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Une mission délicate et l’apport des communautés nord-africaines

La laïcité au Québec

Une mission délicate et l’apport des communautés nord-africaines

Le débat sur la laïcité refait surface avec le gouvernement de François Legault, le premier ministre de la province du Québec semble décider de mettre en application les promesses tenues lors de sa campagne électorale.

Québécois lui ont en donné suffisamment confiance en votant sur son parti, la Coalition Avenir Québec (CAQ), le 1 octobre 2018 dernier, pour qu’il soit majoritaire avec 75 députés sur les 125 que compte parlement. François Legault est déterminé de confirmer son poids politique en proposant un projet de loi sur la laïcité de l’État.

Le voile : un signe ostentatoire

Ce qui est particulier dans son projet, c’est d’appliquer une loi interdisant le port des signes religieux uniquement sur des employés de l’État qui sont en position d’autorité, à savoir les policiers, les gardiens de prison, les procureurs, les juges et les enseignants. Pour cette dernière catégorie, il y a énormément de femmes qui portent le voile.

Vu que leur statut est considéré comme une autorité sur l’élève, pour se conformer à la nouvelle loi, au départ, il y a déjà un problème : soit elles vont se départir de leurs habits ou quitter leur fonction. Sur ce point, les opinions et les avis divergents, la question des droits acquis est soulevée, c’est-à-dire de permettre aux enseignantes de demeurer à leur poste en gardant leur hidjab, en appliquant la « clause de grand-père »(1).

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En fait, pour être plus directe à la place des politiciens, le seul et unique signe religieux qui suscite de la méfiance, d’abord, c’est bien le port de voile, cet habit qui se démarque dans les milieux publics et dérange énormément le québécois en général. Pour rappel, il a fait son apparition depuis l’avènement des communautés d’origine musulmanes dans le cadre de l’immigration.

C’est un cliché qui est lié à la rétrogradation du statut de la femme, c’est un signe d’asservissement, il est très mal accueilli. Pour comprendre cette suspicion, il faut faire un saut vers le passé et comprendre le parcours difficile de la femme québécoise, elle se souvient du rôle répressif de l’église.

Les femmes québécoises ont dû affronter les évêques, les curés et les politiciens qui sont unanimes pour les stigmatiser et nier leur droit à l’autonomie. Elles ont inscrit l’histoire. Idola Saint-Jean, Therèse Casgrain, Marie Gérin-Lajoie et toutes les autres femmes Québécoises qui ont pris d’assaut le Parlement, de 1922 au 1940, pour obtenir le droit de vote.

Donc, pas question de faire des concessions ni un retour en arrière en matière des libertés individuelles pour faire valoir un droit à leurs dépens au nom de la religion.

Les mesures politiques délicates face à la diversité culturelle  

Il faut admettre que les mesures que le premier ministre a entreprises pour parer au phénomène dépassent le cadre du problème. De consort avec son ministre de l’immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Simon Jolin-Barrette, ils viennent de s’engager dans une démarche radicale et sans distinction en éliminant 18 000 dossiers à l’immigration non traités. Tout un dérapage qui a fait bondir le caricaturiste du journal La Gazette, Terry Mosher. Lui qui dessine sous le nom d’Aislin ne s’est pas gêné de faire le parallèle entre la CAQ et le Ku Klux Klan, un mouvement ultraraciste américain, dans un dessin qui aurait pu être publié si la rédactrice du journal n’a pas opposé son refus. On s’entend qu’il a exagéré.

Le geste du premier ministre d’être parti en France pour combler un manque flagrant de main-d’œuvre chez les entreprises québécoises est une bonne chose, et en même temps, supprimer des dossiers des candidats à l’immigration est une mauvaise chose, il vient de confirmer son paradoxe. Il est en contradiction totale avec les principes et les valeurs du Québec en matière de recrutement des nouveaux Québécois.

Il a choisi les chemins les plus faciles et non les plus justes. D’ailleurs, lors de la dernière campagne électorale, en plus de réduire de 20 % les nombres de candidats à l’immigration, il s’est fait épingler sur son ignorance au sujet du processus de l’obtention de la citoyenneté canadienne.

A priori, la question qu’il faut poser, c’est quoi les intentions réelles du gouvernement ? L’histoire des signes religieux ne cache pas une volonté de faire du sélectif ethnique pour les futurs candidats pour le Québec ? Peu importe ces arrières pensés, les Québécois sont très éveillés pour faire la distinction entre un mensonge et une réalité, entre le mal et le bien, et entre un bon et un mauvais individu.

citoyen construit la société, et c’est celui-ci qui décide pour élire son décideur. Il est bon de rappeler que les trois derniers gouvernements successifs qui ont été au pouvoir sont différents sur leur point de vue en idéologie politique, et surtout sur le dossier de l’immigration. Le parti québécois (PQ) en 2012, en suite le parti libéral (PL) en 2014 et la coalition avenir Québec (CAQ) en 2018. Le peuple lui revient le dernier mot pour sanctionner les politiciens pris à défaut et ceux qui ont dérapé. Nul n’est éternel au pouvoir dans un État démocratique.

Le combat des communautés pour la laïcité

D’abord si certains ont un doute sur le problème d’intégration des nouveaux arrivants, de facto c’est leur droit, mais il y a lieu de rappeler, a fortiori, que dans n’importe quel groupe de société il y a des marginaux et il y a aussi des engagés et des stoïciens pour les bonnes causes.    

À l’instar de Djamila Benhabib qui a été toujours fidèle à ses positions laïques, elle a exhorté le premier ministre d’aller de l’avant concernant ses engagements pour interdire les signes religieux. Ça coïncide avec l’anniversaire de la tuerie qui a eu lieu à la mosquée de Québec, le 29 janvier 2017, une initiative de faire de cette date une journée contre l’islamophobie a fait réagir cette Québécoise d’origine algérienne en s’opposant à cette idée. De la même origine que Madame Benhabib, Arezki Bentayeb, enseignant au primaire, il s’est exprimé au sujet des signes religieux, « un enseignant doit être une référence, un modèle, une sécurité, mais c’est aussi une image ». Des propos rapportés par le journal La presse du 7 novembre 2018.

L’ex-ministre libérale Fatima Houda-Pepin, une femme de conviction, en 2013, elle a dû s’objecter à son chef, Philippe Couillard, lors d’un débat à l’Assemblée nationale sur la charte des valeurs québécoises, en affirmant son opposition au port du tchador. Et en début de 2014, cette femme d’origine marocaine quitte son parti, car elle refuse de baisser les bras et de cesser de lutter contre l’intégrisme.

Aussi, elle s’est démarquée lors de l’affaire de la légalisation possible de la charia en l’Ontario en 2005. Elle n’est pas la seule dans son combat, une autre féministe algéro-québécoise Leila Lesbet a exposé l’hypocrisie pro-hijab de la Fédération des femmes du Québec, ce qui lui a valu son exclusion pour « comportement problématique ». Auxquels s’ajoutent à la cause de nombreux militantes et militants comme Nadia El-Mabrouk, d’origine tunisienne, qui publie des textes pro-laïcité incisifs ; l’humoriste Nabila ben Youssef ; l’écrivain Karim Akouche, auteur de Lettre à un soldat d’Allah ; la psychologue Rachida Azdouz, auteure de le vivre ensemble n’est pas un rince-bouche ; et d’organisation comme les membres de l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité, l’Association Amitié Québec-Kabylie et le CKC (Congrès des Kabyles du Canada).

Comme des garde-fous de l’intégrisme, ces intellectuels, écrivains, artistes et associations sont bien placés pour envoyer des signaux d’alerte à la société en général et aux politiques en particulier. Ces femmes et ces hommes, à majorité ont dû quitter leur pays pour se réfugier au Québec.

De leurs expériences de vie face au danger de l’intégrisme et dans un souci de vivre en harmonie mutuelle en exerçant les libertés et les droits fondamentaux selon les valeurs démocratiques, ils se sont engagés pour mener un combat contre un phénomène qui inquiète les Québécois.

In fine, il est plus que légitime de se prémunir de la stigmatisation et du fondamentalisme par les moyens légaux. Malheureusement, on a tendance à généraliser ces deux phénomènes sur l’ensemble des sujets qui composent une telle communauté ou les Québécois de souche, de ce fait, inévitablement, des sentiments de méfiance et de peur se créent. Donc un travail commun en tenant compte des différentes sensibilités s’impose pour endiguer le danger de la discrimination caractérisée par la race, la couleur de la peau, l’origine ethnique ou nationale.

Mahfoudh Messaoudene ing.

Sainte-Julie, février 2019

(1) : En droit, une clause d’antériorité, ou disposition maintenant les droits acquis, est une disposition légale permettant que, lors de l’adoption d’une nouvelle loi, les conditions de l’ancienne loi puissent s’appliquer à ceux qui en bénéficiaient déjà, généralement pour une période limitée. L’expression américaine pour décrire ces dispositions est grandfather clause, littéralement « clause de grand-père ». Source Wikipedia

 

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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