4 mai 2024
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Une solution à la crise : le contrôle de la rente par la nation ?

REGARD

Une solution à la crise : le contrôle de la rente par la nation ?

« L’adhésion populaire est essentielle. Avec l’adhésion populaire, rien ne peut échouer, sans elle rien ne peut réussir », Abraham Lincoln

Etant propriétaire des gisements pétroliers et gaziers, l’Etat a donc le droit de s’approprier la rente qui l’a confortée dans la gestion de l’économie et de  la société. Elle lui a permis, en effet, de mener de front une politique volontariste d’industrialisation et une amélioration du niveau de vie en général. En somme, l’Algérie touche une rente pétrolière et gazière dont elle n’arrive pas à contrôler l’évolution et son utilisation.

La rente versée à l’Etat a la particularité d’être exogène c’est à dire que sa provenance et sa croissance ne sont pas liées au développement du pays mais dépendent des facteurs externes. L’un des paradoxes de l’économie algérienne est d’être fondé sur une richesse  dont l’existence renforce à terme les capacités de financement en même temps qu’elle introduit un élément de fragilité.

Il suffit d’une baisse des prix de référence ou des réserves à un moment inopportun pour le développement de son économie menaçant la pérennité de son principal moyen d’existence pour provoquer de graves déséquilibres économiques, politiques voire sociaux De plus, il suffit de considérer les graves dysfonctionnements dont souffre actuellement l’Algérie pour se persuader qu’une forte croissance de revenu en devises ne mène pas nécessairement au développement économique. Le fait que les recettes pétrolières vont pour l’essentiel au gouvernement qui décide de leur répartition et de leur affectation, fait en sorte que le revenu est moins perçu comme la contrepartie d’efforts productifs que comme un droit dont on peut jouir passivement du moment qu’il est octroyé en dehors de la sphère interne de la production. 

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Dans ce cas, le risque est grand de voir les bénéficiaires de la rente se désintéresser de toute activité réellement productive. Dans une économie dominée par la rente ou par l’endettement, l’Etat est d’abord et avant tout intéressé par le développement et la reproduction du pouvoir. Mais dans la mesure où la classe au pouvoir est celle qui détient le pouvoir économique, la politique tend en partie à perpétuer ses avantages et à consolider sa position.

En Algérie, le pouvoir économique que procure la rente à l’Etat est centralisé dans la mesure où il est l’attribut de l’Etat, propriétaire des ressources du sous sol. La rente ou l’endettement qu’elle permet a donné naissance à un mode de gestion étatique centralisé et autoritaire. La concentration entre les mains de la Puissance publique de la rente énergétique se traduit par l’extension de l’appareil administratif et le développement des fonctions économiques et sociales des pouvoirs publics. L’économie de rente est largement ouverte sur l’extérieur. Les exportations d’hydrocarbures constituent l’unique possibilité sinon l’unique recours au financement d’un vaste programme d’importation.

A cela, il faut ajouter la tendance au développement du modèle de consommation dépendant qui va impliquer soit l’importation des biens de consommation, soit leur production dans des unités de montage  importées. En effet, les ressources résultant des recettes pétrolières accroissent considérablement les possibilités d’achat à l’extérieur. Ces dépenses de fonctionnement, d’équipements et d’armement sont provoquées par les blocages de développement qui absorbent largement les ressources financières externes.

Elle se situe à trois niveaux le recours à l’assistance technique pour suppléer au savoir faire local ; l’importation de biens alimentaires pour remédier aux déficiences de la production locale agricole ; le financement à travers le budget de l’Etat, alimenté par la fiscalité pétrolière, des déficits chroniques des entreprises publiques.

En Algérie, la rente a joué un rôle important dans le développement économique du pays. Elle a donné lieu à un pouvoir économique étatique à tendance centralisateur une insertion dans la division internationale du travail dans une position de faiblesse à une capacité de dépenses à l’extérieur induites par les recettes provenant de la vente des hydrocarbures et des possibilités d’endettement qu’elles procurent.

La rente pétrolière rend dérisoire le surplus agricole potentiel et la facilité de payer des importations croissantes peut jouer un rôle dissuasif vis à vis de l’urgence du développement agricole. Le pouvoir a fondé la croissance économique et son dynamisme sur un large secteur public dominant. 

Celui-ci a sollicité la rente toutes les fois où il fallait reporter à plus tard les contradictions sociales et il a empêché ces dernières de s’exprimer dans la sphère politique et d’être actives, en ne tolérant  ni la critique, ni l’opposition. 

Dans la cristallisation d’un tel système de despotisme politique, il ne peut exister évidemment ni organisation de classe et ni de syndicalisme autonome. Le pouvoir, méfiant vis à vis des propriétaires terriens et des industriels, reconnaîtra de facto le droit d’accès aux moyens de production aux anciens militants de la guerre de libération pour autant qu’ils déclarent renoncer de ce fait, à une participation à la gestion économique et politique du pays. 

Quant au syndicat, « l’Etat l’a  chargé de « gérer » le mécontentement ouvrier et de servir de courroie de dépendance, au moyen desquelles le pouvoir pénètre la classe ouvrière, la contrôle et tend à l’absorber. Le pouvoir a cherché à légitimer sa domination en accueillant toutes les revendications économiques contradictoires des groupes sociaux en présence, mais il n’a jamais accepté aucune initiative autonome de la part de ces derniers.

Il a nié, au nom du développement  économique et de l’unité nationale, le conflit social et a repoussé grâce à la rente énergétique et à l’endettement, les conditions d’émergence d’une économie moderne, refusant de s’appuyer sur les forces sociales en éveil. 

Pourtant l’Etat moderne ne peut exister sans une économie de marché et sans une société démocratique. Il nous semble qu’il est difficile de combiner une économie laborieuse avec un pouvoir tout à fait impuissant, comme il n’est pas possible d’imaginer la promotion d’une économie de marché avec un pouvoir féodal autoritaire monopolisant le maximum de ressources nationales. 

La vraie question concerne le rôle de l’Etat en Algérie. Comment peut-il générer le développement d’en haut ?  Comment peut-on privilégier l’Etat sans être victime de son pouvoir et de sa bureaucratie ?

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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