Les cafés de rue n’ont ni le prestige des grands journaux ni l’autorité des experts installés. Pourtant, il s’y dit souvent des vérités que les salons officiels refusent d’admettre. Entre les chaises de plastique et les tasses de café amer, naissent des paroles brutes, parfois naïves, mais toujours sincères.
On y dit : « La couronne ne vaut rien sans ses perles. » Un roi sans peuple, une richesse sans ceux qui la portent, cela n’a aucun sens. Une nation, sans ses forces vives, n’est qu’un titre vide.
Aujourd’hui, la France est malade. Sa diplomatie a la fièvre, et son destin ressemble à celui d’un empire romain à bout de souffle. Si Paris ne guérit pas sa fièvre, elle connaîtra le sort de Rome : un pays livré à un Commode, fils du sage Marc Aurèle — héritier du trône, mais incapable de porter la sagesse.
Car l’Histoire est mouvement. Un pays avance, un autre recule. Les équilibres changent comme les pièces d’un jeu d’échecs. L’Algérie, l’Afrique, l’Italie : chacun déplace l’autre par ses coups. Et ce que Paris veut cacher avec un tamis, le soleil du monde finit toujours par l’éclairer.
La crise française actuelle, aux yeux des cafés de rue, ressemble à une poudre à canon posée sur la table : il suffit d’une étincelle pour qu’elle déclenche une crise plus vaste, peut-être un printemps africain.
Mais ce printemps ne serait pas une simple révolte : il serait la renaissance d’un continent, la deuxième libération des peuples africains. Cette fois, il ne s’agirait pas seulement de se libérer des chaînes politiques ou militaires, mais de conquérir une indépendance d’esprit, de se débarrasser des idées imposées par le colon, des vieilles habitudes et des préjugés hérités — les véritables « poux du colon ».
Un printemps africain ne serait pas seulement politique : il serait économique, culturel, démographique. Il dirait au monde que l’Afrique n’est plus un espace de conquête, mais un acteur central de la transformation planétaire, capable de marcher avec sa propre lumière et ses propres choix.
La bonne diplomatie n’est pas celle qui se crispe, mais celle qui sait entendre les signes avant-coureurs. Elle doit écouter les crépitements du changement avant que le monde ne s’embrase.
Car les empires ne tombent pas faute d’armes, mais par excès d’arrogance et par l’oubli de leurs propres perles. Et le classement des nations, comme la balance du bistrot, ne reste jamais fixe : il oscille sans cesse, révélant à chacun qu’aucune puissance n’est éternelle.
Lakhdar Larabi