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samedi 17 mai 2025
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Thierry Aymès : un philosophe à la croisée des arts et des idées

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Thierry Aymès est un philosophe, psychanalyste, écrivain, auteur, compositeur, interprète et arrangeur, conférencier français né à Avignon, reconnu pour son approche originale et multidisciplinaire de la philosophie, combinant réflexion philosophique, musique et art. 

L’œuvre de Thierry Aymès se distingue par sa capacité à lier philosophie et musique. Il publie Vous êtes philosophe sans le savoir, un ouvrage visant à rendre la philosophie accessible à un large public en la reliant à la vie quotidienne, puis, La philo en 50 chansons, où il utilise des chansons populaires pour explorer des concepts philosophiques, rendant ainsi la réflexion plus ludique et accessible.

Utilisant la philosophie et la musique pour favoriser la réflexion et l’inclusion sociale. Ces projets témoignent de son engagement envers le bien-être et la réconciliation des individus avec eux-mêmes.

En tant qu’auteur et créateur, il fonde les Éditions du Chien qui Passe, une maison d’édition indépendante offrant une alternative aux systèmes d’édition traditionnels. Elle prône une vision de l’écriture comme un acte vital et propose des services à des tarifs accessibles.

Dialogue à une voix – Tome I, publié par les Éditions du Chien qui Passe en 2024, propose une exploration introspective, menant un dialogue intérieur qui s’inscrit dans la tradition socratique de la pensée, conçue comme « un dialogue de l’âme avec elle-même ».

À travers ses ouvrages, concepts novateurs et interventions sociales, Thierry Aymès a prouvé que la philosophie peut être un outil vivant et accessible, capable de stimuler la réflexion et la créativité dans des contextes variés. Il continue d’enrichir le monde intellectuel et créatif avec ses projets audacieux, offrant une vision novatrice de la philosophie dans le monde moderne.

Dans cet entretien, Thierry Aymès revient sur un parcours aussi riche qu’atypique, marqué par une volonté constante de décloisonner les disciplines. Chez lui, la philosophie ne se cantonne pas à l’abstraction : elle entre en résonance avec la musique, la création artistique, la poésie. Sa pensée, libre et vivante, s’emploie à rendre les concepts accessibles sans jamais les appauvrir, à relier savoir et vécu, profondeur et légèreté. 

À travers ses ouvrages, ses expériences de terrain et ses initiatives originales, Thierry Aymès trace un chemin singulier où l’audace créative devient un mode d’existence et de transmission.

Le Matin d’Algérie : Votre parcours est très diversifié, alliant philosophie, musique et création. Comment ces différentes passions se sont-elles influencées et enrichies mutuellement au fil de votre carrière ?

Thierry Aymès : Effectivement, je suis ce que l’on pourrait appeler un multiste. Au grand de certains, très vite, je ne m’en suis pas tenu à une seule activité. Musique, dessin, peinture, poésie, littérature, théologie, philosophie, psychologie et création d’objets comme de jeux de lettres m’ont happé tout entier sans que je me résigne à en privilégier un seul.

Je ne saurais vous dire comment chacune de mes activités enrichit telle ou telle autre. Créer, improviser, tant à la voix qu’au piano a très tôt été une attitude qui n’a plus varié. L’érudition m’intéresse moins que l’acte de penser ou de créer, de découvrir ce qui est le plus souvent « couvert » par ce que l’on sait et que, par facilité, l’on étale le plus souvent comme une fin en soi.

Le Matin d’Algérie : Dans vos ouvrages, vous avez su rendre la philosophie accessible à un large public. Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre cette démarche et comment trouvez-vous l’équilibre entre profondeur philosophique et accessibilité ?

Thierry Aymès : Très simplement, je vous répondrai que mon souci de vulgarisation de certains concepts philosophiques se doit tout entier au fait que j’ai vécu mon adolescence avec des gens simples qui n’étaient pas pour autant idiots et que les philosophes semblaient ignorer, voire mépriser.

Par ailleurs, mes grands-parents maternels que j’ai beaucoup aimés étaient de tout petits paysans que j’ai choisi de ne pas oublier en me liant définitivement à eux en allant chercher tout d’abord le fond philosophique qui soutient certaines expressions populaires dont on ne soupçonne pas la richesse.

« Je te présente ma moitié » renvoie au Banquet de Platon (Vous êtes philosophe sans le savoir – 1997). J’ai tenu quelques années plus tard à arrimer la philosophie à un support que l’élite intellectuelle française tient pour mineure, à savoir la chanson de variété (La philo en 50 chansons – 2013). Ce qui m’a poussé à populariser la philosophie est donc avant tout d’ordre sentimental.

Le Matin d’Algérie : Le concept du « Karaoké-philo » est un mélange inédit entre philosophie et musique. Comment est née cette idée et quel impact pensez-vous que cela ait sur la manière dont les gens abordent la philosophie ?

Thierry Aymès : Ce concept que je suis le premier à avoir imaginé est directement lié au livre que je viens d’évoquer. Quelques années plus tôt, en 2008, j’avais conçu une antisèche musicale philosophique « Philosong » qui permettait aux élèves de Terminales de mémoriser efficacement les notions cruciales inscrites au programme du baccalauréat de philosophie. N’avez-vous pas appris à réciter vos tables de multiplication en chantant ? Moi si ! Je n’ai fait qu’aller un peu plus loin dans ce sens.

Le Matin d’Algérie : Vous avez travaillé dans des environnements très variés, notamment en milieu carcéral et en EHPAD. Comment la philosophie et la musique peuvent-elles être des outils de transformation dans ces contextes particuliers ?

Thierry Aymès : En EHPAD, je ne suis a priori intervenu qu’en tant qu’animateur, mais très vite, j’ai entrepris, avec l’accord du directeur, d’écrire un livre « Sous la mémoire… » (un EHPAD vu du ciel) préfacé par Jean-Yves Leloup, au bénéfice de l’Association dans lequel je livre effectivement mes impressions, mes émotions et les pensées qui ont germé dans mon esprit à cette occasion. La philosophie n’a donc pas été convoquée à la racine, mais dans un second temps et je ne m’en suis pas servi pour travailler avec les très vieux résidents de l’EHPAD des 7 rivières situé à Bédarrides dans le Vaucluse.

En revanche, la musique a très vite été un vecteur dont je savais qu’il était à même de réactiver certaines zones cérébrales depuis plus ou moins longtemps en jachère chez « nos aïeux infortunés ». Et je suis allé jusqu’au bout en organisant deux concerts avec des stars des années 80 et en produisant un album « PHIL IT » dans lequel figure une chanson où l’on peut entendre une bonne vingtaine de nonagénaires parler ou fredonner « la valse des 7 rivières ».

Une dame qui n’avait plus dit un mot depuis longtemps termine la chanson toute seule (sans musique) au grand étonnement de toutes et tous. Pour ce qui est du milieu carcéral, j’ai organisé des ateliers de réflexion autour de thèmes relatifs aux détenus volontaires comme : la liberté, la trahison, la loi, la violence etc. En tant que « psy » judiciaire, je faisais parfois du cas par cas, organisais des rencontres parents/enfants, mais orchestrais également des réunions au cours desquelles il était du couple, de la violence conjugale etc.

Le Matin d’Algérie : En tant que fondateur des Éditions du Chien qui Passe, vous avez mis l’accent sur une approche originale de l’édition. Quelles valeurs et principes vous guident dans ce projet éditorial ?

Thierry Aymès : Je m’intéresse à toute sorte d’écrits, mais j’avoue avoir une prédilection pour les manuscrits de qualité qui n’ont pas trouvé grâce aux yeux des grandes maisons d’édition essentiellement préoccupées par la rentabilité. Les éditions du chien qui passe fonctionnent à compte d’auteur et s’adressent « in fine » aux personnes qui n’ont plus le temps d’attendre 5 à 6 mois une réponse le plus souvent négative en provenance des grandes maisons d’édition. Sans doute, un peu à la façon d’un justicier, me suis-je lancé dans cette aventure dans le but symbolique de réparer certaines injustices. Un labrador noir et vieillissant est désormais notre chien emblématique. Au passage, nous avons récemment publié un « Manifeste des Agones » dans lequel nous établissons une distinction entre celles et ceux qui écrivent pour ne pas mourir et les autres, sans pour autant suggérer une hiérarchisation entre les deux qui ne font cependant pas la même chose lorsqu’ils écrivent.

Le Matin d’Algérie : L’innovation semble être au cœur de votre travail, tant dans la philosophie que dans la création musicale ou technologique. Comment voyez-vous l’avenir de la philosophie à travers les prismes de la technologie et de la culture populaire ?

Thierry Aymès : Vaste question ! L’intelligence artificielle est parvenue à mettre en algorithmes la façon de penser qui nous est plus ou moins imposée par les écoles et les concours (non pas le contenu), mais elle ne pense pas à proprement parler dans la mesure où comme pourrait le dire Michel Henri l’un de mes professeurs de philosophie à la faculté de Montpellier : « Elle ne sent pas et ne se sent pas » ; j’ajouterai pour ma part qu’elle n’a ni inconscient, ni généalogie. Bien sûr est-elle déjà dotée d’un biais idéologique, et à ce titre sans doute est-elle de temps à autre à même de prendre parti comme un être humain, mais en général, elle n’en est pas encore capable. « Prendre parti » suppose un corps, une émotivité, un inconscient et un héritage transgénérationnel. Tout ceci sera bientôt mimé, j’en suis malheureusement certain, et c’est pour cette raison que je crois en un retour des réunions entre humains, à la façon des veillées comme les ont connues nos parents et nos grands-parents. Seule « la présence réelle » sera salvatrice contre les images et les vidéos dont on ne sait déjà plus si elles sont générées ou non par l’IA.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Thierry Aymès : De nombreux livres à éditer sont sur la planche, mais ils ne sont pas ce que vous entendez par « projet ». Je cherche des codeurs pour un jeu de lettres que je souhaiterais faire exister sur Androïd et iPhone, j’envisage d’enregistrer en studio des improvisations au piano accompagnées de textes ou pas ou de réquisitionner un ou une pianiste pour interpréter des pièces dites « classiques » que j’ai composées pour piano et… j’espère vivre le plus longtemps possible en bonne santé comme je le souhaite à tous les êtres humains.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Thierry Aymès : Merci pour l’intérêt que vous avez manifesté pour moi et auquel je ne m’attendais absolument pas. Allahu yahfazukum.

Entretien réalisé par Brahim Saci 

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