24 avril 2024
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Un festival international de la caricature bloqué par les autorités à Oran

RESISTANCE SOLIDAIRE FACE A L’ARBITRAIRE

Un festival international de la caricature bloqué par les autorités à Oran

Durant l’époque très obscure du nazisme, le responsable des Jeunesses hitlériennes avait déclaré : « Quand j’entends parler de culture, je sors mon revolver ! » (1) Et le monde constata ce que signifia concrètement cette déclaration : la mort de l’authentique culture allemande et la domestication du peuple allemand jusqu’à transformer ses enfants en bêtes criminelles, massacrant tout ce qui était resté humain et cultivé.

On vient d’apprendre que Nour El Yakine Ferhaoui, le jeune initiateur du Festival international de la caricature et du dessin de presse, et président du comité d’organisation, a lancé un cri non pas de joie mais de …détresse ! À Qui ?… Au wali d’Oran et au ministre de la Culture. Pourquoi ?… Parce que des autorités administratives d’Oran entravent ce projet. Ferhaoui écrit au journal Le Matin d’Algérie :

« L’événement en question pourrait être annulé d’une minute à l’autre parce que je n’ai reçu aucun appui financier, et le directeur de la culture de la wilaya d’Oran, M. Kouider Bouziane, me met les bâtons dans les roues pour que je jette l’éponge et abandonne le projet, pourtant j’ai dénoncé ça dans plusieurs journaux, mais sans aucun espoir, et aucune des autorités n’a bougé le moindre doigt ou estimé cet événement. »

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Commençons par reconnaître que, de la part des « autorités », un appui financier ou « bouger le moindre doigt ou estimer cet événement », n’est pas une obligation, à moins que ces « autorités » soient réellement représentatives du peuple et de ses intérêts. Est-ce le cas ?… Il reste donc à compter sur ses propres moyens et la solidarité des personnes qui considèrent valable ce projet.

Ceci étant clarifié, demeure le problème signalé par Ferhaoui : le comportement négatif du directeur de la culture de la wilaya d’Oran.

Posons-lui donc publiquement les questions qui s’imposent. Est-ce que le projet de Ferhaoui est menaçant pour la sécurité du pays ? Charrie-t-il un obscurantisme dangereux ? Porte-t-il atteinte à l’ordre public ? Met-il en question les « valeurs nationales » ? Invite-t-il, à la manifestation prévue, des espions à la solde de puissances hostiles ? Défend-il des idées contre l’authentique culture, laquelle est libre connaissance ?…  Si tel est le cas, que les représentants de l’autorité le déclarent publiquement, et nous les soutiendront. Car seule la vérité est à considérer.

À moins de cette clarification, il est légitime de poser la question : pour quel motif des autorités administratives causent des entraves qui empêchent cet événement, non seulement national mais international ? Seize invités algériens, et sept  étrangers (Tunisie, Maroc, Burkina-Faso, France, Espagne, Canada, USA). Le projet semble apporter de la connaissance, de l’authentique culture, de la réflexion, et même de l’humour !

Pour l’instant, une seule hypothèse se présente. La caricature et le dessin de presse sont, toujours et partout dans le monde, considérés comme une menace par toute espèce de potentat. La caricature et le dessin de presse sont l’arme culturelle la plus redoutée par ces potentats, parce qu’elle les ridiculise par le sain et libérateur rire.

Alors, dans le cas en examen ici, avons-nous affaire à ce genre de potentats ?

Le silence des autorités obligent, donc, à se poser d’autres questions. Sommes-nous encore à l’époque du colonialisme français, où toute tentative d’authentique culture destinée au peuple colonisée était entravée ? Sommes-nous, aujourd’hui, en présence d’un colonialisme intérieur où toute entreprise culturelle du même genre est empêchée ?… Ce serait, alors, une très grave insulte à la mémoire et à la lutte de nos combattants de la guerre de libération nationale, outre qu’au peuple, ainsi qu’à la culture. Ce serait, par suite, un mépris pour des citoyens et citoyennes dont le seul tort est de contribuer à l’épanouissement de la culture libre et de l’humour salvateur dans le pays. N’est-on pas, encore une fois, en présence d’un acte de hogra (humiliation), mais, cette fois-ci, non de la part d’individus, mais de responsables censés représenter le peuple, selon la formule de nos communes : « Par le peuple et pour le peuple »… Jusqu’à quand, donc, doit-on écrire, dénoncer, s’indigner et résister à l’arbitraire contre la culture citoyenne authentique ?

Comment doit-on considérer le silence des autorités concernées, ajouté à leurs entraves, sinon comme un arbitraire ? Comment comprendre le comportement du directeur de la culture d’Oran ? Agit-il de manière autonome ou sur ordre ? Dans le premier cas, qu’attendent ses supérieurs pour lui ordonner de se conformer à sa mission de fonctionnaire ? Dans le second cas, il ne s’agit alors plus de la seule responsabilité arbitraire de ce directeur de la culture, mais de celle de ses supérieurs hiérarchiques. Le cas devient plus grave et plus révoltant.

Cet arbitraire, quelques soient les responsables qui le manifestent, n’oblige-t-il pas les citoyennes et citoyens à s’organiser de manière libre, autonome et solidaire pour effacer cette insulte bureaucratique à leur droit légitime à la culture et à l’humour ? Car si l’on ne témoigne pas de solidarité à Nour El Yakine Ferhaoui, ce courageux initiateur d’une enrichissante initiative culturelle (à moins que les autorités déclarent pourquoi elle ne l’est pas), cette résignation ou cette indifférence auront pour victime d’autres courageux initiateurs d’autres enrichissantes initiatives culturelles. Qui se tait est complice de l’arbitraire, et l’encourage.

Ce silence montre aux « responsables » qui entravent le projet de Ferhaoui qu’ils peuvent sans problème mépriser et interdire, selon leur illégitime désir. Par conséquent, que le maximum de solidarité active soit manifesté, le plus tôt possible, et partout, au projet de Ferhaoui. Que des associations (2) lui offrent l’espace pour préparer son projet, que celles et ceux qui ont la possibilité d’aider Ferhaoui, d’une manière ou d’une autre, le fassent, que chacun et chacune expriment le soutien à ce projet, selon les possibilités personnelles. Seulement ainsi est assurée la liberté citoyenne, indispensable pour l’existence d’une société culturellement saine, socialement libre et éthiquement solidaire !

K. N

Email : kad-n@email.com

Notes

(1) En réalité, il avait omis de citer l’auteur de cette phrase, un dramaturge allemand dans sa pièce de théâtre.

(2) Rappelons, entre autre, que le Théâtre Régional d’Oran dispose de convenables espaces, notamment la « salle de danse ». Le projet de Ferhaoui pourrait s’y dérouler de manière satisfaisante. Nous invitons donc le directeur de cet établissement public (autrement dit du peuple)  à répondre au cri de détresse de celui qui a le courage d’avoir eu l’initiative d’une si belle manifestation artistique et culturelle.

 

Auteur
Kadour Naïmi

 




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