25 novembre 2024
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Mémoire d’un Oranais (10) : une identité algérienne gravée dans la peau

Boumediene Sid Lakhdar.

Un jour je me suis aperçu que ma cicatrice au bras avait disparu. Ma compagne de plusieurs décennies, mon identité algérienne ne se lisait plus sur moi.

Elle était pourtant gravée sur mon bras. J’en parlais souvent aux gens de ma génération car tous portaient une cicatrice de reconnaissance comme la marque inscrite au fer rouge sur la peau des bêtes dans les films de western.

Comme il ne s’agissait pas d’un numéro nous avions échappé à une autre identification malheureuse dans l’histoire.

Les bras s’accrochant aux barres des bus, à la plage, sur le bord de la fenêtre des voitures ou au sport, nous portions cette marque visible sur la peau. Et lorsque nous nous rencontrions à l’étranger il était inutile que nous déclinions notre nationalité si nous étions en bras découverts.

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Un jour, des médecins russes étaient arrivés en horde au lycée et nous avions été convoqués dans la grande salle du réfectoire. Nous attendions notre tour pour le vaccin. C’était la fameuse vaccination nationale du BCG si mon souvenir ne fait pas défaut.

La seringue qui nous attendait ce jour-là devait probablement servir également à la vaccination des bœufs. Sa vue nous avait donné une sacrée frayeur. La lecture d’une autre chronique dans ce recueil en décrira l’aventure que consistait toute piqure en ce temps-là.

La médecin russe avait le même gabarit, on n’avait pas intérêt à faire les imbéciles devant cette masse aussi élevée et imposante qu’une montagne. Elle nous avait mis en face d’elle, en rangées de cinq ou six élèves et nous avait demandé de baisser le pantalon.

Il fallait que nous toussions, les parties génitales bien visibles. Ne me demandez jamais pourquoi, un demi-siècle à le demander aux amis médecins qui sont bien incapables de nous l’expliquer.

Mémoire d’un Oranais (9) : le foot et la bouteille de gazouz

Puis on nous a vaccinés car cette séance de nudité était un examen médical antérieur à la vaccination. Je vous l’ai dit, aucun médecin n’a pu nous expliquer l’étrangeté de ce cérémonial de nudité.

Ceux de cette génération qui s’en souviennent, dans l’épisode des Envahisseurs, David Vincent les avait repérés par l’un de leurs doigts, particulier dans sa forme. Il en sera désormais pareil pour nous sur le bras.

Presqu’un demi-siècle en exil, dois-je comprendre qu’on m’a renié mon identité algérienne. Ma cicatrice m’a quitté.

Il en reste tellement d’autres mais qui sont invisibles.

Sid Lakhdar Boumediene

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