Jeudi 23 avril 2020
Vous rêvez encore de pétrole ?
Avant la dernière réunion de l’OPEP++, j’avais dit que quel que soit l’accord qui sera trouvé entre les divers membres et non membres (moins de 10 millions de bariljour ou moins de 12 millions de bj ou encore moins de 15 millions de bj…) les stockages existants et l’arrêt de l’économie un peu partout dans le monde font que l’Opep va juste essayer d’éviter que le prix ne baisse très fort (éviter la zone rouge).
Sachant qu’à 20 dollars le baril c’est 70% des gisements de pétrole dans le mode qui vont fermer. Oui le pétrole canadien ne se vend plus, il se donne gratuitement aux demandeurs faute de quoi les différents producteurs ne sauront plus quoi faire avec des énormes stocks sur les bras, chez eux, oui ils sont débordés alors que les travailleurs sont dans les champs pétroliers, les salaires se payent, les chevalets de pompage tournent, le pétrole sort, les bacs se remplissent vite et bien mais au bout du rouleau, les acheteurs n’en ont plus besoin et n’en veulent plus. Que faire alors de tout ce pétrole ? De tout ce surplus ?
Au Texas (USA), depuis le 18 avril, le pétrole se négocie entre 2 et 4$ le baril. Il y a un mois le litre d’essence à la pompe à Montréal se vendait à 1.90 dollar, aujourd’hui il est affiché à 0,88 soit une baisse de + de 50%.
C’est sûr que le pétrole algérien va encore se vendre autour de 27 dollars. Il faudra bien satisfaire les derniers et petits contrats signés il y a 4 ou 6 mois. Mais c’est certain que l’effet dominos va dans quelques jours surprendre tout le monde. Le pétrole est actuellement dans une tempête ‘’tempétrole incontrôlable’’.
Il va évoluer de la même façon que le coronavirus actuel : Personne ne sait rien de lui, ni ne sait dans quel coin il est plus menaçant ni encore où il se rendra et à quel niveau demain et la semaine prochaine. Plus cette crise sanitaire perdure plus l’économie va demeurer dans un coma artificiel et plus le pétrole va encore baisser.
En tout cas, certains pays comme le Venezuela, l’Algérie, l’Irak etc.. ne pourront tenir l’équilibre budgétaire qu’avec un pétrole à 95 dollars le baril, chose qui n’arrivera plus jamais.
Vu l’état actuel de la situation mondiale, nous sommes partis pour un pétrole qui ne dépassera plus la barre des 35 dollars le baril tout au long de 2020 et 2021 et même au cours du premier semestre 2022. L’Algérie a intérêt à bâcher, rapidement, une bonne partie de ses gisements de pétrole, ne garder que le strict minimum pour la consommation locale et revoir, reconvertir et affecter au moins 60 à 70% des 110.000 travailleurs de l’énergie.
L’Algérie n’a plus les moyens de subvenir à ses besoins colossaux (importations annuelles d’un minimum incompressible de 40 milliards de dollars) ni n’a les capacités financières à réformer, relancer, soutenir son économie, ni investir au profit de ses deux gros bébés Sonatrach et Sonelgaz.
Ne rêvons plus. Les soixante milliards de dollars dans le tout dernier coffre, en réserves de change, vont tout juste alléger nos douleurs et nous aider quelque peu pendant la durée de cette crise sanitaire.
À titre d’exemple, la France dépense jusque à 60 milliards d’euros par mois depuis février passé; l’Espagne s’active à débloquer 200 milliards d’euros pour protéger l’emploi, les travailleurs et les entreprises fragiles; l’Union européenne va débloquer 500 milliards d’euros pour la relance de l’économie etc. L’Algérie a-t-elle ces niveaux en terme de capacités financières ?
Il y aura quelque 200 milliards de dollars qui seront distribués par l’ONU très prochainement aux Africains, que l’Algérie fasse la chaîne pour avoir sa part…
Que ceux qui ont la possibilité de travailler la terre le fassent et c’est urgent. Que ceux qui ont des poulaillers, des écuries et qui font dans l’élevage ovins et bovins poursuivent leur bon travail et maintiennent la cadence. Que ceux qui peuvent recourir à une économie de la débrouille (cordonnerie, plomberie, couture, vitrerie…) le fassent aussi. Les jours à venir seront difficiles. Nous ne sommes pas alarmistes mais logiques.
Cette crise sanitaire va donner à réfléchir à plusieurs. Nous avons très mal utilisé notre temps, notre énergie, nos finances, nos moyens. Nous avions trop compté sur le pétrole; nous avions trop gaspillé et encouragé l’assistanat et le gain facile.
Aujourd’hui, le temps de faire des comptes est arrivé. Il faudra compter, pas nos milliards, no bénéfices ou nos performances, puisque il n’y en a ni milliards, ni bénéfice ni performance. Mais il faudra au moins compter nos bêtises, notre malhonnêteté et nos défaillances. Nous n’avons pas su profiter des moments d’aisance et de calme pour nous rendre service, par des actions honnêtes, positives, rentables et profitables à nous, aux autres et à tout le pays.
Nous n’avons pas su créer de la richesse ; nous avons tout fait pour l’éviter. Nous avons vécu durant des décennies, la tête et l’esprit sur les nuages, l’orgueil, le mépris du pauvre, l’exclusion du spécialiste, l’applaudissement de l’échec, le piston, la brosse et la complicité aux incompétents, la fuite en avant…
Encore une fois arrêtez de rêver. C’est juste l’histoire de ‘la cigale et la fourmi’ qui va s’appliquer à nous. Et bien dansons maintenant.