformation » sont des instruments de musellement, pas de démocratie.
Tebboune avait promis la rupture avec le système corrompu. Pourtant, les visages n’ont changé que pour mieux conserver les méthodes. A commencer par sa personne. N’était-il pas dans plusieurs gouvernements de Bouteflika ? Voire son éphémère premier ministre ! Les intérêts clientélistes dominent toujours l’économie. La rente reste l’outil de gouvernance préféré, et la population, elle, continue de subir inflation, chômage et précarité.
Tebboune a juré un renouveau. Il a livré une continuité maquillée. L’Algérie attendait une transition. Elle a eu un mirage.
Sofiane Ayache