19 avril 2024
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Tebboune : retour sur une interview tartarinesque

DECRYPTAGE

Tebboune : retour sur une interview tartarinesque

L’interview accordée par le président de la République à l’hebdomadaire français Le Point avait quelque raison d’être attendue.

En cette période surchauffée et trouble, l’éclairage même relatif ne pouvait venir que du chef de l’Etat, pris évidemment dans sa fonction supérieure et pas comme acteur d’une lutte de clans qui ne dit pas son nom.

L’entretien était d’autant plus attendu qu’il était annoncé comme « révélations exclusives » et interview exceptionnelle par la rédaction du Point. Hélas ce ne fut, au final, qu’une répétition des idées obscures et moins obscures qui font la politique et la diplomatie algérienne ces derniers temps.

Tebboune a survolé la question du Hirak, évitant maladroitement de s’expliquer sur la vague de répression qui s’abat sur les manifestants. L’entretien a alterné entre les demi-réponses et l’esquive.

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Il y avait quelque chose d’embarrassant dans les réponses de M. Tebboune. Ce ne fut au final qu’une interview sur trois pattes. Ce n’est la faute à personne, ni des journalistes (quoiqu’il n’aurait pas été inutile qu’ils interviennent pour réguler les longues logorrhées du président). Ce n’est pas non plus la faute de M. Tebboune du moins pas tout à fait.

C’est l’Algérie d’aujourd’hui qui n’a rien a dire de nouveau. Rien d’autre que les évidences qui n’engagent personne à rien.

Rien d’autre que des répétitions creuses autour de principes usées par le temps et l’inaction. Il y eu certes quelques nouveautés énoncées par le président (sur le Sahel notamment et les relations avec la France mais sans plus). 

En fait, l’interview a démontré l’inexistence d’un projet sérieux.

Extraits sur le Hirak et la répression

Le Point : Opposition et activistes dénoncent les arrestations dans les rangs du Hirak et les entraves au travail des médias… 

Abdelmadjid Tebboune : Je n’utilise plus ce mot (Hirak) parce que les choses ont changé. Le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d’Algériens dans la rue. Ce Hirak-là a choisi la voie de la raison en allant à l’élection présidentielle. Il n’a pas écouté le chant des sirènes qui le poussait à aller vers une période transitoire, et dix millions d’Algériens sont allés voter. Une minorité a refusé l’élection. Je pense que tout Algérien a le droit de s’exprimer, mais je refuse le diktat d’une minorité. 

De plus, je m’étonnerai toujours du fait qu’un démocrate, qui se définit comme tel, rejette les urnes et prône la désignation. Quand il ne rejette pas l’opinion de la majorité, ce qui est en soi antidémocratique. Pourquoi voulez-vous désigner des personnes pour diriger le pays ? Qui êtes-vous ? Qui vous a fait roi ? « Qui t’a rendu si vain/Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main », pour reprendre Le Cid ! 

Aujourd’hui, dans ce qui reste du Hirak, on trouve de tout, il y en a qui crient « État islamique ! » et d’autres qui scandent « pas d’islam ! ». Les manifestants expriment peut-être une colère, mais ce n’est pas le Hirak originel. C’est très hétéroclite. 

En février, vous avez libéré la quasi-totalité des détenus du Hirak. Pourquoi ce raidissement actuellement ? 

Lorsque les marches, après la présidentielle, rassemblaient encore de 20 000 à 25 000 manifestants à travers le pays, j’ai été le premier à tendre la main aux gens du Hirak et à les recevoir. Dans mon premier gouvernement, on compte cinq ministres qui en sont issus. Des personnes que j’avais vues m’insulter dans des vidéos ! Ensuite, on a commencé à libérer des détenus pour arriver à 120 relaxés. Les gens continuaient à me critiquer, mais j’ai continué à faire des gestes. J’ai l’impression que cela a été interprété comme une faiblesse. Les gens pensaient qu’on était dos au mur. Ils se trompaient. 

Pour moi, le manifestant et le policier qui maintiennent l’ordre public sont les enfants de la même République. Je n’ai pas le droit de les laisser s’affronter. D’autant plus que les appels à la violence étaient clairs. Tant qu’on était au stade des idées, il n’y avait pas de problème, mais les appels à la violence, c’est autre chose. 

Pourquoi Rachad (mouvement d’opposition en exil formé notamment des ex-FIS) et le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) ont-ils officiellement été déclarés mouvements terroristes ? 

Parce qu’ils se sont eux-mêmes déclarés tels. Rachad a commencé à mobiliser tous azimuts, à donner des instructions pour affronter les services de sécurité et l’armée. Le MAK a tenté d’agir avec des voitures piégées. Face aux appels à la violence, la patience a des limites. 

Comment se présentent les élections législatives du 12 juin alors qu’une bonne partie de l’opposition a choisi de boycotter le scrutin ? 

On ne voit pas les choses de la même manière. Ce que j’observe à travers tout le pays ne dit pas que les Algériens, dans leur majorité, sont opposés aux élections législatives. 

Vous me dites une « bonne partie de l’opposition » : combien sont-ils ? Au vu des instruments de mesure dont nous disposons, il s’agit d’une minorité qui se présente comme une majorité grâce à une médiatisation à outrance, notamment outre-mer. Certains ambassadeurs, malheureusement, ne voient que cette minorité et ne vivent qu’avec elle, et ignorent la majorité des Algériens, induisant en erreur les pays auxquels ils appartiennent… 

Je sais qu’il y a un engouement pour ces législatives, notamment chez les jeunes, alors que tout récemment, ils ne s’inscrivaient même pas sur les listes électorales. Il n’y a pas d’autre issue. Et tous ceux qui veulent entraîner le pays vers l’aventure sont en train de perdre leur temps. 

Quand j’étais malade et que les rumeurs enflaient, me donnant même comme décédé, la plupart des Algériens étaient angoissés, même parmi ceux qui n’ont pas voté pour moi ou qui ne m’apprécient pas. Parce qu’ils veulent que le pays reste sur la voie de la légalité. 

Le correspondant du journal « Liberté » à Tamanrasset a été arrêté et placé sous mandat de dépôt pour un article de presse. Comment est traité son cas alors que la Constitution interdit l’emprisonnement d’un journaliste qui exerce son métier ? Peut-on espérer une évolution positive de sa situation ? 

Il a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. Très grave ». 

Auteur
Mohamed Benchicou

 




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