22 novembre 2024
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Un petit matin, avec un Oranais, Jean Pierre El Kabbache

Jean-Pierre El Kabbache
Jean-Pierre El Kabbache a cassé sa pipe

Un grand journaliste est mort, un Oranais nous a quittés. Quelle que soit l’opinion de certains à son endroit, libre et légitime, parfois justifiée, il reste à jamais un enfant d’Oran, ma ville. Voici racontée d’une manière très brève ma rencontre avec lui.

Dans une autre vie, pour préparer l’intervention d’Aït-Ahmed, j’ai eu à rencontrer le célèbre journaliste Jean Pierre El Kabbache, alors patron de l’information sur Europe 1 à cette période.

C’était avant sa matinale, très tôt le matin, dans son bureau.

L’entretien terminé, il m’accompagna avec amabilité jusqu’à la sortie de l’immeuble. Puis il me tendit une main d’au-revoir en me disant « J’ai cru comprendre que vous étiez d’Oran».

Je lui répondis « Et vous, il est de notoriété publique que vous l’êtes également ».

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Et alors, il aurait pu me dire en cette circonstance des tas de choses convenues comme « Nous habitions…Mon père travaillait à…C’est une belle ville…etc». Non, il choisit spontanément la phrase « J’ai été au lycée Lamoricière (actuellement lycée Ben Badis si ma lointaine mémoire est bonne).

J’ai perçu un sourire très dissimulé, de ceux qui sont une fierté affichée parce que vous voulez montrer au monde votre origine et que la pudeur vous engage à la retenue pour le dire en toutes circonstances.

Par la suite, je me suis dit combien la vie était étonnante. Ce gars avait connu et interviewé les plus grands de ce monde. Il avait rencontré et mis à défaut tous les Présidents français. Tous craignaient ce terrible journaliste et lui accordaient courbettes et salamalecs.

Eh bien cet homme n’a pas trouvé autre chose à me faire comprendre de lui que son immense fierté d’avoir été au lycée Ardaillon.

Cela m’a fait comprendre, encore plus que ce que je savais déjà, combien cette école algérienne (dans le sens générique) fut un puissant vecteur pour façonner notre vie et s’incruster jusqu’au fond de notre souvenir d’enfance. D’autres Algériens, dans d’autres lieux, pourraient en dire autant. Mouloud Feraoun l’a si magistralement décrit que je ne pourrais égaler son émouvant récit.

Je me suis toujours voulu de ne pas avoir trouvé les mots à ce moment pour lui dire :

« J’ai passé mon examen de 6e au lycée Ardaillon, nous avons tous les deux fréquenté l’Institut d’Études Politiques de Paris et, tous les deux, sommes loin de notre pays natal ».

Je l’ai quitté sur le pas de la rue François 1er, il avait toujours ce sourire attendri qu’il ne devait jamais avoir eu avec tous les grands de ce monde. J’ai eu peut-être la prétention de le croire mais je suis certain qu’il y avait un fond de vérité.

Celle qui s’incruste également dans notre mémoire, soit l’image de notre jeunesse dans une ville gorgée de soleil et que nous aimons passionnément, tous les deux. Même si ce n’était pas exactement la même période, cette ville nous semblait éternelle.

C’était le sourire de la fraternité d’un enfant d’Oran qui en rencontrait un autre.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité

 

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