Gabriel Boric Photo via @gabrielboric
Dans ma petite commune, en Basse-Kabylie, un jeune homme d’une trentaine d’années est élu officiellement maire. Ce qui est très positif, à plus d’un titre, dans la mesure où cela donne du sang neuf au niveau local.
Énergique et plein de volonté, le nouvel édile compte poursuivre, paraît-il, son travail de militant associatif dans le milieu social, mais d’une autre façon : s’attaquer aux problèmes de la commune à partir de la source d’autorité.
En revanche, pour d’aucuns, combien nombreux d’ailleurs dans la région, le nouveau maire est si jeune pour une telle fonction! Autrement dit, la commune mérite un vieux expérimenté pour sa gestion, vu la complexité des défis auxquels font face ses habitants au quotidien : chômage endémique, manque d’infrastructures, précarité, enclavement, etc.
Pourquoi un vieux et pas un jeune? Question complexe qui renvoie au psychisme qui domine les mentalités en Algérie : la maturité n’est pas une affaire de compétence, d’intelligence ou d’engagement sur le terrain, mais d’âge! Un gros problème culturel qui gangrène par ses métastases la société dans son ensemble! Comme par hasard, avant-hier soir, en naviguant sur le net, je tombe sur un joli « breaking news », Gabriel Boric, un jeune chilien de 35 est élu président de la République.
Activiste d’extrême-gauche, Boric a, d’abord, milité dans le syndicat de son université avant d’être élu député de circonscription. Ayant pris part aux manifestations de 2011 contre les frais exorbitants d’entrée à l’université, il a eu son baptême de feu pour les luttes sociales. Si l’âme du militant engagé était née en lui à cette époque-là, c’était sans doute parce que la société, la sienne, lui avait donné la possibilité d’être ce qu’il est devenu aujourd’hui.
L’étoile a souri au Chilien qui n’a rien vécu du règne du socialiste Salvador Allende ni moins encore de celui du militaro-libéral Augusto Pinochet et qui, en un rien de temps, est devenu la première personnalité, sinon le premier jeune président de l’histoire de son pays.
Il n’y a pas de secret à cela : la pépinière du militantisme associatif n’est pas laissée en friche dans ce pays de l’Amérique du sud, pourtant rompu aux pronunciamientos et aux coups de force. L’université est un lieu où l’on sème les vertus du civisme, la démocratie, la lutte pour l’intérêt général et le militantisme.
En gros, la différence entre le Chili et l’Algérie, deux pays qui appartiennent pourtant à l’ensemble géopolitique du Tiers-Monde, c’est que le premier, malgré la parenthèse de la dictature de Pinochet, n’a pas asphyxié toutes les pores sociales, laissant une marge de manœuvre démocratique à la société civile pour faire prospérer son génie en toute liberté.
Tandis que chez nous en Algérie, la société civile n’existe que pour survivre, grâce à la rente pétrolière dont disposent les autorités politiques, lesquelles l’instrumentalisent à leur guise et recourent, si désobéissance civile il y a, à l’outil de la répression. Le gâchis de ces dernières décennies est tel que notre jeunesse a perdu espoir en la politique comme tremplin de changement démocratique.
Une erreur gravissime dont on paie les conséquences à tous les niveaux. Le cortège des pateras qui défilent vers l’autre rive, avec à bord, des centaines de diplômés chômeurs, en est la terrible démonstration.
Kamal Guerroua