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Tout le monde se cache derrière les « instructions » ?…

REGARD

Tout le monde se cache derrière les « instructions » ?…

« Les temps approchent où la loi sera supérieure à la police… et où le respect de la liberté individuelle deviendra une réalité », in journal La Lanterne, 13 janvier 1879 *

Dans un pays où, aucune voie de recours n’est possible et où, même les voies supposées être légales sont inopérantes et sous tutelle, dans un pays où le pouvoir recourt à la violence, à la brutalité, à l’arbitraire pour « arbitrer » et gérer les conflits, ce pays-là est à refaire. De fond en comble…

Les Tuniques bleues s’acharnent sur les Robes noires… Intolérable! L’opinion est sous le choc. D’aucuns disent que le Rubicon est franchi. Mais, combien de fois ce Rubicon n’a-t-il pas été franchi ? Des précédents, on en déjà vu. Oran. Aujourd’hui. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, les Algériens sont témoins « involontaire » d’abus d’autorité. Les hommes censés incarner la loi sont passés à tabac.

Les magistrats brutalisés au sein même d’un tribunal, théâtre de toutes les « dérives ». Des scènes affligeantes. Des policiers, les Tuniques bleues et des éléments de la Gendarmerie, blindés jusqu’aux dents, chargent et s’acharnent contre les Robes noires. Des cris déchirants de magistrates, malmenées, résonnent sous les arcades du Palais de Justice. On se croirait dans une scène d’un film d’horreur. On n’en est pas loin. 

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Des avocats présents sur les lieux se démarquent clairement de leur « collègues »: « Non, nous ne sommes pas des juges, nous ne sommes pas concernés ». C’est le « divorce »! Les juges eux, scandent  » Pour une Justice libre et stable » (3adala hourra moustaqirra). En principe, Ils doivent et peuvent déposer plainte. Oui, mais auprès de qui? Ils sont en grève. Auprès des commissariats de police. Oui, mais c’est la police qui les tabasse. Auprès de leur ministère de tutelle. Oui, mais, c’est ce dernier, lui-même qui a donné instruction. Auprès du chef de l’Etat ? Auprès du Chef de quoi? Tu veux un sourire à la Poutine? Non, l’autre Chef de l’Etat. Le vrai. Jusqu’au bout? … Effondrée, et avec l’énergie du désespoir, une magistrate tente de ramener à la raison un élément antiémeute. Ce dernier, imperturbable, lui réserve une réponse aussi froide que l’acier de sa matraque « Nous avons reçu des instructions… » 

Tout le monde se cache derrière les instructions ?… En fin de compte, c’est le citoyen lambda qui casque, lui seul paie les pots cassés. Le régime dresse, manipule, monte et remonte les uns contre les autres. Pour sa pérennité. Le contrôle de la rente. La tenue de la présidentielle, sa hantise, vaille que vaille. Le policier face au juge se justifie: « on a reçu des instructions pour vous tabasser. » Le juge face au détenu politique, au citoyen, se donne raison par la même formule: « On a reçu des instructions pour vous mettre en prison. » Il n’y a que le citoyen, à la merci du policier et du juge, qui ne reçoit pas d’instructions, qui les subit… 

L’Etat de droit n’est ni l’Etat policier, ni la république des juges, ni le pouvoir des généraux, ni des oligarques, ni celui d’un clan ou d’une caste. C’est la séparation des pouvoirs. La force de la loi. La loi rien que la loi adoptée et admise par tous. Le régime impose au pays la loi de la force. Draa3! Il n’y a pas d’autre mot. P…! L’Algérie, ses citoyens, ses juges, ses policiers, ses avocats, ses enseignants, ses médecins, ses journalistes, ses artistes, ses jeunes, ses femmes, ses enfants, son peuple ne méritent pas ça! 

Tant que la loi n’est pas l’émanation du peuple, tant qu’elle est imposée par une poignée de personnes, au nom du peuple, tant que le pouvoir ne s’impose pas des garde-fous et n’impose pas des limites et une morale à la force publique, le peuple subira éternellement l’oppression et la répression. Au nom de la « loi »… 

Y a-t-il encore, dans ce pays, une place pour l’espoir, celui, qu’un jour, la loi sera supérieure à la police, au pouvoir et les libertés individuelles et collectives deviendront une réalité ? N’insultons pas l’avenir…

R. Z.

* Journal satirique, critique du pouvoir de l’époque, dirigé par Henri Rochefort, fondé en 1868, édité à Paris puis Bruxelles. Il a été vendu clandestinement avant de cesser de paraître en 1876.

Auteur
R. Zenati

 




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