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Tunisie : la « cause du complot » ajournée, entre irrégularités judiciaires et colère populaire

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La Cour d’appel de Tunis a reporté au 17 novembre 2025 l’examen en appel du dossier dit du “complot contre la sûreté de l’État”. Cette affaire emblématique, qui implique près de quarante opposants tunisiens, symbolise aujourd’hui la dérive autoritaire de Kaïs Saied et la mise au pas d’une justice.

Parmi les accusés figurent d’anciens ministres, des dirigeants de partis politiques, des militants et des figures médiatiques. En avril dernier, le tribunal de première instance avait prononcé des peines allant de quatre à soixante-six ans de prison, dans un verdict jugé “inique et politique” par la défense. Les avocats dénoncent depuis un procès “taillé sur mesure pour écraser l’opposition”.

Une audience reportée dans le flou et la tension

Selon Me Mohamed Ali Bouchiba, membre du collectif de défense, l’audience d’appel prévue le 27 octobre s’est tenue “dans des conditions opaques et irrégulières”. “Les accusés en liberté n’ont pas été convoqués dans les formes légales, tandis que les détenus n’ont pas été extraits de leurs cellules sans explication de l’administration pénitentiaire”, a-t-il précisé à ultra Tunisie. Le report de la séance au 17 novembre a donc été décidé, faute de présence effective des parties.

La tension était palpable aux abords du palais de justice, placé sous haute surveillance policière. Des avocats et journalistes, y compris ceux de l’agence officielle TAP, ont été empêchés d’accéder à la salle d’audience. Face à cette situation, le bâtonnier Boubaker Ben Thabet a décidé de suspendre toute participation des avocats à la procédure jusqu’à correction des irrégularités et respect des principes d’un procès public.

Une justice à huis clos et un peuple en colère

À l’extérieur du tribunal, les familles des détenus et de nombreux militants ont tenu une manifestation pacifique pour réclamer la fin des procès “à distance” et l’ouverture d’une audience publique et contradictoire. Sur les pancartes et dans les chants, les slogans fusaient : “جلسة حضورية حق موش مزية” (“Une audience publique est un droit, pas une faveur”) ou encore “لا عدالة لا قانون شرفاء في السجون” (“Pas de justice, pas de loi, les honnêtes gens sont en prison”).

La militante Chayma Issa, poursuivie elle-même dans ce dossier, a fustigé une “politique d’intimidation et de harcèlement”. “Les accusés, qu’ils soient libres ou incarcérés, subissent un déni de justice. Nous vivons dans la peur, le chantage et la répression”, a-t-elle déclaré. De son côté, Mounia Ibrahim, épouse du détenu politique Abdelhamid Jelassi, ancien dirigeant du parti Ennahdha, a dénoncé “un procès fabriqué de toutes pièces”. Elle a appelé à ce que “les audiences soient retransmises à la télévision publique, financée par les impôts des Tunisiens”.

Des réactions politiques et juridiques en chaîne

Les réactions n’ont pas tardé. Le Parti des travailleurs a dénoncé une “mascarade judiciaire” et un “instrument de vengeance politique”. Le Courant démocratique et le Parti républicain ont parlé d’“une justice aux ordres”, accusant le régime de Kaïs Saïed d’utiliser les tribunaux pour neutraliser toute voix dissidente.

Des juristes ont également pris la parole pour alerter sur la dérive. Sana Ben Achour, professeure de droit public, s’est interrogée dans une tribune sur le sens de ces détentions prolongées et de ces procès d’exception : “Nous assistons à une violation systématique du droit à la défense, au nom d’une raison d’État devenue outil de répression. Les lois d’exception défigurent le droit pénal et piétinent la dignité humaine.”

Un tournant inquiétant pour les libertés en Tunisie

Adopté durant la pandémie de Covid-19, le décret autorisant les procès à distance sert désormais à juger des opposants politiques, sans confrontation directe avec les juges. Pour la défense, ce dispositif, détourné de son objectif initial, “instaure une justice virtuelle et autoritaire”.

Au-delà de cette affaire, c’est toute la question de la séparation des pouvoirs et de la liberté d’expression qui se pose dans une Tunisie de plus en plus verrouillée. Six ans après son arrivée au pouvoir, Kaïs Saïed concentre entre ses mains les leviers exécutif, législatif et judiciaire. Les procès politiques, les arrestations arbitraires et le musellement des médias rappellent, pour beaucoup d’observateurs, les heures sombres de l’autoritarisme d’avant 2011.

En Tunisie, l’autocrate Kaïs Saied fait désormais consensus contre sa personne. Et la “cause du complot” n’est plus seulement une affaire judiciaire. Elle est devenue le miroir d’une démocratie en péril, où les opposants politiques, les avocats et les journalistes paient le prix d’avoir voulu défendre un État de droit que le pouvoir, aujourd’hui, semble vouloir effacer.

Mourad Benyahia 

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