21 novembre 2024
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Xavier Driencourt : « L’Algérie est en train de s’effondrer… »

Tebboune et Macron
Xavier Driencourt estime que les autorités algériennes roulent dans la farine Emmanuel Macron.

Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie (2008-2012, 2017-2020), sort encore une fois de sa réserve pour dresser un tableau noir de la situation de l’Algérie. Une analyse que ne cessent de faire de nombreux activistes et opposants algériens. «L’Algérie va mal, beaucoup plus mal que les observateurs ou les rares journalistes autorisés le pensent», constate-t-il.

Après la publication de l’entretien de Tebboune, il y a deux semaines, Le Figaro vient de publier une tribune incendiaire de Xavier Driencourt. L’ancien diplomate pose le cadre en rappelant d’abord un fait majeur de l’histoire moderne de la France : la chute à Alger de la IVe république française. Renversant. Accrochez-vous !

« S’il fallait résumer brièvement et brutalement la situation, je dirais que l’« Algérie nouvelle », selon la formule en vogue à Alger, est en train de s’effondrer sous nos yeux et qu’elle entraîne la France dans sa chute, sans doute plus fortement et subtilement que le drame algérien n’avait fait chuter, en 1958, la IVe République », écrit-il.

Ce rappel fait, il enfonce le clou : «Tous les observateurs objectifs constatent que depuis 2020, après peut-être quelques semaines d’espoir, le régime a montré son vrai visage : celui d’un système militaire (formé, on l’oublie, aux méthodes de l’ex-URSS), brutal, tapi dans l’ombre d’un pouvoir civil, sans doute autant affairiste que celui qu’il a chassé, obsédé par le maintien de ses privilèges et de sa rente, indifférent aux difficultés du peuple algérien. La répression qui s’est abattue sur le pays, répression élaborée et mise en œuvre par une armée qui ne cesse de glorifier les combats contre la France, « ennemi éternel », a fini par avoir raison des espoirs mis un temps dans le Hirak pour une démocratisation du pays. »

Soyons clairs, le constat ici fait est celui de tous les défenseurs des droits humains et des libertés en Algérie.  Si certains poussent déjà des cris d’orfraie, c’est sans doute par zèle, voire pour plaire aux autorités.

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Xavier Driencourt reconnaît que « la force de ce régime est de faire croire au monde que l’Algérie n’est peut-être pas une démocratie à l’occidentale, mais qu’elle s’achemine, selon ses moyens propres, vers un système un peu autoritaire, gentiment policier, mais sans jamais être une dictature ».

Et ajoute : « Mais le génie de ce système est surtout d’avoir fait avaler cette fable à ceux qui sont censés les mieux connaître, les Français. » Comme pour dessiller les yeux à Emmanuel Macron qui parle de son « ami » Tebboune, l’ancien ambassadeur observe : « Nous croyons connaître l’Algérie parce que nous l’avons colonisée, mais l’Algérie nous connaît et nous possède bien davantage. »

Convoquant une amitié avec l’Algérie, Xavier Driencourt constate : « S’il fallait résumer brièvement et brutalement la situation, je dirais que l’« Algérie nouvelle », selon la formule en vogue à Alger, est en train de s’effondrer sous nos yeux et qu’elle entraîne la France dans sa chute, sans doute plus fortement et subtilement que le drame algérien n’avait fait chuter, en 1958, la IVe République. La réalité algérienne n’est en effet pas celle qu’on nous décrit : le régime corrompu de Bouteflika est tombé en 2019, et, après des soubresauts, comme dans toute révolution, l’Algérie issue du « Hirak béni » serait, nous dit-on, progrès, stabilité et démocratie. Or tous les observateurs objectifs constatent que depuis 2020, après peut-être quelques semaines d’espoir, le régime a montré son vrai visage : celui d’un système militaire (formé, on l’oublie, aux méthodes de l’ex-URSS), brutal, tapi dans l’ombre d’un pouvoir civil, sans doute autant affairiste que celui qu’il a chassé, obsédé par le maintien de ses privilèges et de sa rente, indifférent aux difficultés du peuple algérien. »

Sans concession, cette charge rappelle la fameuse déclaration d’Emmanuel Macron qui a valu le gel des relations entre Alger et Paris et une grosse colère des autorités algériennes. Des propos que rappelle d’ailleurs l’ancien ambassadeur : « Je dois ici rendre hommage au président de la République, qui, en octobre 2021, avait tenu des propos percutants alors rapportés par le journal Le Monde : « une histoire officielle réécrite par Alger construite sur la haine de la France », « la rente mémorielle », « un système politico-militaire fatigué » : il avait alors fait preuve d’une lucidité qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait affichée. »

Puis de s’interroger : « Mais pourquoi diable, quelques semaines plus tard, se précipiter à Alger et tenir aux Algériens les phrases qu’ils attendaient sur mémoire et immigration ? Pourquoi diable envoyer dans la foulée le premier ministre flanqué de quinze ministres qui, pour s’occuper, ont visité le cimetière chrétien déjà parcouru par le président et le Lycée français ? Pourquoi ne pas s’en tenir à une ligne de fermeté, la seule que l’Algérie comprenne, le rapport de force, plutôt que l’angélisme ?».

Plus de 8.500 visas français délivrés aux étudiants algériens en 2017

Bien entendu, Xavier Driencourt défend les intérêts de son pays. Il regrette le manque de fermeté des autorités françaises, voire leur naïveté face à des dirigeants algériens madrés et finaux, estime-t-il.

Ce que dit l’ancien ambassadeur sur les arrestations est une réalité que personne n’ignore. Elle est malheureusement connue des militants et de tous les analystes les plus sérieux. L’Algérie n’est pas ce à quoi aspirait le Hirak. Elle est son contraire. Et il n’y a pas lieu d’attendre les déclarations de l’ancien ambassadeur pour le savoir. Mais poursuivons.

« L’Algérie va mal, beaucoup plus mal que les observateurs ou les rares journalistes autorisés le pensent ; 45 millions d’Algériens n’ont qu’une obsession : partir et fuir. Partir où, si ce n’est en France, où chaque Algérien a de la famille ? On ne compte plus aujourd’hui ceux qui demandent un visa dans le seul but de ne faire qu’un aller simple, c’est-à-dire de rester d’une façon ou d’une autre en France avec l’espoir d’être un jour régularisé». Là aussi, tout Algérien censé sait que le seul espoir de l’écrasante majorité est de partir. La preuve ? L’explosion du nombre d’étudiants qui quittent le pays, la multiplication des traversées de la Méditerranée à bord de barques de fortune.

Et d’avertir : « Le prix de notre aveuglement ou de nos compromissions s’appellera donc immigration massive, sans rapport avec ce qu’elle est aujourd’hui, islamisme conquérant, ghettoïsation de nos banlieues, repentance mémorielle. » Il estime que l’Algérie a gagné contre l’ancien colonisateur. Et ajoute qu’ »elle reste un problème pour la France, elle s’effondre, mais risque d’entraîner Paris dans sa chute. La IVe République est morte à Alger, la Ve succombera-t-elle à cause d’Alger ? »

L.M.

 

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