À Gabès, dans le sud-est de la Tunisie, la justice continue de traiter les dossiers liés aux manifestations contre la pollution industrielle, qui ont secoué la ville depuis le 14 octobre 2025.
Ces mouvements sociaux, déclenchés par la colère des habitants face aux émissions toxiques des complexes chimiques locaux, ont conduit à des arrestations massives et à des tensions croissantes entre la population et les forces de l’ordre.
Selon plusieurs avocats présents sur place, certains détenus ont affirmé avoir subi des violences physiques et des actes de torture lors de leur garde à vue. L’avocate Hamida Chaïb, membre de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, a déclaré à Ultrasawt que « la défense a demandé à ce que les détenus soient présentés à un examen médical afin de documenter les blessures et compléter les plaintes contre les agresseurs présumés ».
Elle a ajouté que le protocole légal n’avait pas été respecté, citant notamment des auditions menées sans la présence d’avocats et l’absence de suivi médical, ce qui compromet la légalité de certaines procédures.
Mercredi 22 octobre 2025, sept détenus ont été jugés devant le tribunal de première instance de Gabès pour participation à un rassemblement perturbant la tranquillité publique, usage de substances dangereuses et trouble à l’ordre sur la voie publique. Un mineur, quant à lui, a été entendu puis relâché, avec un suivi judiciaire ultérieur prévu. La défense a insisté sur l’annulation de certaines poursuites et la reconnaissance de l’invalidité des confessions obtenues sous la contrainte.
Le mouvement de soutien aux détenus a mobilisé plus de soixante avocats venus de différentes régions de Tunisie, un déploiement rare qui témoigne de l’importance symbolique et sociale de cette affaire. L’avocat Sami Ben Ghazi a indiqué sur son compte Facebook que « les procès se poursuivent, et plusieurs détenus continuent de témoigner de violences et de mauvais traitements subis pendant leur détention ».
La Ligue tunisienne des droits de l’homme avait déjà dénoncé le recours excessif à la force pour réprimer ces manifestations pacifiques, qui ont entraîné des blessures parmi les participants et l’arrestation de 89 personnes, dont une vingtaine de mineurs. L’organisation a appelé les autorités à respecter le droit de manifester, à garantir la sécurité des citoyens et à suspendre toutes les poursuites contre ceux qui ont exercé leur droit fondamental à protester.
Le Parti républicain tunisien, pour sa part, a exprimé sa solidarité avec les habitants de Gabès, estimant que la mobilisation populaire a mis en lumière « les contradictions du discours officiel et la nécessité de protéger les droits civils et environnementaux ».
Cette affaire met en lumière la tension croissante entre les citoyens et les autorités face aux enjeux environnementaux et aux réponses sécuritaires à la contestation sociale. Les prochaines semaines seront cruciales pour évaluer la capacité de la justice tunisienne à concilier respect des droits humains et maintien de l’ordre public, tout en répondant aux préoccupations légitimes des populations locales exposées à la pollution.
Mourad Benyahia